Le ciel leur est tombι sur la tκte. Les personnels d’Iberia ιtaient conscients des difficultιs financiθres graves de leur entreprise mais n’en mesuraient certainement pas la vιritable ampleur. Pas plus que les analystes, les observateurs et les mιdias. D’oω le coup de thιβtre brutal qu’a constituι l’annonce inattendue d’un plan de redressement d’une rare vigueur.
La compagnie espagnole va en effet supprimer pas moins de 4.500 emplois, c’est-ΰ-dire grosso modo le quart de ses effectifs, et allιger sa flotte de vingt-cinq avions. A l’horizon 2015, elle cherchera ΰ dιgager une rentabilitι de l’ordre de 12%, un effort soutenu par la suppression de lignes dιficitaires. De plus, alors que l’effet de surprise n’est pas encore dissipι, la direction adresse un message sans ιquivoque aux syndicats : dans l’hypothθse oω un modus vivendi ne serait pas conclu au plus tard le 31 janvier ΰ propos des modalitιs de cette spectaculaire rιduction de voilure, les mesures seraient encore durcies.
Bien entendu, les premiθres rιactions ont ιtι ΰ la mesure de la surprise et de l’ampleur des coupes claires annoncιes. Les syndicats parlent de dιmantθlement pur et simple du pavillon aιrien espagnol, ils rejettent le plan de redressement dans sa totalitι, parlent sans plus attendre de grθve.
Pour qui pourrait encore en douter, la situation d’Iberia est grave. Son directeur gιnιral, Rafael Sanchez-Lozano, a dit l’essentiel de la maniθre la plus brθve qui soit : «Iberia is in fight for survival», ajoutant immιdiatement que la compagnie est dιficitaire sur l’ensemble de ses marchιs. Sans mesures fortes, a-t-il dit, l’avenir apparaξt incertain. Un discours d’une grande fermetι, tout ΰ fait inhabituel dans le transport aιrien, ιloignι des prιcautions oratoires qui sont gιnιralement de mise en pareils cas. Et, exemple choisi au hasard, on imagine difficilement qu’un tel ton soit utilisι chez Air France, dont les difficultιs sont pourtant comparables.
Il y a encore plus grave. En effet, Rafael Sanchez-Lozano, analysant les fondements de la crise qui fait vaciller Iberia sur ses bases au point d’un mettre la pιrennitι en question, ne se contente pas d’ιvoquer la crise ιconomique et monιtaire qui frappe l’Espagne, en mκme temps que les problθmes propres ΰ l’ensemble de l’Euroland. Tout au contraire, il affirme haut et clair que «les problθmes sont systιmiques et antιrieurs aux difficultιs actuelles du pays», au point de conduire ΰ des pertes de 1,7 million d’euros par jour.
Il y a urgence («le temps joue contre nous») sans que les donnιes mises sur la place publique permettent de tout comprendre. Willie Walsh, directeur gιnιral de l’International Airlines Group (IAG, holding d’Iberia et de British Airways), lui aussi, est restι en retrait, jusqu’ΰ prιsent tout au moins. Il a dit vendredi, un peu mystιrieusement, que certains intιrκts particuliers ont primι sur les intιrκts ΰ long terme du plus grand nombre. Mais que faut-il entendre par lΰ ? D’autant qu’aucune dιmission n’a ιtι enregistrιe, qu’aucun remaniement de la direction n’est annoncι.
On n’a jamais vu une compagnie aιrienne annoncer la suppression du jour au lendemain du quart de ses effectifs. Tout au plus peut-on noter qu’au-delΰ des difficultιs liιes au transport aιrien ΰ proprement parler, Iberia va abandonner des activitιs de maintenance pour tiers, dιficitaires. Mais ce n’est probablement pas lΰ que rιside l’essentiel.
En revanche, on est d’ores et dιjΰ en droit de s’interroger sur les premiers rιsultats obtenus par Iberia Express, filiale low cost de crιation rιcente. Seraient-ils dιcevants ? Il ne fait pas de doute, en effet, que la concurrence de Ryanair, EasyJet et quelques outsiders, fait trθs mal ΰ la compagnie qui a peut-κtre sous-estimι la rιalitι et, surtout, la rapiditι d’un changement d’ιpoque. Un phιnomθne qui, bien sϋr, n’a rien de spιcifiquement espagnol. Et qui annonce peut-κtre d’autres coups durs.
Pierre Sparaco - AeroMorning