Ne réduisons les homosexuels à des victimes: réponses aux questions du Père Jonathan

Publié le 14 novembre 2012 par Tchekfou @Vivien_hoch

Blog du P. Jonathan

Dans le blog de l’abbé Jonathan, « homme, gay, chrétien, catholique, prêtre… et heureux de vivre ! », l’homme d’Eglise, dans son billet du 11 octobre, nous invite à répondre à ces questions avant d’agir pour ou contre le mariage homosexuel. Je me suis permis d’y répondre. Mais je reste étonné que ce prêtre qui refuse qu’on lui fasse la morale, se permette de la faire à ceux qui s’opposent, en raison, au mariage gay.

Ai-je, parmi mes amis, des personnes homosexuelles ?

Oui

Est-ce que je leur ai déjà posé des questions ?

Oui

Est-ce que je les ai écoutées raconter leurs expériences ?

Oui

Est-ce que je les ai écoutées parler de leur éventuelle vie de foi ?

Non, parce qu’ils n’en avaient pas ou plus, mais je les ai invités à le faire. Le Christ aime tous les pêcheurs et il existe toujours pour ceux qui ne peuvent plus se nourrir de l’Eucharistie, la communion de désir.

Qu’ai-je fait personnellement pour qu’elles soient « accueillies avec respect, compassion et délicatesse » (Catéchisme de l’Eglise catholique §2358) ?

Leur proposer mon amitié, c’est-à-dire mon respect, ma compassion et ma délicatesse tout en étant honnête avec eux sur la réalité anthropologique de l’homosexualité (Catéchisme de l’Eglise catholique §2357).

Qu’est-ce que les institutions catholiques auxquelles j’appartiens (paroisses, écoles catholiques, mouvements…) ont fait pour cela ?

La même chose que moi, de la même manière que le Christ nous offre à tous son amitié par delà les multiples péchés dont nous sommes les auteurs.

Ai-je déjà vu des films avec des héros homosexuels ? (par ex. Brokeback Mountain…)

Non, mais faudrait-il que je regarde un porno gay pour mieux comprendre la réalité de leur sexualité ? En revanche, des auteurs comme Dominique Fernandez qui nous plonge dans l’univers des castras du XVIIIe siècle, ça oui !

Suis-je informé sur les violences homophobes infligées à certaines personnes homosexuelles ?

Oui, tout le temps, en permanence, c’est usant, exténuant : le 20h, les reportages télévisés et les soirées débats parlent beaucoup des homosexuels victimes de l’oppression, notamment de l’oppression catholique. Je n’y crois pas beaucoup, et la plupart des mes amis homosexuels non plus.

Quel soutien trouve dans son entourage un jeune catholique qui se découvre homosexuel ?

Tout dépend d’une part de la capacité d’écoute des parents, du milieu socio-culturel auquel il appartient, ce qui dépasse le cadre particulier du catholicisme. Et puis cette question en engendre une autre : le soutien doit-il inclure la réalité de l’homosexualité telle qu’elle est définie dans le §2357 du catéchisme de l’Eglise catholique ? Comment faire alors ? Bien vaste débat.

Qu’est-ce que je sais des « actes homosexuels » ? suis-je bien informé à ce sujet ?

Je lis, m’informe beaucoup à ce sujet, notamment le blog de Philippe Ariño,

catholique homosexuel, qui parle brillamment du désir homosexuel. Plus récemment, cette interview d’Audrey dans théologie du corps, femme homosexuelle aujourd’hui mariée à un homme.

Y a-t-il des personnes qui vivent joyeusement et positivement ces actes ?

Je ne sais pas. Beaucoup trop de gens en général simulent le bonheur et je n’ai pas de discernement en la matière. Peut-être possédez-vous cette capacité de discernement ? Mais, si nous admettons que les actes homosexuels puissent être « désordonnés », la question se pose de savoir comment on peut les vivre « joyeusement » et « positivement ».

Est-ce que ceux qui ont écrit dans le Catéchisme (§2357) que « les actes d’homosexualité sont intrinsèquement désordonnés » avaient une information complète à ce sujet ?

Je trouve particulièrement malhonnête de se référer au §2358 comme une source évidente et de remettre en cause le paragraphe précédent. C’est une manière bien étrange de s’arranger avec la vérité.

Est-il possible que les auteurs du Catéchisme n’aient entendu que des récits négatifs qui ne reflètent pas la situation dans son ensemble (amitiés particulières dans les internats et les séminaires, situations d’adultères entendues en confession…) ?

Est-il possible que les auteurs du §2358 étaient réellement informés de la réalité de l’homosexualité pour nous demander le comportement qu’il fallait avoir avec eux ? Traitement par l’absurde d’une question absurde.

Pourquoi l’Eglise autorise-t-elle les relations sexuelles après la ménopause, alors qu’elles ne peuvent pas déboucher sur le don de la vie ?

La ménopause fait partie du processus naturel de la vie et Humanae Vitae (1968) précise bien, de même dans le cadre des méthodes de régulation des naissances, que l’on peut utiliser les moyens naturels pour différer les naissances.

Pourquoi l’Eglise accepte-t-elle de célébrer le mariage de personnes stériles (à cause de maladie ou d’un âge avancé) ?

La plupart du temps, me semble-t-il, quand les personnes se marient religieusement, elles ne savent pas si elles sont stériles, parce que, soit elles ont bien respecté la prescription qui leur est faite d’attendre les noces avant de consommer leur mariage, soit, si elles n’ont pas suivi cette prescription, elles ont mis un moyen de contraception. De fait, la stérilité se fait connaitre après le mariage, dans le cadre d’une pratique sexuelle. De plus, on ne sait jamais si cette stérilité est définitive ou non (souvenez-vous de la femme d’Abraham). Dans ce cadre, l’espérance est de rigueur.

Enfin je ne vois absolument pas le rapport entre les personnes stériles ou ménopausées et les personnes homosexuelles. La question du mariage homosexuel ne se limite pas à la question de la filiation naturelle, mais aussi à la question de la complémentarité hommes/femmes.

Lors du vote du PACS, les évêques de France l’avaient qualifié de « loi inutile et dangereuse. » Comment est-ce que je comprends leur évolution, eux qui écrivent maintenant que « il appartient au pouvoir politique d’entendre la demande d’un certain nombre de personnes homosexuelles de bénéficier d’un cadre juridique pour inscrire une relation affective dans le temps. » ?

Je suis d’accord, il y a contradiction. En revanche, je pense que la crainte pour le PACS résidait dans la nécessaire évolution de ce régime juridique vers le mariage homosexuel, ce qui risque effectivement d’arriver. Ce qui était inutile et dangereux est  devenu un moindre mal.

Quelle serait le cadre juridique qui serait le plus d’agir de manière juste envers les couples de même sexe ?

Je pense qu’il n’y en a pas et je pense que la plupart des personnes homosexuelles n’en veulent pas.

Suis-je prêt à m’engager pour défendre ce cadre juridique ?

Vous avez ma réponse dans la précédente question.

A propos de la Bible… Y a-t-il des interdits bibliques que je transgresse ? Pourquoi ?

Pourquoi « je » ? C’est-à-dire, vous, dans vos actes homosexuels ? Je ne porte sur vous aucun jugement moral. J’ai déjà assez avec ma propre immoralité. Je m’en réfère à l’Eglise qui est garante du dépôt de la révélation. En revanche, je trouve que le recours permanent à la Bible est un mauvais réflexe dont l’intention pour beaucoup est de relativiser la portée d’un jugement moral. Ainsi la Bible condamne plusieurs fois l’adultère, mais Abraham avait eu des maitresses. Je trouverai beaucoup d’arguments en faveur de la violence grâce à la Bible. On me rétorquera que la morale dans la Bible a évolué entre l’Ancien et le Nouveau Testament. Alors je vous dirais la même chose, que cette morale a continué d’évoluer grâce au magistère de l’Eglise.

Quand je veux utiliser la Bible pour réfléchir à une question morale, est-ce que je le fais en suivant les conseils du Magistère dans le document « Bible et Morale » de la Commission Biblique Pontificale, sous la direction de la Congrégation pour la Doctrine de la Foi ?

Faut-il être spécialiste de théologie morale, pour me forger une opinion ? Dois-je me référer à ces conseils pour condamner le meurtre ? D’autre part la question du mariage homosexuel ne porte pas sur des questions morales, mais anthropologiques, philosophiques, juridiques et politiques.

Pour conclure, il est étonnant que le P. Jonathan réduise le débat à la sphère uniquement morale. Nous parlons du mariage homosexuel, il parle de l’homosexualité, comme si le fait d’être défavorable au mariage homosexuel conduisait à être défavorable à des personnes homosexuelles, à les déconsidérer, à les opprimer. La plupart des arguments de l’Eglise catholique en défaveur du mariage gay n’est ici pas pris en considération, seule l’idée d’une oppression des homosexuels par l’Eglise est sous entendue dans ces questions. Le débat pourrait être intéressant certes : l’Eglise a-t-elle dans le passé opprimé les personnes homosexuelles (à ce que je sache, pour l’instant, ce sont les idéologies athées qui les ont persécutées en masse, nazisme et communisme) ? Oui, mais ce n’est pas le débat actuel. Donc il y a volonté dans ce blog de dévier le débat au lieu de répondre aux arguments des évêques.

Dans son dernier billet du 11 novembre, il écrit :

« Les temps sont durs pour les homosexuels catholiques, et particulièrement parmi eux pour les prêtres. Ils ont souffert et cherché longtemps pour découvrir, nommer, apprécier, cette sexualité surprenante qu’ils portaient en eux. A l’horizon arrive une loi qui reconnaîtrait enfin que cette manière de désirer et d’aimer est bonne : quelle libération ! Mais il leur faut supporter, chaque jour, leurs amis chrétiens, leurs évêques, leurs curés, leurs confrères prêtres, et maintenant Radio Vatican, qui condamnent à tour de bras ce projet… Eux qui devraient nous soutenir, les voilà qui nous écrasent. Eux qui n’ont jamais rien fait pour que les personnes homosexuelles et les couples de même sexe trouvent leur place dans la société, voilà qu’ils condamnent sans intelligence ni discussion. Les temps sont durs. »

Le P. Jonathan est dans le registre émotionnel, il se victimise, en tant que personne homosexuelle, alors que les évêques de France ne condamnent pas la personne, mais le mariage pour tous – avec des arguments à l’appui, il est malhonnête de dire le contraire -, cela a été suffisamment répété. En réalité, il est extrêmement difficile de débattre avec quelqu’un qui ne propose que des réactions émotionnelles à la place d’arguments raisonnés. Nous sommes dans un débat de société, pas dans un débat nombriliste.

Pierre Mayrant - http://www.pierremayrant.com