De tradition de gauche, lecteur précoce de la presse et de l'actualité politique, j'ai toujours navigué entre Verts et communistes aux premiers tours, puis socialistes sans conviction aux seconds. Très tôt j'ai considéré l'alliance grenobloise ADES "démocratie, écologie, solidarité" comme la synthèse idéale de ce que devrait être la gauche après la "fin de l'histoire". Malheureusement, cette formule n'était possible que ponctuellement sous des accords de gouvernements tels que la gauche plurielle des années Jospin. Très intéressé par la modernité des verts j'étais dépité par l'organisation chaotique du mouvement et son incapacité à se structurer dans la durée pour conquérir le pouvoir. Du côté des communistes, en tant qu'enfant Mitterrand j'étais convaincu par l'essentiel de leurs thèses mais constatais après 1989 un rejet réel dans la population de l'"iconographie" communiste (l'habillage autour des idées) qui périmait toute possibilité éléctorale sérieuse. J'ai donc suivi avec grand intérêt la démarche Die Linke en Allemagne, persuadé qu'en se débarassant de Lenine et de la faucille et du marteau les électeurs pourraient enfin voir le message sans crainte du "rouge". Du côté socialiste, dépité par l'orientation sociale-libérale, je restais confiant dans l'aile gauche incarnée par Montebourg et sa sixième République et pourquoi pas un retour de Martine Aubry. Lorsque Jean-Luc Melenchon annonça la création d'un Die Linke français j'ai regardé cela de très près, hésitant fortement à adhérer pour la première fois à un parti politique. J'ai attendu un peu pour voir ce que cela devenait.
En 2007 j'hésitais fortement sur Bayrou. Sa droiture, sa bio (il n'est pas énarque), son respect profond des institutions pouvaient fonctionner dans un rôle de président apolitique, garant de la République. Mais ses options économiques centre-gauche me confirmaient qu'il n'incarnait qu'une UDF recolorisée. L'année 2011 fut une étrange année politiquement. Le Parti socialiste s'apprêtait à présenter au peuple Dominique Strauss-Kahn, l'homme de Bercy, de la finance. Impossible de voter pour lui, tout socialiste qu'il était. Arnaud Montebourg prenait du galon en imposant une primaire ouverte. Les écolo suivaient le mouvement. Il allait être possible de s'impliquer sans adhérer. Voir avant d'être sur. Europe-Ecologie était encore la force montante. La période Européenne-Régionales montrait qu'en s'organisant, en plaçant des personnalités de la société civile, le parti écologiste allait peut-être pouvoir contrer les dérives socialistes. J'ai donc payé les 10€ et voté pour Eva Joly, inquiet par la tentative du monde médiatique de la décridibiliser en imposant l'homme du système, Nicolas Hulot. La désignation de la franco-norvégienne fut un excellent signal: une primaire réussie, un vote clair des sympathisants, une candidate décidée contre la finance. Quelques semaines plus tard, deuxième choix: Montebourg à la primaire. Même discours que la dame aux lunettes rouges. Même droiture (que je suivais depuis longtemps). Je participais à sa campagne dans le Rhône. Décu par la désignation de Hollande, je considère qu'il aurait dû alors rejoindre le Parti de Gauche. Comme beaucoup de ses sympathisants, je considère comme une erreur d'avoir rallié Hollande, la créature du système médiatique et financier, le pion de remplacement d'un DSK torpillé. Je crois encore en son honnêteté et que son calcul stratégique (recours de gauche à un président socialiste qui sera un jour contrainte de faire appel à lui à Matignon) peut fonctionner au sein du PS.
Lucide sur Hollande, je décidais de militer pour Eva Joly. Dès fin janvier j'ai compris que le parti avait décidé son sabordage. inutile de continuer à s'épuiser contre son propre camp. Voyant la campagne brillante et rassembleuse de Melenchon, j'ai décidé que la période d'observation du PG était terminée et pris mon adhésion. La Bastille a sans doute été le déclic en me confirmant que ce parti allait durer et augmenter son ancrage électoral.
Aujourd'hui la situation est difficile. Je découvre, sans expérience partisane antérieure, la construction d'un parti, maus aussi d'un mouvement autour, le Front de Gauche. Si les petites querelles de personnes (la cristalisation sur Melenchon qui déplait à certains) ou de clocher (travailler avec les écolo ou pas?) me désolent, je suis intimement convaincu qu'aucune autre force politique que le Front de Gauche ne peut provoquer une alternative à la destruction progressive de la démocratie française. J'ai enfin trouvé l'ADES national, parfaitement en phase avec mes opinions et la réalité politique nationale et internationale. Mes hésitation d'engagement reposaient sur un refus du militantisme panurgique. Mon désaccord total avec certaines positions de Melenchon sur le Tibet ou certaines exagérations laïcardes concernant l'islam n'empêchent pas d'être sur la même ligne que le PG. L'échec relativement rapide des socialistes est inévitable et sans alternative (dissolution pour quoi? coalition avec qui?...). La croissance du Front de Gauche, le rôle programatique moteur du PG et le départ certain des écologistes du gouvernement d'ici peu nous donnent une immense responsabilité pour les échéances municipales, européennes et régionales. Le principal danger réside dans les relations au sein du Front de Gauche. Pour cela il est indispensable que le PG grossisse très sérieusement le nombre de ses élus car seul le vote légitime la force politique. Et qu'il ne se cantonne pas au parti urbain-bobo qu'il est encore aujourd'hui. L'ambition gouvernementale affichée dès l'origine est essentielle. Pour cela il faut parler à toute la France, celle des régions, d'outre-mer, des campagnes. Au pouvoir dans 10 ans? 2017 moi ça me va pour une sixième République.