© Inconnu
1 milliard de litres. Oui, 1 milliard de litres de pesticides sont pulvérisés chaque année sur les cultures au Brésil, soit 5 litres par habitant, 10% du marché du marché mondial. Chiffre dantesque qui montre bien l’horreur de l’agriculture intensive.
Depuis 2008, le Brésil est le premier consommateur mondial de pesticides, devant les Etats-Unis. Premières victimes, les agriculteurs, victimes d’intoxications et parfois de cancers. Sans compter le nombre de suicides des agriculteurs 2,5 supérieur à la moyenne.
Cette épidémie silencieuse touche tous les pays du Monde dont la France, premier utilisateur européen de pesticides avec près de 75 000 tonnes répandus dans nos champs. Résultat : 80% de nos rivières et 57% des nappes phréatiques sont ainsi polluées par les pesticides. 1 agriculteur sur 6 souffrirait d’effets indésirables liés à l’utilisation de pesticides selon la Mutualité sociale agricole et l ’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) a lié l’apparition de leucémies chez l’enfant à l’utilisation de pesticides dans un rapport datant de 2008. Même à faibles doses, nous sommes tous exposés aux pesticides puisque ces substances se retrouvent directement dans notre assiette : 52% des fruits et légumes dans lesquels nous croquons contiennent des résidus de pesticides, dont 7,6% au-dessus des limites autorisées (LMR)* par la Répressions des fraudes (DGCCRF).
Les laboratoires se régalent. Tant mieux pour eux. Les agriculteurs brésiliens ramassent.
« Maux de tête, vomissements, insomnies, cas de dépressions ou de suicides… Breno Braga connait les symptômes par coeur. Médecin à Nova Friburgo, au Nord de Rio de Janeiro, il ne compte plus le nombre d’agriculteurs victimes d’intoxications aux pesticides qui ont franchi la porte de son cabinet depuis 10 ans. « Dans le cas d’une intoxication aigue, c’est-à-dire l’ingestion d’une quantité excessive de pesticides à un moment donné, le patient peut s’évanouir, avoir une crise de convulsions ou des vomissements. Dans le cas d’une intoxication à plus long terme, ces petites intoxications qui se produisent sans que l’agriculteur ne s’en aperçoive, les symptômes sont plus difficiles à percevoir, ça peut être des cas de dépression, d’insomnie, un amaigrissement et parfois même des cas de cancers », détaille le spécialiste.
Le grand bond
C’est une réalité moins glorieuse du miracle agricole brésilien : avec 1 milliard de litres de pesticides pulvérisés chaque année sur ses cultures, soit 5 litres par habitant, le Brésil est le premier consommateur de pesticides au monde. D’après une étude publiée par l’Agence nationale de vigilance sanitaire (Anvisa), la vente de pesticides sur le territoire national a brassé 7 milliards de dollars en 2010, autrement dit 10% du marché mondial. Résultat d’une politique qui a fait du recours aux substances chimiques une condition nécessaire à l’accomplissement de sa révolution agricole. « Dans les années 70, l’Etat brésilien a publié un décret obligeant les agriculteurs à consacrer une partie de leur crédits agricoles à l’achat de pesticides, sans que ce geste ne s’accompagne de la formation nécessaire au maniement de ces substances potentiellement dangereuses », explique Armando Meyer, directeur de l’Institut d’Etudes en santé publique à l’Université fédérale de Rio.
Le chercheur a réalisé plus d’une dizaine d’études sur les conséquences sur la santé de l’utilisation massive de pesticides. Prenant à témoin la population agricole de la région Serrana, région montagneuse de l’Etat de Rio, elles montrent notamment que les agriculteurs courent 2,5 fois plus le risque de mourir d’un cancer de l’estomac que la population non-agricole de la même région, et sont 2 fois plus sujets aux suicides (7 fois plus comparé à la population de la ville de Rio…). « Les agriculteurs utilisent des quantités excessives de pesticides par méconnaissance et la plupart du temps sans l’équipement de protection adéquat. La responsabilité relève entièrement des autorités, absolument pas des agriculteurs », s’agace le chercheur. Et les inspections sont rares. Chargé de contrôler l’usage de ces substances au sein du département de l’agriculture de l’Etat de Rio, Renato Ferreira observe quantités d’infractions chez les producteurs, de l’absence d’un local adéquat de stockage à l’achat de pesticides interdits par l’agence de vigilance sanitaire ou sans l’attestation d’un agronome comme le veut la loi. Mais le fonctionnaire ne dispose que de 24 professionnels pour contrôler les quelques 100 000 agriculteurs de l’état et la surveillance des points de ventes relève d’une autre entité, encore moins bien pourvue. « Le Ministère de l’agriculture n’a aucune ligne politique s’agissant des pesticides. Avec plus de ressources, il pourrait augmenter le nombre d’inspections, diminuant ainsi la contamination des personnes et de l’environnement », explique-t-il.
Des pesticides interdits ailleurs
Les autorités continuent de fermer les yeux sur cette « épidémie silencieuse », comme le désignent désormais nombre de chercheurs. Le pouvoir de l’agro-industrie est très puissant. La preuve en 2008 lorsque l’Anvisa, organisme chargé d’évaluer le degré de toxicité des pesticides, a établi une liste de 14 produits jugés dangereux afin de les retirer du marché.
« Dès que nous avons rendu publique notre initiative, les industriels du secteur ont intenté une action en justice qui a empêché pendant un an le travail d’analyse », raconte Luiz Claudio Meireles, responsable du département de toxicologie de l’Anvisa.
Depuis 2000, l’Anvisa a réussi à bannir cinq pesticides. Le « metamidofos », utilisé sur les tomates et interdit en Chine en raison de ses effets extrêmement nocifs à la santé, a été retiré du marché en juillet dernier. Le prochain à être banni sera l’endossulphan en juillet 2013. Le produit est déjà interdit dans 62 pays. « Le processus de réévaluation est un processus difficile. La décision d’interdire un produit doit être extrêmement bien fondée pour ne pas offrir un espace à la contestation. Au-delà de ça, nous avons des actions en justice menées par l’industrie pour empêcher la réalisation même des réévaluations », explique Luiz Claudio.
En attendant les résultats, selon l’Association brésilienne de la Santé publique (Abrasco), sur les 50 substances les plus utilisées sur les cultures du pays, 22 sont déjà interdites dans l’Union européenne. »
Mathilde Bonnassieux et Frédérique Zingaro à Rio de Janeiro
Source: Novéthic
En France, la FNATH a obtenu en mai dernier l’inscription de la Maladie de Parkinson au tableau des maladies professionnelles. Et l’origine professionnelle de cette maladie vient d’être reconnue pour l’un des ses adhérents exposé aux pesticides. L‘un de ses adhérents, âgé de 60 ans et exploitant agricole en polyculture, la reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie de Parkinson en raison de l’exposition quotidienne à de multiples pesticides.
Cette reconnaissance est d’autant plus importante qu’elle est l’une des premières au titre du nouveau tableau des maladies professionnelles.
Source: Bioaddict