"Il est gentil", "Elle est bien gentille". Etrange de constater aujourd’hui combien cet adjectif se pourvoit d’une connotation péjorative. Par "gentil", on peut comprendre "niais", "faiblard", "sans caractère", voire "dénué d’intelligence", "de conviction", "de sens critique". Pourtant, la gentillesse non feinte constitue une vertu plus qu’honorable… à qui veut bien l’entendre.
Dernièrement, une étude menée auprès de 175 japonais a démontré, par le biais de questionnaires, que la gentillesse doit être une motivation, un comportement et une pratique quotidienne. Les participants ont été invités à décrire les dix évènements récents qui leur ont procuré une émotion intense, source de stress ou au contraire de satisfaction. Leur impression de bien-être personnel a été évaluée selon une échelle subjective, permettant de scinder le groupe en deux :
- ceux qui se sentent heureux (81 pers.)
- ceux qui le sont moins (94)
Résultat probant : les individus "les plus gentils" au quotidien, en termes de motivation, comportement et pratique quotidienne, sont ceux qui s’estiment les plus heureux dans la vie. Ils vivent pleinement les évènements liés au bonheur et jugent ces expériences plus intenses que les personnes moins gentilles et moins heureuses.
D’autres études sérieuses prouvent scientifiquement que la bonté a des effets positifs sur la production de sérotonine dans notre cerveau. Elle est un neurotransmetteur qui équilibre les émotions et dont la carence entraîne anxiété, angoisse et dépression. Le rôle de la plupart des antidépresseurs joue comme stimulant chimique dans la production de cette sérotonine afin d’apaiser les symptômes du "cafard". Un simple geste de bonté stimule, donc, la production de cette substance, non seulement chez la personne qui agit comme telle mais également chez celle qui en bénéficie.
Plus incroyable encore : le même phénomène se produit chez les personnes qui en sont témoins ! La bonté, en tant que bénéficiaire, auteur ou simple observateur, exerce un impact bénéfique et salvateur sur l’humeur de tous ceux qu’elle touche.
Logiquement, si la gentillesse rend plus heureux, moins dépressif et moins stressé, elle devrait également améliorer le jugement que nous portons sur nous-mêmes. Afin de le vérifier, une psychologue de l’université de Stanford a, elle aussi, divisé en deux, un groupe d’étudiants durant dix semaines, incitant une moitié à avoir des actions altruistes : faire la vaisselle, aider à cuisiner, tenir la porte etc. Il s’est avéré qu’au-delà de ces 10 semaines, ceux qui avait pratiqué régulièrement des gestes gentils se sentaient de meilleures humeurs et conservaient une meilleure image d’eux-mêmes que ceux qui n’en avaient pratiqué aucun.
Méfions-nous enfin des faux-gentils qui s’obligent à être en "dissonance émotionnelle" avec eux-mêmes, c'est-à-dire d’être aimable quel que soit l’interlocuteur. L’expression populaire, "faire prendre des vessies pour des lanternes" met cyniquement en lumière ce trait de caractère. Par son côté proche du mensonge, l’hypocrisie est le contraire d’une noble sincérité qui exprime fidèlement et avec bonté des sentiments, des pensées. Cet état de fait ne souffre d’aucune confusion avec l’honnêteté qui, au sens strict du terme, est la tendance à exprimer sans dissimulation tous ses sentiments et pensées. Vu sous cet aspect, la gentillesse devient la forme la plus aboutie et la plus efficace de la malice. Morale de l’histoire : être gentil, c’est bien, mais faire semblant…
De moins en moins valorisée, la gentillesse s’affiche comme naïve sous le regard d’un monde trop empêtré d’individualisme et d’égoïsme. Alors en cette grande ou petite journée (chacun s’y retrouvera) cessons d’être moche et méchant, soyons gentil… soyons sympa quoi ! Le plus court chemin d’une personne à une autre… c’est un brin de gentillesse :)
Fabrice Gil