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Marques, blogueurs et (bad) buzz

Publié le 12 novembre 2012 par Cyroul

 Marques, blogueurs et crise de bad buzz

La marque face aux bad buzz est un livre écrit par Ronan Boussicaud et Antoine Dupin (deux quidam que je retweet souvent car ils le méritent). Les deux compères y décryptent de façon plutôt intéressante et accessible (on y parle même de folklore digital, c’est dire) les causes et effets de bad buzz sur Internet. Pour multiplier les points de vue, ils ont interviewé des professionnels dont moi-même.

Le livre vient de sortir en boutique, mais en attendant, vous pouvez retrouver cette interview ici. Attention ça tape (mais vous êtes là pour ça, n’est-ce pas ?).

Les blogueurs sont-ils devenus des fédérateurs de crises pour les marques ?

Il est important de distinguer blogueurs opportunistes (que je vais appeler blogueurs SEO) et blogueurs indépendants ou libres. Le blogueur opportuniste va écrire un billet pour créer ou favoriser le trafic sur son blog pour revendre de la publicité (liens sponsorisés, affiliation ou bannières). Chacun de ses billets, du titre jusqu’au texte, va donc être optimisé pour prendre le moins de temps possible à construire tout en intéressant un public ciblé. Le blogueur indépendant a, quant à lui, des motivations beaucoup personnelles (valorisation de son expertise professionnelle, besoin de communiquer sur une cause, etc.).

Ces deux profils ne vont pas du tout agir de la même façon en cas de crise de marque. Le blogueur SEO (spécialisé marketing) va propager très rapidement la crise sans analyse ou alors très légère ; son objectif étant de faire venir des visiteurs sur son site grâce à un titre racoleur, et un article réalisé à base de copier-coller ou de traduction d’article américain. Le blogueur SEO étant souvent un spécialiste de la propagation d’article (d’où l’appellation SEO), il va diffuser son billet sur toutes les plateformes possibles (notamment les réseaux sociaux) pour tenter de se positionner rapidement dans les moteurs de recherche et réussir à obtenir une de diffusion naturelle de l’article : un buzz (et dans ce cas-là, un bad buzz pour la marque).

Le blogueur indépendant va, lui, chercher à comprendre un peu plus le problème, voire à analyser la situation. Forcément, cette analyse va prendre du temps et son article sortira quelques jours, voire quelques semaines après celui du blogueur SEO. Néanmoins, l’article sera mieux apprécié par les professionnels et peut calmer ou réactiver un bad buzz éventuel.

Ce blogueur indépendant peut également être à l’origine d’une crise de marque avec un article pertinent et bien construit. Dans ce cas, si la polémique qu’il soulève peut intéresser le grand public, elle peut rapidement être reprise par des blogs SEO et engendrer un bad buzz de marque.

Pour une marque, suivre les blogs est donc devenu primordial car ils sont le reflet de disfonctionnement réel de la marque ou de rumeurs sur Internet.

Comment dénoncer des pratiques de marques en restant objectif ? 

Cette question n’est pas nouvelle. Elle se pose pour les journalistes depuis que la profession existe. Elle est même plus compliquée que cela, car elle s’articule autour des notions de transparence, de vérité et d’information :

  • Le journaliste doit-il chercher la vérité ?
  • Le journaliste doit-il raconter en toute transparence (subjectivité) les évènements ?
  • Le journaliste n’est-il qu’un simple canal de restitution d’information ?

Ces interrogations sont toutes justes car il n’y a pas qu’un seul type de journalisme. Et pour les blogueurs, c’est la même chose. Il n’y a pas qu’un seul type d’écriture de blog :

  • Le blogueur SEO, lui, va se retrancher derrière la restitution d’information. Il peut écrire n’importe quoi sans vérification car il prétend à un rôle de simple transmetteur d’information. Pourquoi pas ? Certains médias traditionnels le font aussi.
  • A l’opposé, d’autres blogueurs –les indépendants – vont chercher la vérité. Analyser, disséquer un phénomène, une attitude. Ils sont rares, mais, par leur audience pointue, sont capables d’influencer un bad buzz en le dégonflant ou au contraire en le relançant.
  • Et puis, entre les deux extrêmes, on trouve les blogueurs qui relaient l’information en la passant au crible d’une analyse critique personnelle. On retrouve ici l’attitude des journalistes traditionnelles, qui vérifient l’information le plus possible avant de la transmettre ; coincés entre leur envie d’être le plus objectif possible, et leurs moyens et temps disponible.

Chacun de ces blogueurs a, à l’instar du journaliste traditionnel, une vision différente de l’objectivité et de son rôle. La dénonciation d’une marque sera basée sur cette vision personnelle.

Quelles peuvent-être les réclamations d’une marque après une attaque directe ? 

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Il y a à peine quinze ans, la réaction des marques était assez classique devant une attaque directe : elle lançait ses avocats pour attaquer en diffamation celui qui osait faire ça. Dans ce cas, l’accusé avait soit les moyens de faire face au procès, soit il devait se conforter au jugement (amende, obligation de réponse, etc.). On peut ajouter que face à un particulier désargenté, les grandes marques et leurs nombreux juristes avaient toujours l’avantage (on ne connait pas les class action en France). Le tout, associé à un bon communiqué de presse, permettait aux grandes marques d’être quasi-intouchables.

Et puis, au début des années 2000, Internet a montré aux marques que le réflexe « juridique + communiqué de presse » ne fonctionnait pas toujours (on peut citer l’exemple des antivols Kryptonite par exemple). Dans ce cas, à quoi peut servir d’envoyer une équipe d’avocats pour gagner un procès, si la vérité finit par inonder Internet, et finalement les consommateurs et donc les ventes ? Une question devenue certitude après l’affaire Streisand de 2007, où la loi obligea un photographe à enlever de son site web une photo de la maison de Barbra Streisand, photo qui se retrouvera sur tous les sites de blogueurs SEO le lendemain. Bilan de l’opération : un procès certes gagné mais une diffusée photo partout sur Internet (photo qui n’a d’ailleurs d’autre intérêt qu’avoir voulu être dissimulée).

Depuis, les nombreux cas de bad buzz ont pu apprendre 2 principes aux marques :

  1. On ne peut plus faire taire une personne en passant par la loi
  2. Les internautes aiment les belles histoires et sont prêts à soutenir les gentils contre les méchants

A partir de ces 2 principes, les marques peuvent avoir plusieurs réactions en cas d’attaque : chercher l’origine du problème (le blogueur a peut-être raison malgré tout), discuter d’égal à égal avec le blogueur (vous êtes sur son terrain, l’insulter ou le menacer ne va pas faire avancer votre cause), et pourquoi pas, répondre officiellement par un communiqué de presse (et même légalement – vous avez peut-être raison et vos consommateurs peuvent vous soutenir).

Mais comme dans toute situation de gestion de crise, il est évident que la qualité de votre réponse dépendra de votre préparation. Les marques préparées, qui ont identifié leurs faiblesses et anticipé ces problèmes, auront  forcément un coup d’avance.

Quels moyens l’internaute peut-il mettre en œuvre pour se défendre face à ce retour de flamme ?

Cela va dépendre exclusivement de l’internaute, de son capital sympathie, et de son réseau.

Un exemple récent où un internaute a été attaqué par une actrice célèbre pour avoir mis des photos personnelles d’elle en ligne. Des médias ont immédiatement fait circuler la rumeur comme quoi l’actrice « censurait un site amateur ». Or, en fouillant un peu, on s’aperçoit vite que le soi-disant site amateur est un blog SEO qui a pour objectif de se rémunérer sur la publicité en créant du trafic à base de rumeurs, de photos de paparazzi et de titres racoleurs. Ce faux bad buzz s’est donc assez rapidement tu car qui va prendre parti pour de la presse people en ligne ?

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A l’opposé, l’attaque en diffamation (qui s’est transformé en menace d’attaque) que m’a envoyée une agence de publicité que j’avais pu critiquer sur mon blog, s’est transformé en vrai bad buzz pour eux. Après seulement un tweet disant que j’étais attaqué, l’article originel a été republié sur plusieurs gros sites (effet Streisand), un sentiment d’injustice s’est propagé sur Twitter jusqu’à créer un trending topic mondial (#teamcyroul, 3eme après Justin Bieber – hé !), et l’article incriminé s’est retrouvé en 2eme position sur Google en tapant le nom de l’agence. Un vrai engouement de la profession qui voulait absolument faire gagner David, le blogueur indépendant, contre Goliath, la cruelle agence toute puissante. Le résultat : des avocats sympas m’ont défendu, des journalistes ont pris mon parti, et l’agence a été forcée d’abandonner son attaque sous peine de faire durer le bad buzz.

Ces deux exemples montrent bien que tout dépend du type de blogueur attaqué, proportionnellement à l’injustice de l’attaque.

  • Le blogueur SEO, face à une attaque de marque, ne pourra qu’accepter ses conditions. Sachant que, rémunéré par les marques, il va de toutes manières très rarement les critiquer.
  • Le blogueur indépendant, lui, va posséder d’autres armes face à la marque dans le cas où il est de bonne foi. Notamment la transparence, en racontant ses malheurs sur son blog ou sur ses réseaux sociaux.

On peut se souvenir de l’affaire Olivier Martinez contre le blogueur Eric Dupin qui avait suscité une très mauvaise publicité pour l’acteur Martinez. Les blogueurs prenant parti pour le sympathique Eric avaient en effet lancé une campagne de Google bombing « J’aime pas Olivier Martinez ! ». A la fin, Eric Dupin s’est fait peut-être condamner (une amende), mais Olivier Martinez a perdu sa crédibilité auprès des lecteurs des blogs.

Donc face à une attaque illégitime de marque, le blogueur doit compter sur sa transparence et sa réputation. A lui de faire en sorte qu’elle soit bonne, il a tout à y gagner.

L’attaque des marques envers les personnes qui les ont “dénoncés” est-il une cause louable ?

Cela va dépendre de la légitimité de la cause. Certaines marques ont raison d’attaquer des blogs ou des médias qui leur font du mal, dévoilent leur vie privée, ou répandent de fausses rumeurs. Internet est un reflet de notre société. On trouve donc des bonnes et des mauvaises personnes, de bons et de mauvais blogueurs. Les marques peuvent et doivent manifester leurs droits sur Internet comme ailleurs.

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Néanmoins, encore trop de marques appuient sur la gâchette juridique dès que la moindre critique leur est adressée, sans même chercher à la vérifier. La faute en incombe souvent aux services juridiques eux-mêmes qui vont reproduire sur Internet, ce qu’ils faisaient avant depuis des dizaines d’années sans savoir qu’il s’agit d’un autre monde qui a d’autres lois (implicites pas administratives).

J’ai pu constater cet éloignement des ressources juridiques face à Internet lors d’une de mes formations en gestion de crise. Après un des exemples de la dérive d’une réputation de marque après un bad buzz, je posais la question classique du « et vous, qu’auriez-vous fait ? ». La responsable juridique de ce groupe indiqua tout de suite qu’elle aurait fait un procès à ceux qui avaient lancé la rumeur. Il a fallu lui dire que ça n’aurait pas arrangé les choses à ce moment-là, bien au contraire, que ça allait faire empirer l’incompréhension des publics sur Internet, et le sentiment d’injustice « grandes marques VS petits consommateurs » que ces histoires génèrent, elle n’en démordit pas. Le travail de cette responsable juridique était de faire des procès contre ceux qui menaçaient sa marque, Internet ou pas. Dans cet exemple, la marque étant dans son droit, le procès était évident et immédiat.

Un moment très intéressant, où les autres responsables ont compris qu’en cas de problème de réputation sur Internet, ils feraient d’abord un constat entre eux et ne contacteraient le service juridique qu’en dernier recours.

Une résolution que trop peu de marques utilisent encore aujourd’hui.

Ajout de dernière minute : vous pouvez gagner un exemplaire du bouquin chez le modérateur là : Interview la marque face aux bad buzz


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