Le matin. Je suis dans le métro en route pour le boulot. Je suis confortablement installée et je comate le front appuyé à la vitre.
Je regarde autour de moi de temps à autre et je vois ce monsieur debout pas très loin.
Une petite casquette, une parka longue, une barbe grisonnante. Je le regarde attentivement, mon regard glisse lentement sur ses mains.
Des mains couleur ébène. La peau sèche, un peu craquelée sur le dessus, de longs doigts fins et une paume joliment pleine d’aspérités. Je suis fascinée. Ses mains ressemblent beaucoup à celles de mon père.
Si il y a une partie de mon corps qui me relie bien à mes parents, ce sont-elles. Quand j’étais petite, mon père me demandait d’ouvrir les mains. Il venait poser la sienne juste à côté et nous passions de longs moments à regarder les lignes qui sillonnaient nos mains respectives. Nous trouvions des lignes similaires, creusées presque de la même façon. Il suivait chaque trait et m’expliquait que là par exemple, cela voulait dire que j’aurais 3 enfants. Que je vivrais très, très longtemps parce que c’est ce que ma ligne de vie semblait dire. Il me voyait très riche aussi plus tard

Un petit plus tard, je me souviens avoir été inquiète en regardant mes lignes de mains. Je me demandais ce que pouvaient signifier les petits traits et j’avais fini par me persuader qu’ils étaient annonciateurs de malheurs. J’en avais parlé à mes parents. Je ne me souviens plus précisément de ce qu’ils m’avaient dit, mais en substance ils avaient été rassurants me disant que oui, il pouvait y avoir malheureusement des peines et des moments douloureux dans la vie. Mais il fallait que je prête attention au fait que la ligne continuait, elle ne s’arrêtait pas en chemin bien au contraire, elle pouvait même être encore plus marquée ce qui pour eux était le signe que les bonnes choses arriveraient forcément. Je crois qu’ils prenaient à la rigolade, les présages des lignes de mains, mais ils prenaient tout de même très au sérieux ce qu’ils pouvaient me dire.
En sortant de la rame, je continuais à regarder les mains de ce monsieur. Je crois qu’il m’a vu parce qu’après avoir suivi mon regard, il a contemplé ses doigts et ses paumes à son tour, pour tenter de comprendre, j’imagine, ce qui m’intéressait autant. J’aurais peut-être du lui dire que ses mains ravivaient un souvenir; que les lignes sinueuses et marquées de ses paumes me rappelaient les paroles bienveillantes de mes parents sur le détail ma vie future qui serait faite d’argent, de bonheurs, de supers boulots, d’un gentil mari et d’enfants et que je finirais très âgée et heureuse selon eux. J’aurais voulu lui dire aussi que parfois quand ça ne va pas trop, je regarde machinalement mes mains et que revient cette idée rassurante que les coupures sont juste de petits obstacles qui n’entameront pas durablement mon bonheur qui finira bien par revenir.
Et ça, ce sont mes parents et mes lignes de la main qui me l’ont dit. Et je sais bien qu’ils ont raison.
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