Il faut remonter aux origines lointaines de l’aéroport international de Tokyo-Narita, il y aura bientôt 40 ans, pour trouver trace d’une polémique de violence comparable suscitée par la construction d’une nouvelle plate-forme : agriculteurs déchaînés contre technocrates droits dans leurs bottes, fourches contre gaz lacrymogčnes, polémique stérile et coűteuse. Telle est en effet la situation inédite en France qui prévaut en marge du dossier de Notre-Dame-des-Landes, aéroport qui, en principe, devrait ętre ouvert ŕ la circulation aérienne en 2017.
Nous avons dit précédemment que l’initiative est peu convaincante, męme s’il apparaît que l’aéroport actuel, Nantes-Atlantique, est situé ŕ l’opposé de l’emplacement qui devrait ętre le sien par rapport ŕ la ville, compte tenu de la direction des vents dominants. D’oů le survol fréquent du centre par des avions en approche finale, une gęne critiquée d’autant plus vertement que l’époque s’y pręte.
En revanche, sur un plan strictement factuel, tout indique que NDDL se fera contre vents et marées, tout étant bouclé, enquętes, échanges ŕ tous niveaux, autorisations en bonne et due forme, financement et l’opérateur choisi (ŕ savoir Vinci). De plus, le projet a bénéficié dčs la premičre heure de l’appui politique de l’ancien maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault, qui a quitté ses fonctions, il y a 6 mois, pour devenir Premier ministre. D’oů l’appellation irrévérencieuse Ayrauport… Ce qui n’empęche pas les opposants, bien organisés, de déployer des efforts de persuasion considérables pour obtenir l’abandon pur et simple du projet qui, désormais, donnent lieu ŕ de véritables batailles rangées qui les opposent violemment aux forces de l’ordre.
Il en résulte des images détestables de guérilla tout simplement indignes d’un pays comme la France. Et cela sans que l’on entende parler de la nomination d’un médiateur ou de toute autre initiative susceptible de conduire ŕ un indispensable apaisement. De toute évidence, il est urgent de décréter un moratoire, et d’enfin parler de politique aéroportuaire française, ce qui aurait évidemment dű ętre le cas dčs l’apparition du premier projet NDDL. A la nuance prčs que c’était il y a trop longtemps pour que quiconque s’en souvienne : c’était ŕ l’époque du lancement du programme Concorde. D’ineffables technocrates avaient alors imaginé la création d’un grand aéroport côtier qui deviendrait le port d’attache des avions supersoniques. Une idée ridicule qui ne fit qu’un tour de piste avant d’ętre oubliée.
Nantes-Atlantique, au Bouguenais, joue bien son rôle de longue date et traite 3,5 millions de passagers par an, ce qui signifie qu’il ne risque évidemment pas la saturation. En revanche, c’est aussi un terrain ŕ vocation industrielle, une grande usine d’Airbus y fabriquant des sous-ensembles qui, aussitôt terminés, son acheminés par la voie des airs vers les chaînes d’assemblage de Hambourg et Toulouse. Ce qui implique le maintien opérationnel de Nantes-Atlantique dans l’hypothčse oů NDDL deviendrait réalité.
Outre son insupportable violence, le débat actuel fait apparaître chez les uns et les autres une totale méconnaissance du transport aérien. On sourit en entendant que NDDL donnerait ŕ Nantes une vocation franchement internationale, statut auquel n’arrivent męme pas Lyon et Nice. Dans le męme temps, les échanges de vues font référence ŕ des prévisions de trafic irréalistes en męme temps que les opposants affirment volontiers que Ťle transport aérien n’a plus aucun avenirť (sic). En d’autres termes, autant l’affrontement est violent, autant il révčle la grande incompétence de nombre d’intervenants. Mieux vaut tard que jamais : il faudrait y mettre bon ordre. Et, ŕ cette occasion, éviter que ne se répande l’affirmation gratuite selon laquelle le dossier NDDL serait, en réalité, Ťun choix de sociétéť. Ne mélangeons pas les genres !
Le silence des autorités gouvernementales est d’autant plus étonnant que le Premier ministre, le hasard faisant curieusement les choses, a tout intéręt ŕ éviter que la polémique n’aille trop loin. En attendant, nombre d’observateurs étrangers se demandent perfidement ŕ quoi joue la France aéroportuaire.
Pierre Sparaco - AeroMorning