La fin magistrale d’une saga culte !
Après cinq tomes qui invitaient à suivre le parcours mouvementé de Joseph Joanovici à l’aube de la Seconde Guerre mondiale, durant l’Occupation et lors de la libération, le héros de Fabien Nury et Sylvain Vallée doit maintenant répondre de ses actes. Si ceux qui avaient joué double jeu commençaient déjà à avoir chaud lors du tome précédent, il est désormais temps de payer l’addition et la note risque d’être extrêmement salée pour notre ami particulièrement débrouillard durant l’Occupation.
Cet ancien ferrailleur d’origine juive qui s’est c’est construit un véritable empire durant la guerre a beau avoir la carapace plus dure que son métal le plus précieux, sa descente aux enfers se poursuit et la manière dont Fabien Nury confronte ses personnages à leurs actes est tout simplement magistrale. Milliardaire déchu, rejeté par quasi tous ses proches et exilé dans un bled perdu, l’homme est au plus bas, mais parvient tout de même à trouver la force de se relever une dernière fois, démontrant son extraordinaire capacité à rebondir. L’homme a beau mordre la poussière, son instinct de survie le pousse à renaître de ses cendres… avant le chant du cygne.
Ce procès permet une nouvelle fois de souligner toute la complexité de ce personnage qui continue de fasciner au fil des tomes. Inspiré du personnage réel, cet immigré roumain qui manœuvre avec grande efficacité au milieu de fonctionnaires, policiers et juges corrompus, est d’une ambiguïté extrêmement intéressante. Enfilant une tenue de résistant au-dessus de son costume de collabo, il doit constamment retourner sa veste et user de sa fortune pour passer entre les mailles du filet. A cheval entre un statut de héros et celui de traître, il perd sa propre identité et les dégâts psychologiques sont de plus en plus visibles au fil des tomes… jusqu’à devenir irréparables. Étalant ses faiblesses et ses qualités, passant de victime attachante à un fourbe cupide et déloyal, ce personnage confronté à ses démons ne laisse pas indifférent et continue de fasciner le lecteur. La grande force de ce récit est d’ailleurs de ne pas juger l’homme, mais de livrer un parcours qui peut forcer l’admiration, mais également provoquer le dégoût. Au final, c’est au lecteur de peser le pour et le contre et de porter son propre jugement, tout en se demandant : et moi, qu’aurais-je fait dans une telle situation ?
Si le développement psychologique du personnage central demeure la pièce maîtresse, le contexte historique joue également un rôle prépondérant dans cette saga. A travers les choix et la destinée de Joseph Joanovici les auteurs mêlent le destin de leur personnage à celui de la France et d’une population qui a du choisir son camp, baignant le lecteur dans la réalité de l’après-guerre et démontrant la complexité de l’âme humaine. L’auteur livre ainsi non seulement un personnage touchant et torturé, mais également une tranche d’histoire des plus intéressantes.
Si Fabien Nury multiplie les révélations et les rebondissements en faisant preuve d’une finesse narrative hors du commun, Sylvain Vallée continue également de livrer de l’excellent boulot. Il propose non seulement un dessin qui contribue au grand réalisme de l’histoire, mais il livre surtout une leçon de mise en scène cinématographique et excelle dans les expressions de ses personnages, donnant ainsi à chaque non-dit et à chaque silence une force évocatrice incroyable.
Bref, cette série dont le titre est une sorte de clin d’œil au cultissime «Once upon a time in America» de Sergio Leone, est magistrale, incontournable, culte et même probablement la meilleure saga franco-belge de la dernière décennie ! Pas étonnant donc, de la retrouver au sommet de mon Top de l’année !