Mitt Romney, la tempête et l’indécence de certains arguments économiques
«Je ne suis pas là pour sauver la planète»
Durant la campagne électorale américaine, Mitt Romney se pose en pragmatique, à la manière purement républicaine. L’important, c’est de créer des emplois, dit-il, le reste va se régler de lui-même, sans intervention de l’État.
Normand Charest – chronique Valeurs de société, dossiers Environnement, Économie, Politique
Donc, selon Romney, le salut serait dans l’entreprise privée ? Certainement pour ceux qui, comme lui, sont au sommet de l’échelle économique, mais beaucoup moins pour ceux qui rament durement pour arriver.
« Je ne suis pas là pour sauver la planète »
Mais heureusement pour nous, Romney a le don de se tirer dans le pied sans qu’on l’aide. En parlant, par exemple, des 47 % de la population qui est à la charge de l’État. Et, plus récemment, lorsqu’il ridiculisait les préoccupations écologiques ainsi :
I’m not in this race to slow the rise of the oceans or to heal the planet. I’m in this race to help the American people.
Est-il vraiment nécessaire de souligner le grotesque de cette remarque ? Son but n’est pas de ralentir la montée des eaux ou de guérir la planète, mais seulement d’aider les Américains. En balayant du revers de la main toute la planète et le reste de l’humanité.
Mais comment pourrait-il les aider, lorsque la mer paralyse le métro et lorsque tout s’arrête dans le noir ? Le New York Times s’amuse à ses dépens, dans son éditorial du 29 octobre 2012 intitulé « A Big Storm Requires Big Government ». Sans les bureaucrates dont Romney voudrait se débarrasser, qui s’occuperait de la gestion des secours ? demande justement le journal.
Et sans prendre au sérieux les problèmes environnementaux actuels, comment peut-on penser à une économie et à une paix sociale durables ? Non vraiment, derrière l’apparent pragmatisme se cache ici, en réalité, une ignorance et une recherche égocentrique de pouvoir et de privilège.
L’indécence de certains arguments économiques
Les guerres bonnes pour l’économie ? Les soldats qui meurent dans les tranchées, la population sous les bombardements. Ceux qui soignent les blessés, ceux qui ramassent les morceaux éparpillés de chair, pourraient-ils parler aussi facilement de la valeur économique des catastrophes et des guerres ?
Il y a là une indécence difficile à concevoir et à excuser, du point de vue éthique ou moral.
Une économie qui repose sur le malheur des autres, sur la surconsommation et les plaisirs superficiels est forcément fausse, pour ne pas dire immorale. Elle est d’ailleurs toujours sur le bord de la crise.
Redéfinir le bonheur ?
Comment définir le bonheur, ou au moins la « qualité de la vie » ? Au départ, la nature est belle. Ses paysages nous réconfortent, et ce n’est pas pour rien qu’on l’a appelée Mère Terre. Elle nous offre de l’eau pure et de l’air pur.
Ou plutôt, « nous offrait », parce que nous avons détruit tout cela au nom de l’économie et de la surconsommation qui lui est nécessaire. Résultat : nous travaillons dans des usines grises ou des bureaux beiges, plutôt que sous le soleil.
Et pendant nos temps libres, lorsqu’il en reste, nous bravons les puants bouchons de circulation pour retrouver quelques arbres. Le sol est couvert d’asphalte, autour des centres commerciaux et des zones industrielles, là où se trouvaient, hier à peine, des pâturages et des terres, des canards et des hérons.
Retrouver des valeurs durables
Sérieusement, qui veut d’un tel monde dans lequel la beauté, la culture et le bonheur calme disparaissent au nom du pragmatisme ? Tout y est pesé en ne tenant compte que de la valeur financière, et le reste est rejeté. Une telle vie n’a aucun sens.
Mais la vie véritable est bien loin de tout cela. Elle est basée sur des valeurs plus profondes et durables : des valeurs éthiques, morales, incluant de l’entraide, du partage, de la confiance, de la compassion, de l’amour. La vie réelle implique toutes ces choses. La vie réelle qui « vaut la peine d’être vécue ».
Malgré les discours de ceux qui se prétendent plus avisés, nous devons garder le cap et conserver nos valeurs, autant sociales que spirituelles, sans lesquelles l’humanité ne pourrait pas survivre.
Article cité du New York Times, « A Big Storm Requires Big Government ».