En France, tous les 18 juin, est commémoré l’anniversaire de l’appel du Général de Gaulle, mais jamais un autre évènement pourtant daté du même jour : la débâcle de l’armée française à Waterloo en 1815. Chaque début mai, le gouvernement français célèbre l’armistice qui symbolise la victoire des alliés contre les troupes nazies, mais jamais n’évoque la fin de la bataille de Diên Biên Phu, qui s’acheva en 1954 par un cuisant revers pour ses forces militaires. « Seule la victoire est belle » serait donc la devise de l’État français ? Entendu par « victoire », la faculté d’avoir davantage étripé, éviscéré, émasculé, éventré, défiguré, démembré, décapité, que son adversaire ?
Pourtant, une guerre n’a jamais de vainqueur et le drapeau blanc est toujours taché de sang. Une mère française qui, en 1915, pleure un enfant porté dans son ventre et élevé des années pour qu’il finisse sa vie à 18 ans, le corps déchiqueté par un éclat d’obus, à plus en commun avec une mère allemande de la même époque qu’avec le maréchal Joffre.
Dorénavant, tous les 11 novembre, la France rend hommage aux soldats « morts pour la patrie ». La patrie, ce concept étrange selon lequel, né à quelques mètres de part et d’autre d’une frontière arbitraire, l’ennemi devient ami et vice versa. Cette idée selon laquelle en fonction de leur nationalité, toutes les victimes militaires de conflits armés ne se valent pas. Que ces macchabées ne sont pas tous des martyrs tombés au nom de leur obéissance stupide aux ordres infects de leurs supérieurs. Que ces corps en putréfaction seraient autre chose que des sacrifiés au nom du commandement économique, ce fameux « nerf de la guerre ».
Les gouvernements de tous les pays belliqueux devraient plutôt s’excuser auprès de leur population pour tous ces jeunes gens morts pour rien. Simplement parce que dans la tiédeur ouatée de leurs bureaux cossus, quelques dirigeants en avaient décidé ainsi. Décidé de séparer l’humanité en camps retranchés et inconciliables sous le prétexte fallacieux qu’avant d’être humain, encore fallait-il d’abord être Français, Allemand, Chinois ou autre. Et pourquoi pas musulman, juif, fan de tuning, collectionneur de pin’s ou lecteur de Louis Blanc, célèbre historien qui affirmait « C’est avec les pauvres que les riches se font la guerre » ?
Longtemps encore devrons nous subir les cortèges d’anciens combattants revenus de l’horreur pour nous dire « plus jamais ça », en attendant la prochaine dernière guerre. Aussi longtemps que les dirigeants politiques n’auront pas le courage de prendre leur part de responsabilité dans ces atrocités. Ainsi viendront-ils déposer des fleurs au pied des monuments aux morts. Pas des fleurs en pot. Non. Des fleurs coupées. Des cadavres de fleurs.
Guillaume Meurice
11/11/2012