L’écrivain Gérard Pourcel nous parle de Portraits d’anciennes jeunes filles, le dernier roman de Nicole Houde
Le rendez-vous des êtres blessés. De ceux qui ont perdu leur enfant, de celle qui a fui son village de tueurs de marmottes et de corneilles – lire plus exactement violeurs –, de celle qu’une longue vie – lire centenaire – a sculptée et burinée. Mais il y a aussi, dans ces rendez-vous, un apprivoisement de la douleur.
Ces êtres sensibles, aimants et aimés se créent une cellule non pas familiale, mais d’amitié. « Julien, est-ce que je peux vous faire une déclaration d’affection ? Pas de passion, non simplement ça, j’ai de l’affection pour vous. » fait dire l’auteure à son personnage Josée. Cette Josée, jeune fille violée, qui adopte Rose à titre de grand-mère, qui m’a fait penser à madame Rosa de La Vie devant soi d’Émile Ajar, alias Romain Gary. Josée est aussi musicienne et une peintre qui redonne, sur ses toiles, vie à ceux qui l’ont perdue, soit réellement perdue ou qui ont laissé les aléas de l’existence l’estomper petit à petit. Et, tout ce monde, Josée, Rosa, Julien et Alexa, avec en plus ce Sébastien qui tombe à point nommé, sans prévenir, comme un coup de foudre, évolue dans un paysage urbain de l’Est de Montréal, tout en douceur, qui s’organise autour du café bar-restaurant le Lézard, que j’ai eu le plaisir de fréquenter en compagnie de l’auteure.
Pour cette fois, chez Nicole Houde, il y a l’espoir. Une sorte de lumière tendre d’un soleil de bel après-midi de printemps, de ces lumières qui vont redonner ses forces à un convalescent reprenant contact avec la vie après avoir failli la perdre. Pourtant, nous sommes en novembre et en décembre à Montréal dans ce roman, l’espoir n’a évidemment pas de saison. Ce soleil provient des amours naissantes ou renaissantes, celles de Josée et de Sébastien, de Julien et Alexa ayant dépassé leur douleur, celles de Rose, à la fin de sa vie, qui a des nouvelles du bout du monde, d’un amour de jeunesse, jamais altéré par le poids des décennies qui de sont entassées.Et, pour nous faire partager toutes ces beautés des êtres, il y a la beauté de l’écriture de Nicole Houde, une écriture poétique qui comble le lecteur que je suis, que ce soit pour donner vie à ses personnages, pour décrire les lieux, les tempêtes de neige, les oiseaux ou les arbres. De plus, Nicole sait donner ses lettres de noblesse à des expressions d’adolescent ou argotiques telles : full douceur ou le cœur de quelqu’un va de traviole.
Madame Rose, Josée, Julien, Alexa et Sébastien vont demeurer longtemps dans ma mémoire, éclipsant les tueurs de corneilles et de marmottes, dont j’ai déjà oublié l’existence. Et c’est pour cela que « Portraits d’anciennes jeunes filles » est un roman résolument optimiste et tendre.
Portraits d’anciennes jeunes filles, Nicole Houde, Éditions de la Pleine Lune, 2012.