" Pas de rideaux, une entrée en scène côté public et un large plateau où les comédiens sont aussi spectateurs à tour de rôle. Très vite le ton est donné quand une musique rock’n’roll retentit et que les célèbres vers d’Orsino qui ouvrent la pièce.
Le texte ... on le coupe, on le tord, on le retourne, on l’enrichit … Pour aider le spectateur, un code couleur semble être activé, chaque personnage étant monochrome.
Ainsi chez le duc Orsino, c’est les couleurs chaudes qui dominent, tandis que chez Olivia ce sont logiquement les couleurs froides. Le Fou et Viola, déguisée en homme, sont en noirs et blancs, couleurs neutres qui correspondent à leur va-et-vient entre les deux demeures. Quant aux deux compères que sont Sir Andrew et Sir Toby, leurs atours complémentaires dessinent une grappe de raisin et sa feuille.
Car le vin et l’ivresse sont aussi des éléments de la pièce comme le rappelle sufisament la bouteille qui trône sur le devant du plateau tout au long du spectacle. Avec l’amour passionnel pour acolyte, ils brouillent les frontières des sentiments, des rapports humains et du théâtre. Plus d’une fois, les personnages explorent les limites de la scène, verbalement et physiquement, et interrogent ce qu’il se passe au moment de jouer – attitude proprement shakespearienne pour le coup.
Tout est possible pendant cette Nuit des rois, la douzième nuit après Noël, nuit de carnaval que Shakespeare imagine entre farce grotesque, drame romanesque, pure comédie et féerie musicale. Jean-Michel Rabeux s’empare de tout cela pour dire l’ambiguïté de l’amour, et veut qu’on entende ces mots qui dérangent, amusent, bouleversent et qui transforment tous ceux qui les prononcent. Multiplication des déguisements et des travestissements, des mensonges et des non-dits, Shakespeare fait feu de tout bois pour peindre ce monde en trompe-l’œil qui se révèle être un miroir grossissant du monde réel où nous tentons chaque jour, plus ou moins maladroitement, d’accéder au bonheur. Mélancolique « comédie des amours », intemporelle car toujours perturbatrice, cette Nuit des rois sera avant tout ludique, fantasque et inventive mais dans une totale fidélité à son auteur de génie. "
Ajoutons à cela la formidable interprétation des comédiennes et comédiens, Céline Milliat-Baumgartner en tête, et une envoutante interprétation musicale en toile de fond sonore.
Céline Milliat-Baumgartner (en femme)
Céline Milliat-Baumgartner (travestie en homme) face à Géraldine Martineau