Depuis longtemps, l’économie ne repose plus sur des valeurs facilement identifiables, comme le nombre de bêtes dans un troupeau, les bonnes terres pour l’agriculture, la qualité du bois dans la forêt. Des choses comme ça, bien concrètes, qu’on peut toucher de la main.
L’argent illusoire
Si, comme moi, vous n’êtes pas un spécialiste de l’économie, vous aurez l’impression que toute la richesse du monde repose sur peu de choses, qu’il s’agit d’un mirage. Ou d’un château de cartes qui peut tomber au moindre vent. Des spécialistes tentent de nous en expliquer le fonctionnement, mais les équations qu’ils nous proposent ne sont pas claires.
Économiser ou consommer ?
Ensuite, ce fut le contraire. On nous a demandé de consommer de plus en plus. Cela faisait rouler l’économie et créait des emplois. Lorsque nous n’avions plus les moyens d’acheter, on nous a débloqué des crédits. Cela sentait déjà un peu la fraude.
Et puis (oups !) les cartes du château se sont mises à tomber. On nous a dit d’arrêter de dépenser, de faire des économies pour nos vieux jours parce que l’État ne pourrait plus payer nos rentes. Mais les prix augmentent, les gens perdent leurs emplois. Ceux qui travaillent doivent augmenter leur productivité, payer plus d’impôts.
D’un autre côté, on doit baisser les impôts des entreprises pour attirer les investisseurs qui créent des emplois. Résultat : les riches s’enrichissent, les autres s’appauvrissent. Ce qui réduit du même coup leur capacité d’achat.
Endettement des ménages
En même temps, les problèmes d’endettement des pays augmentent. On le voit aux États-Unis, en Europe et ailleurs. Le seul remède à cet endettement, dit-on, est l’austérité. C’est-à-dire une plus grande misère pour beaucoup.
Mais les gens ne sont pas d’accord, ils sortent dans les rues. La situation devient « contre-productive », pourrait-on dire. Et puis, revirement : le Fonds monétaire international (FMI) surprend en proposant plus de souplesse dans les mesures d’austérité des pays (15 octobre 2012).
Les « naïfs ordinaires » que nous sommes ont parfois l’impression d’être à la merci des « experts » de toutes sortes. Comme des bouchons de liège sur l’océan, ballottés par les tempêtes. Or, comme les experts se contredisent souvent, il n’est pas facile de discerner le vrai du faux dans cette affaire.
L’économie n’est pas une science exacte, visiblement. La notion même de science exacte est déjà discutable, quand on sait qu’en physique, par exemple, on n’a pas encore trouvé une théorie unifiée qui s’appliquerait à tous les aspects de l’univers.
La vraie qualité de vie
Un des problèmes modernes, c’est qu’on a cru à l’objectivité des mathématiques et des sciences. Il y a quelques années de cela, il suffisait d’inviter un expert à la télévision pour nous dire qu’il n’y a aucun danger à utiliser le nucléaire ou tel pesticide, et le problème était résolu.
Cela ne fonctionne plus maintenant, parce que depuis longtemps on a compris que les experts n’avaient pas tous la même opinion. Dans l’affaire de Gentilly-2, on a vu s’opposer des scientifiques qui disaient, d’un côté, que les femmes enceintes devaient quitter Bécancour et qu’il ne fallait pas que les habitants consomment les légumes de leurs jardins – et de l’autre qu’il n’y avait aucun danger.
Tant que la science servait à justifier le travail de l’industrie et les politiques gouvernementales, on la tenait en haute estime. Maintenant qu’elle s’y oppose souvent, elle devient un peu moins crédible pour les pouvoirs qui l’utilisaient jusqu’alors.
La conception actuelle de l’économie dépend d’une croissance constante… comme dans le cas des ventes pyramidales. Mais on sait qu’il y aura toujours des perdants, dans ce genre de « fraude ». En fait, toute la conception économique actuelle est à revoir parce qu’elle repose sur des bases erronées.
Il est impossible de sauver ce château de cartes, et il nous faudra, en fin de compte, reconstruire l’économie mondiale sur des bases plus solides. Sur des bases qui respectent les lois naturelles et qui nous offrent une qualité de vie qui n’a rien à voir avec l’accumulation de biens matériels.
Dans une entrevue accordée au Devoir, le 16 octobre dernier, l’écologiste David Suzuki s’élève contre cette croissance sans frein :
Tout ce que nous faisons doit nous permettre de protéger la qualité de l’air, de l’eau et du sol. C’est la base. Ensuite, on peut se demander comment bâtir une économie en tenant compte de ces éléments essentiels. Mais ce n’est pas ce que nous faisons. Nous élevons l’économie au-dessus de tout en disant que tout le reste doit servir l’économie. Et la nature en paie le prix. C’est suicidaire.
Y a-t-il d’autres solutions ?
Pour être plus positifs, il faudrait parler de tout ce qui se fait de bien en marge de l’économie dominante. Des économistes dissidents qui travaillent à l’économie sociale ; des investissements responsables qui sont en pleine progression ; de l’entraide, de l’échange de produits et de services qui remplacent l’argent ; de l’austérité ou de la simplicité volontaire, et ainsi de suite. Nous y reviendrons dans une prochaine chronique.
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