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L’amour des livres: « Héloïse est chauve » et « Brioche »

Publié le 14 novembre 2012 par Generationnelles @generationnelle

Les scènes d’amour au cinéma sont légions, on n’y prête plus attention. Cela fait partie du décor, même les plus suggestives ne parviennent plus à nous troubler.

Il n’en est rien pour les livres : est ce le pouvoir des mots ou la force des phrases posées sur le papier qui génèrent une toute autre réaction ?

On ne parle pas ici du dernier roman de Christine Angot qui sans doute a le mérite d’exister et démontre finalement que si l’on aime être troublée par un livre, ce n’est que par suggestion et non-dits. Mais quand on nous étale la crudité sans détour, c’est plus compliqué.

Et pourtant certains auteurs savent le faire avec talent. Il en va ainsi d’Emilie de Turkheim avec son dérangeant Héloïse est chauve.

Livre Heloise est chauve

Héloïse ne dérogera pas aux règles de la famille : elle tombera amoureuse, dès sa naissance, de l’homme qui a fait chavirer le cœur de sa grand-mère et de sa mère.

On est alors le spectateur passif et impuissant de la relation qui va s’installer entre cet homme, un séducteur invétéré et cette jeune fille, troublante et forte. Une histoire d’amour dérangeante, sortant des cadres habituels, où l’on ne sait plus qui domine qui et où les scènes d’amour nous sont exposées sans détour. Héloïse, on la déteste parfois, on voudrait la protéger à d’autres, la retirer des griffes de cette histoire familiale malsaine.

Une écriture d’une sensualité extrême, une maitrise de la langue unique.

Parfois, l’étouffement vous guette, cette sensation d’être prisonnier d’une histoire que vous ne voudriez pas lire. C’est là sans doute que réside le talent de l’auteur qui ne fait pas que suggérer mais qui parvient par sa plume à venir vous chercher dans vos retranchements.

« Il y a de l’amour, du désespoir, une stupéfaction de vivre dans son cri. Lawrence aimerait avoir la force et l’impudeur d’être en vie comme Héloïse est en colère. Il rêve d’une existence où chaque geste et chaque parole aurait le même excès. Ce serait vaincre le temps qui détale. Lawrence caresse le visage d’Héloïse, la salive aux commissures, et Héloïse, sentant le pouce sur ses lèvres, l’aspire. Et plus un cri, elle suce, éperdue. Elle suce comme on avale une rivière après avoir dévalé l’été, les pentes de coquelicots à toute allure, les robes blanches, les pieds nus, les prairies brûlantes. Dans le salon, on entend le crépitement du feu et le pouce dévoré, des soupçons de baisers. Lawrence, sucé, tremble. Héloïse tombe amoureuse. » Extrait, Héloise est chauve

Le même sentiment, à un degré moindre cependant, peut se retrouver dans le roman de Caroline Vié, Brioche. Un premier roman prometteur.

Livre Brioche

Caroline Vié est journaliste ciné et elle nous offre ici un roman sur son univers. On se prend au gré de la lecture à imaginer quelle star se cache en face d’elle. On suit la narratrice – journaliste ciné donc -, mariée et mère de famille, dans ses rendez vous professionnels, jusqu’au moment où tout va basculer, où la vie rêvée offerte par les stars rentre en collision avec la monotonie de son quotidien. On sent dès le début une gêne, on aperçoit la folie poindre mais on ne découvre sa cause qu’en cours de lecture.

L’emploi de la deuxième personne du singulier renforce le trouble. A qui s’adresse t elle ? Pourquoi me prend elle, moi lecteur, comme témoin ?

Un premier roman prometteur, même si à certains moments, l’auteur voulant nous faire comprendre les pensées de la narratrice en fait un peu trop. Une plume singulière!

« Quand nous nous sommes quittés, l’anesthésie est passée. Le besoin de toi l’a remplacée. Tu avais donné un sens à ma vie, un sens unique et interdit. A toi, il n’a fallu que quelques minutes pour m’oublier. » Extrait, Brioche

Deux histoires de femmes amoureuses flirtant avec l’interdit et la folie. Deux héroïnes troublantes et inédites !

A l’heure où va déferler en France le phénomène «Cinquante nuances de Grey» qui émoustille la gente féminine mais semble un peu léger en terme d’écriture et de scénario, on peut s’interroger sur ce que le lecteur attend : du croustillant ou du suggestif ? Le contenu ne suffit pas, il faut une plume asservie pour servir ce genre de contes !

Charlotte
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