Certains observateurs attentifs auront noté que, depuis quelques temps, les pays émergents achètent à tour de bras tout ce qui s’offre plus ou moins facilement à leur convoitise. Comme on va le voir, les exemples se multiplient d’investissements étrangers en terres européennes ou américaines et, d’achats millionnaires en prises de participation conséquentes, un autre monde est en train d’apparaître. Et, pendant que Flamby rote des petites phrases creuses à la télé, se prépare très vraisemblablement un joli krach obligataire à côté duquel la moiteur des dessous de bras au plus fort de la crise de 2009 pourrait bien paraître printanière.
Oui, je vais un peu vite en besogne mais cependant, tout est logique.
En effet, il n’y a guère besoin d’efforts énormes pour découvrir que les pays dits émergents investissent maintenant de plus en plus dans les pays dits développés (pour ne pas dire émergés avant de couler). Récemment, les achats du Qatar en France ont fait, plusieurs fois, les gros titres des journaux tant on pouvait sentir la fibre nationale de nos minustres s’agiter à l’idée de perdre des sources faciles de dessous de table. Et en plus, on ne parle pas ici de quelques prises de participations dans d’obscures sociétés de second rang, mais bien de dix milliards d’euros… pour le moment.
Pour le moment parce que lorsqu’on sait que les Qataris se rapprochent des banques d’affaires pour mieux contrôler leurs avoirs et étendre leurs participations, on comprend que ces investissements français font partie d’une stratégie globale.
Stratégie globale qu’on retrouve pour d’autres émirats (Dubaï par exemple), pour la Chine, la Russie ou encore le Brésil et qui peut se résumer à une frénésie discrète mais bien réelle d’achats en tous genres, et un intérêt accru des banques d’affaires sur place pour motiver de nouveaux riches clients à diversifier leurs portefeuilles.
Tout ceci n’est évidemment pas fortuit.
Historiquement, lorsqu’un pays se développe, ses citoyens qui parviennent à une nouvelle richesse investissent d’abord dans les avoirs les moins risqués dont l’art, l’or et … les devises et bons d’états de pays étrangers solides. Et, au fur et à mesure que le pays se stabilise dans sa nouvelle situation, les investissements se modifient en laissant progressivement les bons d’état pour accéder aux domaines plus risqués (actions d’entreprises étrangères, par exemple).
Si l’on transpose à la situation courante, on observe le même phénomène avec un élément supplémentaire : la taille des pays qui émergent de la pauvreté est absolument gigantesque d’une part, et d’autre part, l’accroissement des investissements dans les pays étrangers est, véritablement, exponentielle. Il suffit pour s’en convaincre de jeter un oeil rapide aux graphiques ci-dessous (issus de la Banque Mondiale). Le premier montre l’ampleur des investissements étrangers vers les pays de l’OCDE.
Le second, ci-dessous, permet d’apprécier la répartition nord/sud des investissements effectués, ce qui permet de voir que non seulement, les pays émergents investissent de plus en plus vers les autres pays, mais aussi de plus en plus vers eux-mêmes, ce qui donne une bonne idée de la quantité de richesse qu’ils ont su dégager.
Tout ceci est bel et bien bon, mais comment en vient-on à claquer la boîte à sucette de ce pauvre Hollande qui ne l’avait pas vue venir (mais la mérite largement quand même) ? De façon fort simple, à mesure que les fortunes de ces pays grossissent, petit à petit, les bons d’états deviennent moins intéressants.
D’une part, l’accumulation des réserves de change par les banques centrales, ça va bien cinq minutes, mais avec les petits mouvements sur les monnaies actuellement, on comprend que certains aient des sueurs froides et décident de ré-allouer leurs avoirs (les Chinois n’étant pas les plus mal placés en l’occurrence). D’autre part, les manipulations grossières des taux par les principales économies du monde (Américains, Anglais et zone euro) ont permis de conserver des taux longs historiquement bas, ce qui était bien pour eux, mais moins pour les investisseurs étrangers qui commencent à trouver peu rentable ces investissements d’autant que leur sûreté s’effrite au fur et à mesure que les banquiers font buzzer les Epsons.
À tel point que, par exemple, la nervosité se lit dans les déclarations du patron de la Banque d’Angleterre, qui comprend bien qu’il faudrait arrêter de croire qu’on pourra imprimer la dette jusqu’à son évaporation mais qu’on oblige plus ou moins ouvertement à continuer…
Concrètement, pour les pays émergents, les obligations d’État n’offrent plus un rapport sûreté / rendement suffisant.
Et double effet kiss-cool, l’arrivée de ces fonds de plus en plus importants dans des banques européennes permettent à ces établissements parfois mal en point de mieux respecter leurs différents ratios imposés par Bâle III, qui ont d’ailleurs d’autant plus de facilité à le faire actuellement qu’elles ont été légalement tenues de se gaver d’obligations d’état précédemment.
En résumé, nous sommes à un tournant : dans les prochains mois tout au plus, les bons d’États auront de plus en plus de mal à trouver preneur. Les Russes, les Chinois, les Indiens et les Brésiliens sont peut-être en voie de développement mais certainement pas stupides et ont compris que les papiers décorés qu’on leur envoie ne sont que ça, des papiers décorés. D’un autre côté, les établissements bancaires (les moins stupides d’entre eux, en tout cas) ont eux aussi compris l’intérêt qu’il y avait à ne pas surcharger leur barque de ces obligations et à se concentrer, une fois les ratios légaux atteints, dans d’autres investissements plus lucratifs.
Autrement dit, pour attirer le chaland, les États vont devoir augmenter leurs taux ou diminuer leurs émissions de dette.
Parallèlement, tant le budget de 2013 présenté par l’équipe de branleurs de Bercy que les promesses électorales du boulet fromager concourent l’un comme les autres à démontrer l’impéritie totale des dirigeants français. Lorsque l’étau financier va se refermer et les taux remonter franchement, attendez vous à supporter tout l’arsenal des rodomontades et pleurnichements pathétiques des frétillants crétins qui nous gouvernent, avec des discours à base de méchante finance qui met le pays à genoux (avec un petit « c’est parce qu’on est de gauche que la finance nous fait ça, à nous, le sel de la terre »), montrant leur parfaite méconnaissance des mécanismes en jeu.Bien sûr, à ce moment là, il serait de bonne guerre de dire « C’est bien fait ! » car ils l’auront bien mérité. Mais malheureusement, dans cette histoire, ce seront toujours les mêmes qui vont trinquer et les responsables, les socialauds, s’en tireront avec une pirouette.