Quand Jospin veut interdire à Sarko de faire des conférences

Publié le 12 novembre 2012 par Juan

C'était un joli cadeau, mais il reste dans son paquet. Même en politique, Noël n'arrive qu'en décembre.
Lionel Jospin a remis le rapport sur la modernisation de la vie politique commandé par juin dernier par François Hollande. Pour certains, il est sacrément ambitieux. Le Monde en a fait sa couverture samedi, qualifiant l'opération de Big Bang ! Fichtre ...
Notre démocratie est sacrément malade pour penser que ces propositions sont si révolutionnaires que cela.
Jugez plutôt.
Il y a ces avancées que nous attendions tous, des évidences, pas mêmes des surprises, concernant l'élection présidentielle, l'immunité présidentielle, le cumul des mandats, le mode de scrutin des députés et la prévention des conflits d'intérêt.
Election présidentielle:
  • Suppression du dispositif actuel de parrainage des candidats à l'élection présidentielle par 500 élus. Remplacement par un seuil minimal de 150 000 signatures.
  • Remboursement public des frais de campagne présidentielle proportionnel au résultat obtenu par chaque candidat. Equité des prises de paroles audiovisuelles entre la publication de la liste des candidats et le début de la campagne officielle.
  • Fermeture des bureaux de vote à 20 heures partout en France
  • Réduction d’une à deux semaines le délai – actuellement de cinq semaines – entre le second tour de l’élection présidentielle et le premier tour des élections législatives.
Pour nos parlementaires, ces Sages proposent l'introduction d'une dose de proportionnelle qui fera jaser. Il y a encore quelques personnalités de droite pour penser que la représentation du Front National à l'Assemblée serait un coup du sort socialiste. Pauvres bougres...
Parlement:
  • Maintien du mode de scrutin uninominal majoritaire à deux tours pour l’élection de 90% des députés.
  • Election à la proportionnelle de 10 % au plus des députés, sans seuil d’éligibilité et avec participation de toutes les listes à la répartition des sièges pourvus à la proportionnelle.
  • Amélioration de la représentation des collectivités locales dans l’élection des sénateurs, réforme du collège sénatorial, pondération des votes, suppression des députés du collège)
  • Election de 3 sénateurs au scrutin proportionnel
  • Abaissement de l'âge d’éligibilité au Sénat à 18 ans
  • Modulation des aides financières aux partis en fonction de leur niveau de parité hommes/femmes
Concernant les mandats, la Commission Jospin propose ce que le candidat Hollande avait promis, mais avec davantage de précisions. De nombreux barons locaux, socialistes ou autres, font déjà grise mine. Pourtant, le cumul des mandats provoquent nombre d'absence, voir des votes ratés ou bâclés. Quatre assistants parlementaires ont récemment dénoncé dans une tribune anonyme publiée par Libération cette évidence démocratique: « les parlementaires cumulards n’ont pas le temps d’examiner les textes que propose le gouvernement ni de contrôler l’action gouvernementale, et encore moins de concevoir eux-mêmes des lois un tant soit peu crédibles et différentes des textes issus de la technostructure dont ils se plaignent tout le temps devant leurs auditoires locaux ».
  • Limitation stricte du cumul des mandats pour les ministres (interdiction de tout mandat même local)
  • Limitation du cumul des mandats pour les parlementaires (sénateurs comme députés) au mandat local (conseiller municipal, général ou régional), sans rémunération associée.
  • Interdiction pour les parlementaires d'exercer toute fonction exécutive locale, ni aucune fonction « dérivée » au sein des organismes dans lesquels siègent des membres des assemblées délibérantes des collectivités territoriales.
Immunité présidentielle
  • Maintien de l’immunité fonctionnelle dont bénéficie le chef de l’État pour les actes accomplis en cette qualité,
  • Destitution en cas de manquement à ses devoirs manifestement incompatible avec l’exercice de son mandat par le Congrès, et non plus la « Haute Cour »
  • Suppression de l’inviolabilité pénale du Président de la République («celui-ci doit pouvoir être poursuivi et jugé au cours de son mandat pour tous les actes qu’il n’a pas accomplis en qualité de chef de l’État »), et de l'inviolabilité civile (mais avec des règles de compétence et de procédure particulières)
Cette dernière partie est l'une des plus intéressantes.
Quand François Hollande avait imposé une charte de déontologie à ses ministres en mai dernier, d'aucuns s'étaient moqués. C'était un premier et véritable pas, un belle avancée même si l'ancien Monarque avait sous la contrainte de l'affaire Woerth/Bettencourt entamé la démarche.
Conflits d'intérêt
  • Définition du conflit d’intérêts: «constitue un tel conflit une situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics ou privés de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction
  • Ediction de normes pour les membres du Gouvernement, les collaborateurs du Président de la République et les membres des cabinets ministériels, les titulaires de certains emplois supérieurs de l’État, les membres et principaux responsables d’autorités administratives indépendantes, les parlementaires.
  • Création d'une Autorité de déontologie de la vie publique pour les surveiller.
  • Obligation légale de déclaration d’intérêts et d’activités pour chacun.
La commission Jospin cible tout au presque (« toute fonction de direction ou d’administration au sein d’un parti politique et de toute autre personne morale (sociétés commerciales et associations notamment »). Elle durcit les interdictions de cumul d'activité privée. Pour les parlementaires, l’incompatibilité du mandat avec les fonctions de direction de certaines entreprises privées serait « étendue aux fonctions de direction exercées dans des sociétés mères contrôlant ces entreprises. L’accès à la profession d’avocat en cours de mandat devrait par ailleurs être prohibé
Interdire à un député d'être avocat ? Fichtre ! La mesure ferait des ravages, surtout à doite, mais aussi à gauche. Noël Mamère ou Jean-François Copé ne pourraient continuer d'exercer leur métier d'avocat.
Au Conseil constitutionnel également, la Commission fait également le ménage: François Hollande ne serait plus membre de droit, contrairement à Valéry Giscard d'Estaing, Jacques Chirac ou Nicolas Sarkozy avant lui. Si la réforme était adoptée, Nicolas Sarkozy ne pourrait plus facturer de jolies conférences à l'étra,ger tout en restant membre du Conseil Constitutionnel... La commission Jospin fait le ménage presque jusqu'au bout.
La Commission pèche là où l'attendait: elle propose de composer la future Autorité de membres du Conseil d'Etat (Vice-président du Conseil d’État, Premier président de la Cour de cassation, Premier président de la Cour des comptes) ou désignés par le Président de la République ou les présidents des deux assemblées parlementaires. Encore un effort !
Les difficultés ne font que commencer sur ce terrain là. Les actions de François Hollande, quoiqu'il fasse, seront comparées aux recommandations de la commission Jospin qui, sur certains sujets, vont plus loin que ses promesses de candidat.
Lire le rapport complet.