Sans rapport avec le renouveau démocratique en rapport

Par Alainlasverne @AlainLasverne

e rapport pour une rénovation de la vie publique vient de tomber et on se dit qu'il est bien tard et bien temps. Pas une semaine sans scandale impliquant un élu, pas un jour sans voir un gros acteur économique piétiner la citoyenneté et dégrader la qualité de vie d'une partie de la population avec l'appui où la distraction active de la puissance publique, trop d'élection où ne grossisse l'abstention, signe que les jeux ne renvoient pas au réel ou qu'ils sont faits.

Une chose saute aux yeux en découvrant les acteurs du rapport. On ne voit pas un seul ouvrier, ou employé, sans parler des chômeurs et autres acteurs de la vie publique nettement plus nombreux et sans doute désireux d'une représentation qui les prenne plus en compte. Sur vingt et un membres, on trouve six membres du Conseil d’État, six professeurs d'Université, un Préfet, un chef de service de l'inspection générale des Finances, une présidente de TGI, un conseiller à la cour de Cassation, un membre de l'Institut présidant également la Fondation nationale des sciences politiques, un administrateur du Sénat, un administrateur de l'Assemblée Nationale et deux anciens ministres dont L. Jospin ancien Premier Ministre. La France ordinaire manquerait-elle de réflexion et d'ambition pour rénover la vie politique ? On reste entre professionnels de la politique, savants et grands ordonnateurs des institutions.

Ainsi ce serait ceux qui perçoivent au premier chef les dividendes des lois et des financements, de l'organisation générale de la vie publique, ou qui sont parmi les plus éloignés des répercussions néfastes qui les suivent, qui seraient les mieux, les seuls à même de lancer une rénovation ?..

Il y a là quelque chose qui heurte la logique, sinon la morale, qui veut que représentation implique correspondance entre les représentants et les représentés. Correspondance de position sociale, revenus et autres éléments essentiels qui montrent qu'untel élu connaît, pour la vivre ou l'avoir vécu, un mode de vie modeste ou pauvre et les difficultés corrélatives. Ce qui concerne la grande partie des français, qu'on le veuille ou non.

A l'origine ce travail souffre donc d’illégitimité tant ses acteurs ne sont issus que d'une fraction minime et supérieure de la population française. Fraction qui, on le constate sans cesse, bénéficie constamment de l'attention et de l'action politique qu'elle-même conduit ou a conduit, met en œuvre ou influence.

On ne pouvait attendre d'une si particulière commission un travail qui serve réellement, de manière décisive l'intérêt général, sauf à penser qu'un petit gotha doit savoir, penser et décider pour le plus grand nombre.

Le cadre de travail de l'équipe Jospin est aussi un modèle d'activité œuvrant en toute autonomie pour des fins bien définies. Le rapport sur un sujet conditionnant une grande partie de l'avenir de la société française était largement borduré à l'avance par un Président pas totalement prêt, pour le coup, à laisser œuvrer la valeur majeure de la République, la Liberté.

Ce qui ne l'a pas empêché les membres de plancher quatre mois pour accoucher d'un court rapport dont on ne peut dire qu'il est peu ou prou révolutionnaire.

D'un point de vue littéraire, on a tout à fait l'analogue de la constitution et remise des prix en milieu marchand dérégulé et fortement concentré sur lui-même comme sur le profit. Les limites du choix sont connues et les potentiels vainqueurs sélectionnés sous la haute main du quarteron qui tient les commandes de la foire, les plus gros marchands adossés aux plus importants financiers, qui ont chacun leur champion, leur jury écrivain et désintéressé.

En l’occurrence, dans la réalisation du rapport en question, il n'y a même pas de surprise ou de diversion, comme a pu l'être cette année la nomination des éditions Actes sud pour le Goncourt, une maison honorablement connue pour la qualité des ouvrages produits et son centrage, étonnamment persistant, sur la qualité littéraire, même si elle dédaigne de moins en moins le marketing.

On pouvait espérer avec ce rapport quelques focalisations évidentes sur quelques failles majeures dans la politique telle qu'elle est conduite dans notre pays. Si on peut encore souhaiter qu'une commission politique ne soit pas un processus fallacieux pour décisions déjà prises et le résultat un tissu de mots pour ripoliner les choix déjà instruits d'un président.

A l'évidence, trois abcès gangrènent la politique française aujourd'hui. Ce ne sont pas les seuls, mais ceux-là demeurent fondamentaux.

Le premier est l'organisation du vote. Après les charcutages, découpages et autres maquillages de la carte électorale, il faut revenir à un principe, un acte simple : un homme = une voix. A l'image des villes états-uniennes, je vois la carte électorale découpées en territoires numériquement égaux, quitte à faire voter des français de la réunion avec des français de Neuilly. On est tous français, tous impliqués dans la société, citoyens porteurs des valeurs de la République. Ainsi, tout serait plus simple et juste ; un député UMP aurait besoin d'autant de voix qu'un député PC pour se faire élire, alors que la balance est toujours dans une inégalité de voix criante entre un député de droite et un député de gauche au-delà du PS.

Seconde évidence, seconde douleur vive et croissante, la corruption. Chaque jour des associations de courageux lanceurs d'alerte citoyens comme ceux de l'association Anticor et quelques rares élus – l'exception confirmant la règle –, rapportent des trucages, prises d'intérêt, favoritismes, malversations, abus de pouvoir et harcèlements divers. Au point que cela permet à certain(es) d'en faire des livres qui divertissent ou énervent les chaumières, faute de décisions prises pour casser ce cancer de la vie publique et privée. Les attentes des populations demeurent méprisées, les moyens publics détournés, la confiance citoyenne brisée.

Ainsi, le climat politique français s'avère être un des plus délétère, alors qu'une crise sans précédent écrase ceux qui n'ont pas le cœur à tromper leurs voisins et à faire carrière en écrasant tout le monde.

Un moyen simple, me semble-t-il, de mettre un terme à cette dérive nauséabonde serait de sanctionner les corrupteurs de peines de prisons spécifiques et lourdes et, naturellement, les élus fraudeurs qui, par exemple, à la première évidence de corruption, n’auraient plus jamais droit à l’obtention d'une écharpe tricolore. Je crois qu'un certain nombre de personnes des deux côtés du crime, seraient dissuadé de faire primer des intérêts privés.

Mais la meilleure solution demeure, sans doute, l'assurance pour un élu d'avoir un emploi à la fin de son mandat. Il ne sera plus, ou presque plus, tenté d'accumuler des biens ou autres faveurs si il sait son avenir assuré. Il faudrait donc étendre le domaine des emplois réservés, qui jusqu'à présent touchent surtout les militaires. Ce qui permettrait aussi de définir clairement le domaine d'emploi accessible légitimement à un ancien élu – loin des entreprises qui ont pu être en relation avec l'élu en fonction pour éviter la détestable pratique de l'emploi basé sur un carnet d'adresses et la connaissance d'un secteur spécifique de l’État.

On nous dit qu'avec de telles mesures on découragerait les vocations. J'attends depuis longtemps au moins un ouvrier sur les bancs de l'Assemblée Nationale. Au regard de la pénibilité de son travail et du salaire minable qu'ils touche en général, il y aura assurément foule au guichet d'inscription si un jour de vrais réformes sont faites.

Troisième et peut-être centrale défaillance de la classe politique. Elle ne représente plus qu'elle-même et un tout petit groupe de privilégiés à CSP plus.

On ne peut pas non plus laisser l'Assemblée et le Sénat, mais également les assemblées départementales et locales, ne pas représenter, au sens d'être issu encore longtemps de la grande majorité de la population, au sens de situation sociale, revenus, habitus pour reprendre une formule qui résume bien l'état social d'un individu.

En vertu des analyses sociologiques et des textes économiques où politiques, on est fondé à penser qu'un représentant comprend, exprime et défend ce qu'il vit ou a vécu il y a peu. On ne peut penser sérieusement qu'un individu né coiffé ou hantant les couloirs de la politique depuis X années représente qui que ce soit, si ce n'est lui-même. Les représentants du peuple doivent venir du peuple. Il ne serait pas impensable, en l’occurrence – puisqu'on a fait des quotas pour la parité - , de faire des quotas d'ouvriers, d'employés, de chômeurs, de retraités, de revenus faibles ou nuls, bref de tous ces va-nu-pieds qui constituent la quasi-totalité de la population française et qui ne sont pas représentés du tout dans nos assemblées, aussi bien locales que nationales. Et ils entreraient ainsi dans la politique. Sans coup férir, les pratiques politiques en seraient grandement bouleversées et le politique de même.

Que propose l'équipe Jospin par rapport à ces biais fondamentaux ?...Cela fera l'objet de l'article à venir.