L’homme regardait la glace sans voir son reflet. Il se demandait, pourquoi il avait fait ça ? Pourquoi ? Pourquoi est-ce que ce jour-là, devant son miroir, il n’avait plus supporté d’y voir son image. Pourquoi est-ce qu’il avait pris cette lame, pourquoi ? Il se rappelle bien la haine qui l’habitait, la colère qui pulsait dans ses veines. Pourquoi ? Il ne supportait plus, il ne vivait plus, il ne pensait plus. La vie lui était devenue intolérable, infâme, inénarrable. Il lui fallait sortir de là, quitter cet état, supprimer sa souffrance. Alors ce jour-là, devant son miroir où il ne voyait plus son reflet, il a pris la lame à sa droite, et lentement, s’est entaillé le poignet gauche, tremblant sous la douleur, tremblant sous la souffrance, tremblant sous les larmes. Puis, il avait marché jusqu’au sofa, répandant son sang sur le sol du salon, imbibant la pièce de cette odeur cuivrée qui caractérise si bien notre sang. Il s’était effondré là, assis… Attendant… Réfléchissant… Et ce sang qui coulait, ce sang qui roulait sur son bras… À l’extérieur, elle tombe, la nuit, venue ce soir, le prendre. L’homme ne bougeait plus, ses yeux pâles fixant son sang qui s’écoulait, à mesure que son espoir s’étiolait. Il s’endormit… Pour toujours.
Si j’avais survécu… Si j’étais vivante, si le temps coule encore dans mes veines… Le noir, l’obscurité, le néant, nulle part m’entourent de leurs volutes insondables. Mais moi, mais je, mais toi, mais vous, mais qui ? Je ! Un bruissement, un froid, un vent, un choc. Je sens la pierre entailler mes côtes. Je roule sur mes côtes. Je roule sur le lit de la rivière. Ma tête émerge de l’obscurité, explose de douleur au contact de l’air gelé de l’hiver, sortant de l’eau glaciale de la nuit… Elle tangue, cherche l’air, respire… S’échoue… Je respire… Je vis. Mes doigts s’enfoncent dans la terre meuble de la berge. Aveugle, à bout de force, je traîne mon corps impuissant, je l’entraîne hors de cette eau glaciale qui dévore encore mes jambes. Je suffoque, j’essaye de respirer, mais je suis trop faible. Ma poitrine est écrasée par le poids de mon propre corps… J’ai du mal… À respirer… À nouveau, je sombre, pas dans le courant glacial de cette rivière, mais dans le courant invincible de l’épuisement… J’essaye sans y arriver à bouger encore mes bras, mes jambes… Je n’y arrive pas… Mon corps est à nouveau lointain… Il n’est plus à moi… Je m’enfonce… Je m’enfonce… Dans la nuit.
Et puis, l’obscurité saisit l’homme. Il y glissa, de plus en plus vite, sans pouvoir s’accrocher encore à la vie… Tendrement, il sombra dans l’éternité, dans le néant, dans le noir, dans l’inconscience, dans la paix… Puis ce fut le flash, la lumière brûlante, l’explosion de douleur, les vapeurs soufrées lui suffoquèrent les poumons, les cris des suppliciés, les flammes de l’enfer qui léchèrent sont corps… Il refusa d’ouvrir les yeux, non il ne le voulu pas, il ne devait pas…. À travers ses paupières closent, il sentit la multitude, les mains qui griffèrent son corps, qui lacérèrent sa peau. Il ne pouvait pas bouger, il ne pouvait pas s’enfuir… Il garda les paupières aussi serrées qu’il le put, il n’osa affronter l’enfer du dehors, les grognements et râle monstrueux qui l’entouraient le terrifiaient. Plus encore, quand le silence se fit, plus encore quand la voix caverneuse de leur chef s’éleva dans l’espace, remplissant le temps et l’espace, les remplissant d’un timbre sans compassion, sans humanité… « Je crois qu’il est sauvé ».
L’homme émergea, à bout de souffle, de la forêt. La rivière est là, là où il espérait la trouver. Il parcourt des yeux son lit sinueux. Il la cherche. Il sait, qu’elle est quelque part par là, ici, elle doit y être, il ne peut en être autrement. Il doit la sauver des autres, c’est sa mission, il le sait. Du jour où il s’est réveillé, du jour où tout pour lui à changer, où les cauchemars ont commencé, il savait… Il savait que ce soir, il serait là, la cherchant, pour la sauver. Il regarda le ciel, il avait déjà commencé à pâlir, il avait déjà commencé à chasser les étoiles… Le temps était trop précieux, il avait perdu trop de temps à trouver son chemin dans la forêt dense. Il devait la ramener, la protéger du soleil, la sauver… Avant cela, il devait la trouver. Il remonta le cours d’eau. Et s’il s’était trompé, et s’il avait fallu descendre… Non, il ne devait pas penser à cela. Il devait… Il la trouva. Allonger dans la boue, les jambes encore dans l’eau, son flanc déchiqueté, saignant encore un peu. Vivait-elle encore ? Il n’avait pas le temps de ses poser la question, ce n’était pas le moment de se la poser… Il devait la sauver, la ramener, elle était vivante. Il passa les bras sous son corps et la souleva. Elle lui parut incroyablement légère et frêle. Il ramena sa tête contre son torse… La regarda… Parcourut son corps de son regard pâle… Visage d’ange aux couleurs bleutées du froid. Il devait se hâter. Elle était à peine vivante… Il devait la sauver… Aussi vite qu’il le pu, luttant contre le temps, contre le soleil et la fatigue, la douleur qui ankylosait ses bras, il se mit à courir… Il devait la sauver… C’était sa mission…
--- Eleken,
Un épisode qui aura mis le temps de venir, mais un épisode qui aura été précédé de la réflexion, du temps de définir avec exactitude le plan de ce récit... Et donc, des épisodes futurs plus simple à écrire ;o). Maintenant je crois que je vais sortir, je n'ai pas encore mis un pieds dehors.
Comme ça fait longtemps, voici les liens vers les épisodes précédant pour ceux et celles qui prendrait en cours de route :
- épisode 1
- épisode 2
- épisode 3
- épisode 4
Les Creatures d'Okedomia.
Eleken Traski.