Au premier abord, l'initiative que vient de lancer UBank peut paraître anodine. PeopleLikeU propose en effet aux australiens de comparer leurs habitudes de dépenses avec celles de leurs concitoyens. Concrètement, après avoir renseigné ses caractéristiques démographiques et économiques (sexe, âge, niveau de revenus, lieu de résidence...), le visiteur va pouvoir consulter quelques statistiques sur les personnes au profil comparable au sien, sur un ensemble de postes budgétaires (alimentation, voyages, loisirs...).
L'objectif est, selon la banque, de satisfaire la curiosité naturelle des consommateurs et de leur permettre, par exemple, de déterminer les différences de comportements entre deux régions du pays ou, plus simplement, d'évaluer avec précision leur situation financière par rapport à la moyenne de leurs pairs.
L'approche n'est, jusque-là, pas très originale (elle rappelle, notamment, le Diagnostic Épargne du Crédit Agricole Pyrénées Gascogne) mais le niveau de détail que fournit le service est déjà plus impressionnant. Car, outre les budgets moyens, il présente également les fournisseurs et commerçants "préférés" dans les différents domaines couverts et pour chaque catégorie de consommateurs. PeopleLikeU illustre ainsi parfaitement la valeur des données détenues par la banque.
Or cette valeur est également commerciale et National Australia Bank (NAB), le groupe financier dont UBank est la filiale de banque en ligne, n'hésite pas à l'exploiter. Car, en explorant les dessous du site PeopleLikeU, on découvre qu'il s'appuie sur l'offre "Market Blueprint" d'une société spécialisée dans l'analyse marketing (Quantium), dont la matière première est fournie par... NAB !
Voilà donc le premier cas (public) que je rencontre d'une banque qui vend les données (anonymisées, évidemment) qu'elle collecte à partir des transactions réalisées par ses clients. Comme le souligne la présentation de "Market Blueprint", il s'agit d'une source inestimable d'information pour identifier des positions sur un marché, déterminer les profils d'achat des consommateurs, repérer les tendances du commerce de détail...
Comme je l'évoquais en introduction, il ne faut pas être surpris d'une telle initiative, tant est forte la tentation de commercialiser la mine d'information dont disposent naturellement les banques sur leurs clients. En revanche, il est relativement étonnant qu'elle ait pu être exécutée en toute discrétion (le partenariat entre NAB et Quantium semblant dater de 4 ans, qui plus est), sans soulever, apparemment, de résistance particulière sur son utilisation de données privées.
Par contraste, la réaction virulente à la commercialisation par MasterCard du même type d'information à des fins de ciblage publicitaire démontre que le sujet peut-être très délicat à traiter. Quoi qu'il en soit, la brèche est désormais ouverte et elle risque de déclencher, d'un côté (celui des banques), une ruée vers une nouvelle source de revenus et, de l'autre (celui des consommateurs), un mouvement de rejet dangereux (encore une fois) pour l'image des institutions financières. L'atteinte de l'équilibre entre ces deux pôles d'opposition demandera un peu de temps...