Le grand voyage
Je sais… tout parait si étrange en ce lieu. Si pénétrant à la fois. Cela vous déconcerte ? Ne vous en faites pas. Prenez le temps d’observer et de ressentir. De vous immerger dans le panorama. N’ayez crainte. Ne résistez pas. Laissez aller votre dernier souffle vers le grand extérieur…
Pour moi, les lumières, les ombres m’ont inoculé tant de verve. Tant d’éclat à mon regard. Je sais aujourd’hui que, depuis l’aube des origines, elles ont enfanté un nombre incalculable de contrées nouvelles. Des régions que je n’imaginais même pas. Que j’ai appris à connaître. Fresques d’éloquence. Faune et flore enchevêtrées. Pour vous, oui, vous qui venez tout juste d’arriver, ces vaporeux paysages s’illumineront bientôt d’intervalles délavés de safran. Peu à peu embrassées. Et à l’iris de nos yeux se noiera bientôt l’immensité…
Pareil à vous, j’aime les immensités. Elles sont si subtiles. Reposantes. Illimitées. Ne vous inquiétez pas. Ce ne sont que de lents spasmes de vie à l’image des paisibles océans. Qu’affluence d’agitations oisives. Que voluptueux périples en allégories. Aériennes sont ces infinitudes. À peine perceptible dans les mouvances. Peut-être, de l’éternité ce sont-elles déployées ? Mais il n’y a pas d’évidence. Non. Aucune certitude hélas… Vous vous en rendrez compte avec le temps qui passe.
Bulles d’éther éparses. Orbes, suspendus au firmament. Structures nées d’un autre temps, d’un autre espace, elles évoluent. Elles s’évadent… J’aime l’évasion. Ne vous en déplaise. Ou, plutôt, devrais-je dire, le déplacement. La lente progression vers le grand extérieur. Remonter avec eux les cours du temps. Avec vous. Un peu. Pour le moment… Isolés dans la transparence des courbures, dans la pureté du geste, à l’intérieur des surfaces lisses. Calmes. Nous saisirons l’instant. Vous verrez.
En ces endroits, les griffes de l’irréel n’ont plus d’emprise. Je l’ai constaté à force de lutter contre ma vraie nature. Il n’y a plus aucune friction en ce monde. Aucune lourdeur. Tout tourne rondement, vous savez. Tôt ou tard vous devrez l’accepter et faire acte d’abandon. Si vous voulez atteindre le grand extérieur. Mais nous verrons cela. En temps et lieu.
À travers les quelques râles graves du vent ; les existences à la dérive, happées par les amplitudes de l’onde, vibrent. Elles frappent en douceur. Elles caressent à perpétuité. Telles les saisons orageuses. Leurs éclairs foudroyants. Quand elles se meuvent au-dessus des dimensions. Ainsi, notre présence en ces parages ne peut que s’amalgamer dans l’infinitude des esprits et des corps. Je vous le dis encore : avec elles, sous un soleil de mai, nos voiles évanescents émigreront. Vers de curieuses réalités. Voyages supportés par la singularité des images qu’emportent nos regards ; elles fleuriront notre destin à tous et elles seront bientôt légions. En nous…
Elles auront lancé le néant à nos yeux. Nous aurons fait ressentir les secrets des commencements. Nous émanerons d’elles. Vous et moi. Aromates venus des étoiles.
Elles nous auront révélé leur présence en toute clarté. Sans les voir, vous les aurez reconnues. Je le sais… tout cela vous semblera sans doute un peu bouleversant au début, mais rassurez-vous, autant ce le fût pour moi, à mon arrivée…
Un soir sans lune, vous l’avez payé de votre sang. Perdu, pareil à moi. Dans la nuit, les évènements se sont précipités et vous vous êtes évanouie dans la torpeur… C’est un peu mon histoire aussi. Voyez-vous ?
Je ne sais trop si c’est celui qui décide de tout ; celui qui marche sur les univers, mais nous avons été emportés. Je le crains. Transportés. Malgré nous. Quelque part… autre part.Et si par cette main — puisse-t-elle être toute-puissance ! —, rien ne subsiste en vain, c’est une volonté qui ne s’effritera jamais sur les crêtes des luminosités. Inaltérable. Incontournable dans son essence. Si son parcours est un plan, son déplacement une étape, si son voyage est une odyssée qui ne se termine point en ce royaume, alors, je vous le dis — en tant que guide et sentinelle de ces domaines — : ne vous en faites surtout pas. Nous en faisons tous partie.
Gardez confiance.
Nous n’y perdrons pas au change… vous verrez, c’est certain.
© Tous droits réservés
Luc Lavoie, 2012
Notice biographique
Âgé de 47 ans, Luc Lavoie vit à Roberval. Il a suivi une formation en graphisme au Collège de Rivière-du-Loup. Il est présentement courtier en
alimentation. Auteur autodidacte, il écrit pour le plaisir depuis quinze ans. Il privilégie la nouvelle fantastique, d’anticipation ou de science-fiction.Il aime voyager à travers l’espace des mots et traverser avec eux le temps. Il explore la page blanche – cette toile vierge de l’immensité – comme un cosmonaute aux commandes de son clavier numérique, et qui s’est lancé, de son propre chef, dans l’infini littéraire.
Son rêve ? Être un jour remarqué et publié. Il prépare, à cette fin, un recueil de nouvelles. Il envoie également des textes à des magazines spécialisés.
(Une invitation à visiter le jumeau du Chat Qui Louche : https://maykan2.wordpress.com/)