Pour le savoir, il faut –absolument- aller au Musée d’Art Moderne de Paris.
L’exposition L’art en guerre 1938-1947, de Picasso à Dubuffet nous plonge dans les tourments créatifs et moraux de Picasso, Ernst, Dali…
On y retrouve des résistants, des exilés, des internés et des collabos. Et toujours une inextensible envie de créer malgré le marasme ambiant.
Tout commence avec l’exposition internationale du surréalisme de 1938. C’est une « bombe », l’expression d’un cauchemar à venir. André Breton entouré de Paul Éluard, Duchamp, Dalí, Ernst, Man Ray, Paalen, Tanguy, Arp, Domínguez, Miró… livrent leurs visions effrayantes et prémonitoires.
Dès 1940, Vichy s’attaque systématiquement aux « forces de l’anti-France ». Républicains espagnols, juifs apatrides, opposants au régime fasciste, franc-maçon, déserteurs allemands, sont un danger pour le nouvel ordre totalitaire. 600000 personnes sont internées dans près de 200 camps de concentration en France. Dans ces camps, la création artistique est un élan vital. Avec des outils de fortunes (cire, ficelles, emballages), les hommes et les femmes expriment leur désarroi et rendent compte de leur détention.
L’exposition consacre à Picasso une salle entière. Ostracisé pour son art « dégénéré » et son soutien aux républicains espagnols, Picasso refuse l’exil et peint sans relâche dans son atelier parisien. Il prouve ainsi la vérité de sa célèbre formule : «Non, la peinture n’est pas faite pour décorer les appartements. C’est un instrument de guerre offensive et défensive contre l’ennemi. »
Enfin, il y a ceux qui ne reviendront pas des camps, comme Charlotte Salomon. Elle a peint plus de 700 gouaches qui racontent sa vie avant et pendant la guerre. Arrêtée puis déportée à Auschwitz, elle a juste le temps de livrer ses dessins à un ami en lui disant : « Prenez-en soin, c’est toute ma vie ».
Vous l’aurez compris, c’est une exposition très forte qui mêle subtilement oeuvres d’art et documents d’archives.
Parmi eux, j’ai notamment retenu une citation du ministère que la propagande du Reich de 1940 qui fait froid dans le dos. Je vous laisse apprécier la prophétie … :
« L’Allemagne ne conclut pas avec la France une paix « chevaleresque ». L’Allemagne ne considère pas la France comme une alliée, mais comme un Etat avec lequel les comptes seront réglés lors du traité de paix. A l’avenir, la France jouera en Europe le rôle d’une « Suisse agrandie » et deviendra un pays de tourisme, pouvant éventuellement assurer certaines productions dans le domaine de la mode. (…) Toute forme de gouvernement paraissant propre à restaurer les forces de la France se heurtera à l’opposition de l’Allemagne. En Europe, seule l’Allemagne décide.»
L’art en guerre 1938-1947, de Picasso à Dubuffet au Musée d’Art Moderne de Paris jusqu’au 17 février 2013