C'est le bailleur qui a donné congé qui doit payer l'indemnité d'éviction car "la vente de l'immeuble loué ne décharge pas le vendeur de son obligation de payer l'indemnité d'éviction éventuellement due au locataire auquel il a refusé, avant la vente, le renouvellement du bail".
"Vu l'article L. 145-14, alinéa 1er, du code de commerce ;
Attendu que le bailleur peut refuser le renouvellement du bail ; que toutefois, le bailleur doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants, payer au locataire évincé une indemnité dite d'éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rouen, 1er avril 2010), que la société Rubis, preneuse à bail de locaux commerciaux propriété de la société du Faubourg, a sollicité le renouvellement de son bail par acte du 30 août 2005 ; que la société du Faubourg a, par acte du 28 novembre 2005, refusé le renouvellement du bail pour motifs graves et légitimes, puis a, le 30 novembre 2006, vendu l'immeuble loué à M. X... ; que la société Rubis l'a assignée en contestation du congé et paiement d'une indemnité d'éviction ;
Attendu que pour rejeter ces demandes, l'arrêt retient que si la société Rubis a respecté le délai de deux ans à l'égard de la société du Faubourg en l'assignant par acte du 6 novembre 2007, elle n'ignorait pas à cette date que cette société n'était plus propriétaire de l'immeuble depuis le 30 novembre 2006 ni qu'elle n'était plus son bailleur, M. X... étant, par l'effet de la vente, subrogé dans les droits et actions de l'ancien propriétaire, qu'au regard des articles L. 145-10, L. 145-14 et L. 145-17 du code de commerce, l'action ne peut être engagée qu'à l'encontre du bailleur, et que la société Rubis ne peut donc obtenir la condamnation de la société du Faubourg au paiement d'une indemnité d'éviction alors qu'elle n'était plus son bailleur au jour de l'acte introductif d'instance ;
Qu'en statuant ainsi, alors que la vente de l'immeuble loué ne décharge pas le vendeur de son obligation de payer l'indemnité d'éviction éventuellement due au locataire auquel il a refusé, avant la vente, le renouvellement du bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté la société Rubis de sa demande d'indemnité d'éviction à l'égard de la société du Faubourg, l'arrêt rendu le 1er avril 2010, entre les parties, par la cour d'appel de Rouen ; remet, en conséquence, sur ce point, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen, autrement composée ;
Condamne la société du Faubourg et la société Rubis aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne la société du Faubourg à payer à la société Rubis la somme de 2 500 euros ; condamne la société Rubis à payer à M. X... la somme de 2 500 euros ; rejette la demande de la société du Faubourg ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize septembre deux mille onze.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Ghestin, avocat aux Conseils pour la société Rubis
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif de ce chef attaqué d'AVOIR débouté la société RUBIS de sa demande en paiement d'une indemnité d'éviction à l'encontre de la SARL DU FAUBOURG ;
AUX MOTIFS QUE le bail commercial conclu le 12 janvier 1998 entre Monsieur et Madame Y..., alors époux, bailleurs, et la société GARANCE, dont la gérante était Madame Y... née A..., preneur, avait prévu, aux conditions particulières « résultant des communautés existant entre les locaux commerciaux et l'appartement restant à la disposition des bailleurs » que les travaux qui devaient permettre l'accès aux étages situés au dessus du magasin soient exécutés par les bailleurs « aux frais exclusifs » du preneur et que ceux-ci soient effectués « à première demande de la société GARANCE » ;
que ces travaux n'ont jamais été réalisés ;
que par application de l'alinéa 2 de l'article L. 145-9 du Code de commerce dans sa rédaction alors en vigueur, le bail commercial de la société RUBIS, venu à expiration le 31 août 2004, s'est poursuivi, à défaut de congé, par tacite reconduction ;
que dans l'acte de vente du 16 décembre 2005 conclu au profit de la SARL DU FAUBOURG, il est expressément mentionné que celle-ci devait percevoir de la société RUBIS les loyers pour les locaux objet du bail commercial dont celle-ci était titulaire ;
que par acte du 30 août 2005, la société RUBIS a sollicité auprès de la SARL DU FAUBOURG le renouvellement de son bail ;
qu'en réplique, dans le délai prévu à l'article L. 145-10 du Code de commerce, par acte signifié le 28 novembre 2005, la SARL DU FAUBOURG a notifié au preneur son refus de voir le bail être renouvelé ;
que par courrier du 30 novembre 2006, à entête du notaire ayant rédigé l'acte de vente, la société RUBIS a été officiellement informée que le local commercial, à l'enseigne GARANCE, qu'elle exploitait ..., avait été vendu à Monsieur Ludovic X..., auprès de qui les loyers devaient désormais être réglés ;
qu'à compter de cette date, ainsi que l'établissent les formules bancaires produites aux débats, alors que les loyers antérieurs avaient été payés par chèques émis à l'ordre de la SARL DU FAUBOURG, en règlement des loyers du dernier trimestre 2006 et du premier trimestre 2007, la société RUBIS a émis des chèques à l'ordre de Monsieur Ludovic X... ;
que sur ce point, Madame Annick Z..., expert-comptable, atteste que pour les périodes postérieures à l'acquisition, les loyers dont les montants sont détaillés dans l'attestation, dus par la société RUBIS, ont été payés à Monsieur Ludovic X... ;
que de même, pour le paiement de sa quote-part de la taxe foncière 2007, lui a été transmis l'avis d'imposition adressé à Monsieur X..., en qualité de propriétaire de l'immeuble objet de la taxe considérée. Après un premier règlement adressé, par erreur, à la SARL DU FAUBOURG, elle a envoyé un second chèque émis à l'ordre de Monsieur Ludovic X... ;
qu'il ne peut donc être soutenu par la société RUBIS que la mutation dont l'immeuble avait fait l'objet, ayant eu pour effet de subroger Monsieur X... dans les droits et actions de l'ancien propriétaire, lui aurait été intentionnellement dissimulée ;
qu'au surplus, pour avoir été elle-même à la fois propriétaire indivise du même immeuble, avant sa cession à la SARL DU FAUBOURG, et gérante de la société RUBIS, qui exploite depuis les années 1990 le même commerce situé au rez-de-chaussée du bâtiment, lequel constitue, pour Monsieur X..., compte tenu de la configuration spécifique des lieux, le seul accès aux étages supérieurs où il a son appartement personnel, Madame A... , commerçant avisée et gérante de société de longue date, informée par courrier du notaire de la vente de tout l'immeuble de la SARL DU FAUBOURG à Monsieur Ludovic BUREL lui-même, à l'ordre duquel elle adressait le règlement de ses loyers, devait nécessairement avoir compris que celui-ci était devenu à la fois propriétaire de l'immeuble et son bailleur ;
que dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2008-776 du 4 août 2008, application au présent litige, le dernier alinéa de l'article L. 145-10 du Code de commerce disposait que « l'acte extrajudiciaire notifiant le refus de renouvellement doit, à peine de nullité, indiquer que le locataire qui entend, soit contester le refus de renouvellement, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit, à peine de forclusion, saisir le Tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date à laquelle est signifié le refus de renouvellement » ;
que le mémoire du 19 septembre 2007 émanant de la société RUBIS « en contestation de refus de renouvellement de bail commercial et subsidiairement en paiement de l'indemnité d'éviction » n'a été notifié qu'à la SARL DU FAUBOURG ;
qu'il en est de même de l'assignation signifiée le 6 novembre suivant ;
qu'à défaut d'avoir donc introduit, avant l'expiration du délai précité, dont le point de départ avait été l'acte signifié le 28 novembre 2005, une action fondée sur les articles L. 145-10, L. 145-14 et L. 145-17 du Code du commerce à l'encontre de Monsieur Ludovic X..., propriétaire de l'immeuble, les prétentions formulées par la société RUBIS à l'encontre de celui-ci ne pouvaient qu'être déclarées irrecevables ;
que la décision du premier juge ayant déclaré irrecevable la demande en paiement d'une indemnité d'éviction à l'encontre de Monsieur X... sera donc confirmée ;
que s'agissant des demandes formulées à l'encontre de la SARL DU FAUBOURG, s'il est établi que la société RUBIS a respecté le délai de deux ans à son égard par l'assignation signifiée le 6 novembre 2007, à cette date, ainsi qu'il a été démontré précédemment, elle ne pouvait ignorer que cette société n'était plus propriétaire de l'immeuble depuis le 30 novembre 2006, ni qu'elle n'était plus son bailleur, Monsieur Ludovic X... étant, par l'effet de la vente, subrogé dans les droits et actions de l'ancien propriétaire ;
qu'or, en regard des dispositions des articles L. 145-10, L. 145-14 et L. 145-17 du Code de commerce, visés dans l'acte introductif d'instance, l'action ne pouvait être engagée qu'à l'encontre du bailleur ;
que c'est donc à tort que le premier juge a fait droit à la demande de la société RUBIS tendant à la condamnation de la SARL DU FAUBOURG au paiement d'une indemnité d'éviction, alors que celle-ci n'était plus son bailleur au jour de l'acte introductif de l'instance ;
que le jugement entrepris sera donc infirmé sur ce point ;
ALORS QUE la vente de l'immeuble ne décharge pas le vendeur de son obligation de payer l'indemnité d'éviction due au locataire auquel il avait délivré, avant la vente, un congé avec refus de renouvellement du bail ; qu'il résulte des constatations de l'arrêt attaqué que, par acte du 28 novembre 2005, la SARL DU FAUBOURG a signifié, avant la vente de l'immeuble, à la société RUBIS un congé avec refus de renouvellement du bail, cette dernière ayant notifié à la SARL DU FAUBOURG son mémoire en paiement de l'indemnité d'éviction le 19 septembre 2007 et l'ayant assignée le 6 novembre 2007 en contestation du congé et en paiement de l'indemnité d'éviction ; qu'en déboutant la société RUBIS de son action en paiement de l'indemnité d'éviction contre la SARL DU FAUBOURG, au motif qu'après la délivrance du congé par cette dernière, l'immeuble avait été vendu, la Cour d'Appel a violé l'article L. 145-14 du Code de Commerce."