Public feelings (by notre spécial guest Cyril)

Publié le 04 novembre 2012 par Lifeproof @CcilLifeproof

Pour accéder au NGBK (Neue Gesellschaft für Bildende Kunst) qui est un petit espace d’exposition situé au 25 de l’Oranienstrasse à Berlin, on passe par une librairie d’art. La mise en bouche est déjà appétissante et c’est tout au fond de cette galerie que j’ai vu « The alphabet of feeling bad », une performance d’Ann Cvetkovich filmée par Karin Michalski.


La vidéo dure 13 minutes. Le dispositif est simple : nous sommes face à une chambre où ne se trouve qu’un lit en désordre. Quelques vieilles chaussettes et slips traînent dessus, dessous, à côté. Il est entouré d’une paire de pantoufles, de boîtes de médicaments éventrées, de mouchoirs usagés et d’autres accessoires qui nous font bien comprendre que quelqu’un a passé du temps à ruminer, à se soigner dans cette couche. C’est aussi un clin d’œil à l’œuvre « My Bed » (1998) de Tracy Emin.

Ensuite, Ann Cvetkovich entre en scène, s’assied sur le lit face caméra et commence à égrener l’alphabet de A jusqu’à Z, tandis que le cameraman amorce un lent travelling en arc de cercle, de gauche à droite et inversement. Ce balancement visuel est apaisant et chaque lettre est rattachée à un mot de l’ordre du ressenti: « H is for hope ou encore D is for depression. » Parfois la performeuse explicite d’avantage, formule un sentiment entier de désemparement que l’on peut éprouver au quotidien comme : « having the impression of being stuck at an impasse, of feeling numb or not able to work, of being overwhelmed by demands », etc. Bien entendu l’idée n’est pas d’énumérer simplement les termes liés à un mal-être. Le tout vient s’inscrire dans une tradition issue des années 70 où les sentiments négatifs ne seraient pas le signe d’un échec personnel, d’une faute ou d’une maladie, mais d’avantage considérés comme des « public feelings » ressentis collectivement au sein d’une société néo-libérale aux rapports socioprofessionnels et humains (racisme, homophobie, etc.) complexes. En d’autres termes une dépression, par exemple, n’est pas nécessairement à 100% imputable à soi-même, mais au contraire pourrait être le fruit d’une époque et de son climat social, religieux, économique et politique, un peu comme si nous partagions une grande nappe sous laquelle certains et certaines seraient plus sensibles à son poids, sa texture, ses tâches et ses odeurs. C’est une œuvre qui se veut féministe, queer et qui s’inspire de « Teaching a plant the alphabet » (1972) de John Baldessari, ainsi que de « Semiotics of the kitchen » (1975) de Martha Rosler.

Pourquoi féministe et queer me direz-vous? Et vous auriez bien raison de poser la question, car moi-même je n’ai pas vraiment ressenti une approche de ce genre, hormis la lettre Q réservée au terme queer justement. Et bien tout simplement car Ann Cvetkovich travaille de longue date les questions de trauma et de dépression sous cet angle et pas seulement d’un point de vue théorique. Elle est aussi co-fondatrice de Feel Tank Austin, un groupe qui organise des meetings, des échanges, des manifestations. Des membres du Feel Tank de Chicago ont dirigé « The international parades of the politically depressed », une série de manifestations (2003, 2004, 2007) où les gens défilaient en pyjamas et peignoirs de bain avec pour slogan : « Depressed ? It might be political ! » Le Feel Tank d’Austin a aussi organisé, à l’université de Chicago, une conférence en partenariat avec les groupes Public Feelings de NY et d’Austin, ayant pour titre : « Anxiety, Urgency, Outrage, Hope… A conference on Political feeling ».

En définitive, ce qui m’a surtout frappé après avoir vu cette vidéo c’est qu’on ressort de la projection sans se sentir affligé ou alourdi d’un poids pénible. Cela tient sans doute à la vie, à la pétulance contenues dans le regard d’Ann Cvetkovich, à une mélancolie douce mais loin d’être amère et à l’humour discret mais présent distillé au sein de cette énumération.

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Je me prénomme Cyril, j’ai l’âge du Christ, suis graphiste, j’habite Berlin (et ouais c’est comme ça), je mange bio, suis borderline végétarien et adore traîner mes guêtres dans des musées, galeries, salles de concerts, librairies… mais aussi en forêt, au bord d’un lac ou de l’océan. Ça fait un peu profil meetic, je vous l’accorde. Il ne manque plus que : célibataire avec un corps de rêve, adore cuisiner, aime les enfants et les chiens, recherche femme qui voudra être leur future maman LOL. Ben oui hein sans LOL c’est moins crédible… MDR. Bref, pour faire court je suis apparemment l’un des nouveaux chroniqueurs de ce blog et vous m’en voyez sincèrement ravi. J’espère que vous apprécierez mon style, mes choix d’articles et mon humour. De toutes façons vous n’avez pas le choix, j’y suis, j’y reste ! Mouahaha ! Diabolique… non ?

http://humeurambree.blogspot.com

Bonne lecture et prenez soin de vous.