La salle des fêtes de l'Elysée était le lieu propice pour l'exercice auquel s'est livré François Hollande. Un mélangé réussi de cours magistral et de pièce de théâtre. 45 minutes de discours fleuve pour convaincre que l'action présidentielle est à la politique ce que Monnet est à la peinture. Une œuvre impressionniste dont l'addition des coups de pinceau constitue une œuvre cohérente.
François Hollande n'est pas un président aux bras ballants comme pourrait le laisser croire son énigmatique portrait officiel. La vérité est ailleurs dans ce qui n'a pas été dit. A commencer par le fait que l'élu corrézien s'est trouvé confronté, sitôt élu, à une situation dont il avait sous-estimé la gravité. A cet égard, la dramatisation du discours présidentiel n'est pas totalement cousue de fil blanc. Elle permet certes d'en appeler à l'unité du pays face au danger mais elle reflète aussi le sentiment profond d'un président qui, six mois après son élection, a pleinement pris la mesure des difficultés qu'il doit affronter.
Le choc de la réalité a laissé le nouvel exécutif, insuffisamment préparé, totalement désorienté. Cette page est maintenant tournée. Désormais François Hollande sait dans quelle direction il veut aller. "J'ai fait mes choix. Je m'y tiens, sans avoir à prendre je ne sais quel changement ou quel virage", a-t-il martelé. C'est vrai. En partie. Car le Chef de l'Etat se garde de préciser que les choix d'aujourd'hui différent des annonces d'hier.
A défaut d'indiquer le nord magnétique la boussole de François Hollande pointe vers la réduction des déficits. Adieu la normalitude, bonjour la gravitude et les vieilles ficelles. A commencer par celle du protocole de notre monarchie républicaine qui par la distance qu'il institue constitue un fossé protecteur contre à la grogne du peuple.
Du discours de la méthode, parfaitement servi, on retiendra que seul le pragmatisme guide les pas du Chef de l'Etat. "Parfois, nous devons corriger. Ce qui m'importe, c'est de savoir si ce que je fais est utile, efficace et juste" a-t-il avoué dans un inattendu moment de sincérité. Ce faisant, François Hollande met ses pas dans ceux de Jacques Chirac quand celui-ci reprenait les propos d'un autre corrézien, Henri Queuille : "les promesses n'engagent que ceux qui les écoutent".
Tant pis donc pour la crédibilité politique qui exige de la cohérence entre les discours et les actes. Peu importent les cheminements tortueux si le résultat est au bout semble nous dire aujourd'hui François Hollande. "Un pas en avant une pirouette en arrière" s'amuse à relever Ignace Jeannerat éditorialiste au quotidien Le Temps. Le journaliste Suisse tempère aussitôt son ton amusé pour redevenir grave. "La France va devenir sous peu le premier emprunteur de capitaux en Europe, exposée en première ligne à la sanction des prêteurs si le gouvernement se refusait à des réformes profondes pour mettre fin à la dérive des finances publiques, qui atteint désormais 57% de la richesse nationale".
Autant dire que nos gouvernants ont très peu de marges de manœuvre si ce n'est de choisir à quelle sauce les Français vont être mangés. Le seul point positif dans ce paysage de désolation c'est que l'Hexagone ne peut plus reculer devant des réformes toujours remises au lendemain. Au bord du précipice, faute de pouvoir faire un pas en arrière, François Hollande est contraint à l'action. Ce sera certes en louvoyant, en faisant dire aux autres (Jospin, Gallois,…) ce qu'on ne veut pas annoncer soit même mais, en avançant quand même.
Avec un côté rad-soc, de centre gauche, qui ne veut pas, lui non plus, dire son nom. Ce déplacement discret vers le centre, dans une recherche de consensus mou indispensable à l'adoption de réformes douloureuses n'a pas échappé à tout le monde. A droite, François Bayrou a salué la prestation. Pour le leader du Modem, François Hollande a été "précis ", "maîtrisé", "à la hauteur de la fonction" et " au bout du compte convaincant".