Yan Wagner : Yan Wagner : Dès qu’un mec porte une chemise et qu’il a une voix grave, c’est le nouveau Ian Curtis (Interview)

Publié le 12 novembre 2012 par Swann

Début octobre, Yan Wagner publiait son premier album, Forty Eight Hours (Pschent Music). Un album résolument électro sur lequel flotte les influences de Depeche Mode, New Order, mais pas que. Sur ce premier essai, le musicien s’amuse avec les sons, il les bidouille, les bricole,  et dessus il pose sa voix grave et caverneuse. Il se paie même le luxe de travailler avec deux grands hommes : Arnaud Rebotini et Étienne Daho. Je l’ai rencontré fin octobre dans le cadre du MaMa Event, il m’a parlé de son parcours, de son travail avec Etienne Daho justement, et d’un débat éternel sur les revival musicaux.

Faisons connaissance, raconte-moi un peu ton parcours ?

J’ai un parcours assez classique. J’ai commencé à faire de la musique quand j’étais adolescent, vers 13-14 ans. Et déjà à l’époque la musique électronique m’intéressait beaucoup. J’économisais pour m’acheter du matériel. C’était assez rudimentaire : des synthétiseurs Yamaha pourris, des petits séquenceurs…au fur et à mesure j’accumulais des trucs. J’ai commencé seul, mais assez vite j’avais des amis qui se mettaient à faire de la musique (basse/guitare/batterie), j’avais envie de jouer avec eux, je trouvais ça plus drôle, du coup j’ai appris à jouer du piano, du clavier. Mais là aussi, j’ai appris tout seul, presque. J’ai eu pas mal de projets, de groupes où j’étais claviériste. Je me suis mis à chanter un peu par hasard. Avec un ami, on avait créé un projet qui s’appelait Chairs on back, on a sorti un maxi…c’est resté très très confidentiel ! C’est vraiment ce projet qui m’a amené à chanter, par accident, sur scène.  Après, je suis parti à New-York pour mes études d’histoire. Je me suis retrouvé un peu tout seul là-bas, et c’est comme ça que je me suis mis à vraiment chanter. Je me suis rendu compte que c’était ce que je préférais…chanter sur scène. Quand je suis rentrée à Paris, les choses se sont un peu accéléré. Pour la première fois de ma vie, on me proposait des concerts, c’était il y a trois ans et demi ! A l’époque, c’était juste Wagner. Mon premier concert… ce devait être en septembre 2009 à l’International.

La première fois que j’entends parler de toi, c’était pour le tribute à Jacno à la Cité de la Musique…

C’était bizarre cette soirée ! Je n’étais pas du tout prévu et ce n’était pas l’environnement auquel j’étais habitué. Mais finalement, c’était une très bonne expérience…Au début, j’avais été contacté pour faire un remix de « l’Amoureux Solitaire » repris par Daho. Puis, il y avait cette soirée Jacno Future. Au Revoir Simone devait reprendre « Les Nuits de la Pleine Lune », mais il y a eu un imprévu et Jean-Christophe Thiéfine m’a proposé de faire la reprise à leur place. C’était un gros coup de chance, surtout que c’est un des morceaux que je préfère de Jacno…même mon préféré je crois. C’était un bon coup de flip aussi… Mais positif finalement. Et c’est comme ça que j’ai été amené à rencontrer Etienne Daho.

Tu ne l’avais pas croisé avant ?

En fait, on avait déjà eu l’occasion de se parler, puisqu’il m’avait appelé pour le remix, pour me remercier, mais c’était poli et finalement très courtois. Cette date à la Cité de la Musique, c’est vraiment le point de départ de notre relation. Je pense qu’on n’aurait pas pu travailler ensemble s’il n’y avait pas eu ce tribute. Et puis, c’est marrant de le rencontrer pendant une sorte d’hommage à Jacno qui est quelqu’un que j’admire beaucoup. C’était un beau hasard.

C’est toi qui lui a proposé de travailler sur ton album ?

Oui… et en fait, j’y ai pensé finalement assez tardivement. J’avais un morceau où je chantais seul. C’était en français, mais il n’y avait pas vraiment de paroles, simplement des mots scandés. On venait de commencer à enregistrer l’album quand je lui ai proposé de travailler avec moi, et j’ai été assez surpris qu’il accepte. Imagine-toi, c’était un dimanche…je reçois un mail d’Etienne Daho ! C’était assez incroyable.

Du coup, vous avez retravaillé les paroles ensemble ?

Oui. C’était vraiment la première fois que j’écrivais en français. Au départ il m’a dit « tu sais écrire, donc dans trois jours tu as une chanson ? » Je lui ai dit que oui…J’ai passé trois nuits blanche dessus. J’avais trouvé un thème et quelque phrases, des mots, mais je n’étais pas content. Je lui ai expliqué et on a repris le texte ensemble. On a tout remis en forme et on a enregistré dans la foulée. C’était au final, extrêmement simple. J’ai été surpris par son humilité. Il proposait sans imposer et il respectait vraiment le fait que ce soit mon premier album. J’étais tout à fait libre de dire non à ses propositions. Il y avait un vrai dialogue. Je n’aime pas qu’on m’impose des idées…c’est d’ailleurs pour ça que je suis tout seul ! J’en avais un peu marre de faire des compromis. Là, il me proposait un million de choses et j’avais le luxe de choisir !

C’est drôle, parce que sur votre duo « The Only One », les voix se marient tellement bien qu’on ne sait même plus qui chante…

Ça c’était un peu son idée, il voulait qu’on chante à l’unisson parce qu’il trouvait que nos timbres de voix se complétaient bien. Je trouve qu’il a totalement raison. Au début, je voulais que ce soit que lui qui chante les couplets, moi les refrains. Au final, le chant à l’unisson rend plutôt bien, je trouve ça beau… et puis c’est assez rare finalement, ça rappelle le blues…

Un autre artiste se revendique d’Etienne Daho, c’est Lescop… Vos albums sont sortis en même temps, et on vous compare beaucoup l’un à l’autre…ce n’est pas fatiguant à la longue ?

Ben moi je trouve ça un peu chiant. Lui aussi je crois. Je suis très flatté qu’on nous compare mais on n’a pas du tout le même background musical. Lui est beaucoup plus rock, moi électronique et sur scène, cette différente, elle se sent vachement. Oui c’est un peu chiant mais, j’aime beaucoup ce qu’il fait. Ça m’aurait encore plus fait chier si on me comparait à quelqu’un que je déteste !

Je lis beaucoup aussi de comparer avec Ian Curtis…

Oui, et ça par contre ça m’énerve beaucoup ! Dès qu’un mec porte une chemise sur scène et qu’il a une voix grave, ça y est, on a un nouvel Ian Curtis… De toute manière, on en a un nouveau tous les ans… Je comprends qu’on compare ma musique à New Order ou Depeche Mode, d’ailleurs j’ai aucun problème à le revendiquer… mais Joy Division, pas vraiment… C’est juste la voix grave…

Parlons de New Order justement, tu leur fais un espèce de clin d’œil avec le titre « Forty Eight Hours »…

On peut dire ça comme ça. Tu sais, New Order ce n’est pas mon groupe préféré. En faisait ce titre, je me suis rendu compte que oui, ça sonnait vraiment New Order. Mais, je ne me suis jamais dit que j’allais leur rendre hommage. Je le revendique, et je ne vais pas dire « mais non je ne connais absolument pas ce groupe ! ». A un moment donné, il faut savoir dire les choses avec honnêteté. D’une manière générale dans l’album il y a des influences plus disco, parfois même techno… New Order, ce n’est pas l’influence numéro un. Mais c’est un groupe que j’aime beaucoup. Je ne les ai jamais vus en live, mais j’ai vu des vidéos, je les trouve incroyables. La formation est super, ils ont un usage des synthés qui est assez génial. Une énergie rock avec un son synthétique c’est hyper difficile à avoir, et eux ils y arrivent.

Les eigthies reviennent à la mode…

C’était bien démodé à une époque. J’en parlais avec Etienne Daho d’ailleurs. Je lui expliquais que lorsque je passais « Tomber pour la France » en DJ Set ça cartonnait et lui me disait que pendant vingt ans on lui ressortait que c’était un titre de la honte. C’est vrai que pendant un temps, les eighties étaient passés de mode, là on arrive dans un cycle où ça revient, ça disparaitra à nouveau…

D’ailleurs pourquoi maintenant ?

Je ne sais pas trop…je pense que ça était provoqué par ce retour au mode analogique. Fin des années 90, début 2000 on a voulu revenir aux synthés analogiques parce qu’ils ne valaient rien du tout, alors que maintenant ils valent de l’or et c’est l’enfer…Après, je ne me l’explique pas trop… Tu vois, j’ai l’impression que plus on avance dans le temps, et moins il y aura de revival palpable. Aujourd’hui, tout est à disposition : on peut aller piocher dans les seventies, dans les eighties…

Alors quoi, tout a déjà été fait ?

C’est marrant parce que je suis en train de lire un bouquin qui s’appelle Retromania, qui parle justement de ce postulat, comme quoi il n’existerait plus d’avant-garde. Je pense que c’est un truc de vieux cons ! Tu vois, moi j’ai pas mal de groupes références qui ont commencé dans les années 80, mais j’écoute beaucoup de groupes actuels. Et ce n’est pas parce que j’utilise des machines des années 1980 que je fais la même musique qu’eux. Foncièrement, je pense que ça ne sonne pas pareil parce que ça n’a pas été fait dans le même environnement, le même contexte…Et je pense qu’il y a plein de choses qui se font aujourd’hui et qui sont totalement nouvelles. Je peux te donner comme exemple Mykki Blanco, un rappeur gay new-yorkais, très inspiré par les années 90 mais qui fait des trucs que jamais tu n’aurais entendu à l’époque.

Parles-nous un peu de New-York…

Cette ville est très importante pour moi, parce que c’est là que tout à commencer. C’est une ville qui m’a beaucoup offert, qui m’a beaucoup apporté. C’est un endroit où tu peux faire des concerts assez facilement et avec le peu de matériaux que j’avais, j’ai pu me mettre directement à l’épreuve. C’est bien de faire de la musique dans sa chambre, mais à un moment il faut la confronter à un public pour voir si c’est viable ou pas. Pour moi, c’est vraiment très important. Même s’il n’y a personne dans la salle, juste histoire d’entendre sa musique très fort hors de chez soi, et histoire de voir si tu peux l’assumer. J’ai fait beaucoup de concert tout seul et c’est une façon de savoir si un morceau me plait. Et puis monter sur scène c’était une sorte de test pour moi : est-ce que je voulais vraiment faire ça ou pas ?

Et comment ont été accueillis tes morceaux là-bas.

Très bien. Ce qui est bien à New York, c’est que d’une part tu as déjà l’énergie de la ville qui te permet de jouer tout le temps. Dès que je faisais un concert j’étais booké la semaine suivante et c’était comme ça pendant trois mois. C’était enivrant et motivant, parce que  rien que pour le public qui venait j’avais envie de leur donner de nouveaux sons. D’autre part l’accueil du public est très bon. Même s’il y a trois mecs dans une salle, t’es sur qu’il y en a deux qui vont danser. Ce n’est pas forcément le cas à Paris ! Sauf peut-être la nuit… Mais clairement, ce qu’on dit sur le public parisien…ce n’est pas faux !

Ça à l’air plus simple de jouer à New York…

 Jouer oui, parce qu’il y a plus d’endroits, mais percer je ne crois pas. Je me rappelle, la première fois qu’on m’a proposé de jouer, je n’avais que quatre morceaux, on m’a dit de les faire quand même ! Ca encourage les gens. Après, il y a beaucoup de lieux illégaux, j’ai joué dans pleins d’endroit comme ça. Les conditions sont dégueus, mais ce sont les règles du jeu, et finalement tu t’en fous !

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