Si l'écrivain allemand Ernst Jünger (1895-1998) a longtemps été contesté dans son propre pays, sa notoriété n'a jamais été démentie en France, où il apparaît comme l'incarnation du dandy héroïque et raffiné, de l'officier allemand cultivé, francophile et francophone. En 1995, lors de son centième anniversaire, le Président français, François Mitterrand (1916-1996), l'invita à déjeuner au Palais de l'Elysée et souligna que Jünger était resté un "homme libre", cultivant une pensée détachée de tout poncif.
De par sa vénérable longévité, Jünger a été témoin de l'histoire européenne du XXe siècle. Il a participé aux deux guerres mondiales : d'abord engagé en 1913, à l'âge de 18 ans, dans la Légion étrangère, héros de Verdun, récompensé par la plus haute décoration prussienne ; puis comme officier de l'administration militaire d'occupation à Paris, en 1941 au cours de laquelle il fréquente tout ce que la capitale compte alors d'intellectuels et d'artistes, collaborateurs affichés ou non.
10/18, 123 pages
Un jour de décembre, en plein coeur de l'hiver, une barque emporte trois jeunes gens vers la petite île de Godenholm, située au large des côtes scandinaves, où vit le maître des lieux, Schwarzenberg, un vieil homme philosophe, au sourire mystérieux, grand voyageur et sage reclus. Les trois amis sont très différents : Moltner un neurologue, son ami Ejnar archéologue spécialiste de la préhistoire, qu'il a rencontré à la guerre, et la fille Ulma qui connaît Schwarzenberg depuis sa petite enfance. Dans ce pays nordique austère et gris, souvent isolé par les longues nuits d'hiver, l'atmosphère y est étrange. A leur arrivée sur l'île, ils sont introduits auprès du sage qui vit dans une ferme surmontée d'un phare. Entre rêves et enchantements, nos trois personnes sont en quête de vérité sur le sens donné à leur vie, attendant auprès du sage, la fameuse réponse...
Mon avis : publié en 1953, ce court roman est caractéristique de l'oeuvre d'Ernst Jünger. Ecrit après la Seconde guerre mondiale, le style est extrêmement lent, empreint d'une solennité et le récit se déploie avec une élégance presque songeuse, hypnotique. Ici aucune dimension politique mais l'écrivain y célèbre l'homme libre qu'incarne majestueusement Schwarzenberg.