crédit photo: Charlotte Audureau
Le choix était difficile mais il fallait en faire un : Youssoupha au Zénith de Paris ou Sexion d’Assaut au Zénith de Clermont. Après une longue réflexion d’environ trois centièmes de seconde, la team de WTFRU a décidé d’aller voir gester la team Bomayé Musik dans la grande salle parisienne. Retour sur le concert de l’année, ou presque.
À quelques pas du Trabendo où les Rolling Stones ont fait leur retour en France il y a peu, le Zénith accueillait le GesteTour ainsi que 5000 personnes dans le public. De retour à Paris après l’énorme show de l’Olympia le 7 mai dernier, Youssoupha nous avait donné rendez-vous à 19h30. Installé dans la fosse entre des rappeurs ch’tis qui se croyaient au Rap Contenders et des gamins ayant eu une permission de minuit, on vit Taipan débarquer sur scène face à un Zénith à moitié rempli -pour l’instant-. Et le rappeur de l’Est n’a pas tardé à absorber l’attention de toute l’audience en entonnant plusieurs titres de son dernier album Dans le Circuit. Deux, trois vannes et deux, trois allusions à l’herbe plus tard, le rappeur préféré des fumeurs de spliff laissait sa place à un autre MC de Bomayé, Sam’s. Dans un registre plus puissant et plus hardcore, le bordelais finissait de chauffer un public qui n’attendait que Youssoupha. Véritable showman, lui aussi interpréta quelques chansons de son Gestlude sorti sur Itunes il y a peu.
Une fois la première partie terminée et réussie, l’arrivée de Youssoupha promettait d’être longue. Mais contrairement à l’Olympia où l’attente avait été insoutenable, le lyriciste bantu arriva vite accompagné de son acolyte éternel S-Pi. Les deux rappeurs, ultra-complices dans la vie et tout au long du concert, débutèrent piano avec L’Effet Papillon, tiré de l’album Sur les chemins du retour, puis avec Viens, issu de Noir Désir. Après cette brève mais exquise mise en bouche, on rentrait véritablement dans le vif du sujet avec l’interprétation de Apprentissage, chanson phare de Youssoupha en concert. À l’Olympia, Youss’ avait invité Médine, Sinik, Ol’Kainry, Mac Tyer, Rim’k, Oxmo et Orelsan sur ce titre, pas cette fois-ci. Mais, au détour de Menace de Mort et de la punchline « à la place de Orelsan moi c’est clair que j’aurais l’seum », le rappeur normand débarqua sur scène devant un public étonné et survolté. Bon, il n’apporta pas grand chose puisqu’il se contenta de backer Youssoupha et de s’amuser un peu mais il permit d’apporter un petit plus à des spectateurs toujours friands d’invités de renom.
Au delà de cette surprise, plutôt relative vu l’amitié qui unit les deux MC’s, l’interaction avec le public fut une nouvelle fois au rendez-vous. Jeux, défis, danses, le rappeur avec un cheveu sur la langue et S-Pi firent tout leur possible pour maintenir euphoriques les personnes présentes. Tout y passa et on a même eu le droit à des « Ici c’est Paris » et à des « Marseille on t’encule ». En parlant de sodomie, Zemmour aussi y eut droit après que Youssoupha ait chanté À force de le dire. En furie, le public passa trois bonnes minutes à entonner des « Zemmour on t’encule », ce qui amusa Youssoupha qui ne se priva pas de rappeler qu’il avait gagné son procès face au sosie de Gargamel.
crédit photo: Jérome Bauer
Les spectateurs, par ces interventions renvoient en quelque sorte la pareille au lyriciste Bantu qui donne beaucoup à son public. De l’amour, de la sueur, de la voix, des émotions et encore et toujours des surprises. Quel ne fut pas l’étonnement de la salle lorsqu’elle vu apparaître l’arabian panther Médine puis le grand Kery James de la Mafia K1k1 le temps d’un couplet après que le rappeur né à Kinshasa ait interprété son titre Itinéraire d’un blédard devenu banlieusard. En délire, la foule le fut aussi à l’arrivée du belge Stromae sur scène. Aussi inattendu qu’un albinos au Congo, son Alors on danse fit…danser tout le monde. Pour les invités, c’est fini si ce n’est le passage éclair de Ramzy, de Ol’Kainry à la fin du concert. On peut noter la présence d’une chorale menée par un ersatz de K-Maro à la voix éraillée et en bien meilleur qui s’est fait siffler par des connards du public. Une chorale d’une dizaine de personnes est donc venue sur scène pour backer plusieurs titres mais le rôle du choeur, tenu par Ayna et par un autre mec inconnu au bataillon, est aussi important dans l’atmosphère qu’a voulu donner Youssoupha au spectacle. D’ailleurs il a donné une place toute particulière à Ayna la seule fille de Bomayé puisqu’elle a interprété son single La Foule ainsi que le couplet de On se connaît, titre inédit de la réédition de Noir Désir. Cet inédit a aussi et surtout servi à un défi proposé au public. Celui-ci consistait à entonner le plus longtemps possible les « lalalalala » du refrain de cette chanson. Et comme le public du Zénith est le meilleur public de France et de Navarre (ouais les salles de concert sont bof à Pampelune), il a fait exploser tous les records avec un temps de 11 minutes 50 secondes, chronomètre en main. Chronomètre en main façon de parler puisque le chronomètre prônait seul au milieu de la scène, les artistes étant déjà en backstage. Ce petit jeu fait aussi la légende de Youssoupha qui « donne » son concert à son public, cette impression d’obtenir le premier rôle est plus que jouissif, « c’est nous les reustas » dirait Zoxea.
À part cela, Youssoupha nous a livré une prestation scénique extraordinaire. De basket, casquette, il est passé à costume trois pièces, d’un rap plutôt sombre et intimiste (« la vie est belle »), il est passé à un rap plus dansant où il s’est amusé à jouer du tambour. Même S-Pi a joué le jeu en arborant le masque de Batman lui le rappeur d’Arkham City. Mais le plus marquant et le plus émouvant est sans doute la remise de SON disque de platine par sa team de Bomayé Musik. Après l’Olympia où il avait reçu un disque d’or, voici donc le rappeur récompensé une nouvelle fois. Avec toujours autant d’émotions et de surprise, sachant que Youss n’était pas au courant de cette distinction…
En plaçant le public au centre de son spectacle, Youssoupha ravit ses fans. Il assure le show accompagné de son inégalable backeur S-Pi et de ses jeunes pousses plus que talentueuses. Ses amitiés dans le milieu du rap et du spectacle, ses mises en scène lui permette de surprendre constamment. Et même si cette représentation du Zénith ressemblait fortement à celle de l’Olympia (normal, c’est la même tournée allez vous me dire), aller voir Youss’ en concert est toujours synonyme de bonheur, de joie. On prend son pied, lui aussi. Et c’est bien cela l’essentiel. À bientôt Youssoupha et n’oublie pas qu’on se connaît.