Saint-Glou 2012, Jurassic good trip, Jour 1...

Par Olif


Jura: vignoble dont on a fait une montagne. Accessoirement, département immatriculé 39, de couleur plutôt verte. Par ailleurs, bouteille spécifique de forme un peu particulière, destinée à accueillir du vin du Jura, quelle que soit sa couleur, sauf jaune.

Entièrement situé dans le département du Jura, adossé au massif du Jura, le vignoble du Jura est une simple bande de terre de 80 km de long qui s'étend sur les coteaux du Revermont, de Salins les Bains jusqu'à Saint-Amour, aux portes de la Bresse, en passant par Arbois, Château Chalon et Rotalier. Reposant sur des sols argilo-calcaires qui sont à l'origine de certaines de ses particularités, ce petit bout de vigne affiche une sacrée personnalité. Séparé de la Bourgogne voisine par la large vallée de la Saône, il ne craint désormais plus l'ombre portée par le prestigieux voisin. Les marnes du Lias et du Trias ont permis l'épanouissement de cépages autochtones originaux particulièrement adaptés à ce type de sols, cépages que l'on ne retrouve nulle part ailleurs ou presque. Savagnin, poulsard (ou ploussard, peu importe, l'important, c'est d'en boire) et trousseau résistent bien au développement croissant du chardonnay et du pinot noir, cultivés aussi de longue date, mais vraisemblablement importés de Bourgogne. La renommée du vin du Jura lui vient en grande partie de l'un de ses produits-phare, le vin jaune. Cet accident oenologique, élevé pendant 6 ans dans un fût en vidange, sous un voile de levures qui le protègent d'une transformation en vinaigre, en ménageant son oxydation, donne un vin hors norme que le néophyte ne sera pas toujours à même d'apprécier à sa juste valeur. Les arômes caractéristiques de noix qu'il dégage font souvent fuir l'amateur de vins non-initié, autant qu'ils attirent comme des mouches ceux qui sont rompus à la dégustation de ce breuvage.

Outre de grands vins, le Jura a également donné naissance à de grands hommes. Le plus célèbre d'entre eux est sans nul doute Louis Pasteur, qui a effectué une grande partie de ses travaux sur la fermentation alcoolique dans la petite ville d'Arbois. On ne le remerciera jamais assez d'avoir considéré le vin comme étant la plus saine et la plus hygiénique des boissons, mais on déplorera tout le mal causé aux fromages au lait cru par la pasteurisation. Le plus injustement méconnu des inventeurs jurassiens est sans conteste Charles Sauria, né à Saint-Lothain, dont l'éclairage fut plutôt bienvenu à l'intérieur des caves, une fois qu’il eût inventé l’allumette à friction.

Les vins du Jura sont fort justement considérés par les Jurassiens comme les meilleurs des vins produits au monde.


Salins-les-Bains:

Cité thermale, d'art et d'histoire, ville sinueuse se faufilant entre les montagnes, en suivant le lit tourmenté de la Furieuse, Salins-les-Bains est une ville qui ne manque pas de sel. En 52 avant Jésus-Christ, Salins-les-Bains a failli devenir célèbre, en manquant de peu le siège de la bataille d'Alésia, qui s'est déroulée à une trentaine de kilomètres de là, du côté de Champagnole et Chaux des Crotenay. Le Jura, terre de défaite, mais pas tout le temps non plus, faudrait voir à ne pas trop pousser le bouchon. On murmure même que Rouget de Lisle, illustre natif de Lons-le-Saunier, a failli appeler son hymne national victorieux la Juraseillaise. C'est dire. En 2012 après Jésus-Christ, Salins-les-Bains est devenue totalement mythique, pour avoir accueilli le camp de base des adorateurs de Saint-Glou, qui, comme chacun sait désormais, se fête avec tous les autres Saints. Glou, saint patron des buveurs, a donc élu domicile temporaire au pied du Mont Poupet, haut-lieu du vol libre et, désormais, du vin libre. Pour une canonisation rituelle et annuelle dans les règles de l'art, une large et belle victoire digne de Jules César. "La Saint-Glou 2012, j'y étais!" pourront dire en 2052, la larme à l'oeil, les survivants, encore poilus ou pas.

Pour profiter pleinement d'un séjour, il faut bien dormir, c'est une évidence. La Maison Salines, qui a ouvert ses portes en juillet de cette année, ne manque pas d'atouts. Cet ancien hôtel particulier, rénové avec classe et avec goût, dans le respect du style de l'habitation, possède tout le confort moderne. Ses immenses salons favorisent la bonne convivialité, les afters prolongés et les debriefings pointus. Possédant 5 belles chambres, aux lits confortables, indispensables à la bonne récupération des glouglouteurs, elle permet de loger une dizaine de personnes, ce qui peut nécessiter de prévoir des annexes pour contenir l'invasion de la Séquanie par des hordes de Belges assoiffés, le tire-bouchon entre les dents, ignorant encore que la guerre des Gaules est terminée depuis une certaine bataille qui s'est déroulée pas très loin d'ici (voir plus haut). Une fois les participants excédentaires logés, qui dans un petit gîte attenant, qui à l'Hôtel voisin des Deux Forts (tirant son nom de la présence toute proche du fort Belin et du fort Saint-André, surplombant la ville, rien à voir donc avec la corpulence des gaillards qui y dorment), la Saint-Glou peut officiellement débuter. Direction Arbois, aux Jardins de Saint-Vincent, pour une soirée apéritive autour de la relève vigneronne arboisienne.

Les Jardins de Saint-Vincent, Arbois:

Quel autre endroit pourrait être plus indiqué pour découvrir les jeunes vignerons jurassiens? Le jardinier Stéphane Planche en mission sommellerie dans le Mâconnais, c'est Julien qui est aux manettes, solidement épaulé par une triplette vigneronne, eux-même parfois assistés de leur secrétariat de direction.

Au menu, des jus de 2012, en avant-première mais pas en primeur, le Plouplou nouveau n'ayant pas encore fait suffisamment école pour se contenter d'élevage aussi bref. Charles Dagand, du domaine de L'Octavin a le privilège de l'ancienneté. Tout auréolé d'une bonne et belle assurance, il n'a pas tremblé, lorsqu'il s'est agi de faire goûter ses jus. Encore un bien joli travail sur l'enzymatique, pour la cuvée 2012 du trousseau des Corvées, dite cuvée du nain, une macération carbonique complètement maîtrisée. Pamina 2009, le chardonnay de la Mailloche, se boit comme du petit lait.

Renaud Bruyère n'en est qu'à son deuxième millésime, mais n'a déjà plus rien à vendre. Petit domaine, petite production et un travail à temps partiel chez Stéphane Tissot. Depuis qu'Adeline a quitté le GAEC Houillon pour le rejoindre, l'idée est effectivement de s'agrandir. Les 2012, blancs comme les rouges, sont déjà superbes et donnent envie d'en boire. L'ultime bouteille d'Arbois blanc 2011, miraculeusement sauvée de la cave des Jardins pour l'occasion, a fait des étincelles.

Alexis Porteret a démarré l'aventure des Bodines avec le millésime 2010. Secondé par sa femme Émilie, il continue de travailler au domaine de la Pinte, tout en produisant quelques fabuleux jus de trousseau, poulsard, chardonnay ou savagnin. Les rouges 2012 promettent de belles choses et confirment haut la main la très bonne impression déjà laissée par les deux millésimes antérieurs.

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Olif

P.S.: tous ces vignerons sont membres de l'association le Nez dans le vert, qui tiendra salon les 24 et 25 mars 2013, au domaine de la Pinte. Un retour de la Saint-Glou en perspective?

P.S.2: la Saint-Glou, ça se vit et ça se raconte. Eva en a écrit les 10 ou 11 commandements et Samia, visiblement traumatisée, a cherché à s'en exorciser au plus vite...