Trop, c’est trop ! Pour ceux qui l’ignoreraient encore Gérard Longuet est un ex-facho - passé si je ne m’abuse par le mouvement d’extrême droite « Occident » - pas même vraiment repenti. Je n’ai ni le temps ni l’envie de retracer son pedigree en matière de déclarations racistes et xénophobes bien que je dispose à son sujet d’une masse d’articles archivés dans mes dossiers qui le prouveraient à l’envie. La dernière en date remontait à la campagne électorale des législatives lorsqu’il prônait un rapprochement de l’UMP et du FN, avec un lapsus fort révélateur puisqu’il affirma « nous, à l’extrême droite »…
J’avais lu il y a déjà longtemps sur sa fiche de Wikipedia que son engagement à l’extrême droite avait pour origine la perte de l’Algérie française en 1962. D’où un antigaullisme des plus virulents et a contrario la sympathie pour l’OAS de sinistre mémoire. Ce qui ne l’empêcha point de compter parmi tous les nombreux amis de jeunesse de même origine fasciste de Nicolas Sarkozy… « Qui se ressemble s’assemble » dit la sagesse populaire.
Rien de bien surprenant donc à ce qu’il eût réagi par un bras d’honneur en assurant avoir voulu s’opposer au "procès de la colonisation" en Algérie (Le Monde 1er nov. 2012). Ce geste, d’une élégance et d’une politesse achevées, ayant eu lieu le 30 octobre sur un plateau de LCP à l’issue d’un débat portant sur le mariage des homosexuels lors de l’émission « Preuve par trois ».
Pris par la patrouille, le Longuet : les caméras qu’il supposait éteintes tournaient encore comme cela se produit bien souvent. Il faudra bien que les politicards s’y fassent : désormais il y aura toujours un enregistrement sonore et/ou vidéo - parfois carrément pirate - pour les confondre et nous donner à voir et entendre ce qu’ils pensent réellement.
C’est moins le geste qui me fera réagir, encore qu’il l’ait justifié sur BFM-TV en affirmant ne rien regretter par « un geste populaire » fait « de bon coeur »… Le peuple ! Ou plutôt l’idée que s’en font ces bourgeois si mal élevés - avec Nicolas Sarkozy parangon de mauvaise éducation « naturelle ». Je n’y reviendrais pas. Je suis assurément d’une autre époque et parce que précisément j’ai vécu au sein de ce petit peuple auquel j’appartiens de toutes les fibres de mon âme et de mon corps, et passé la plus grande partie de mon enfance et ma jeunesse dans un quartier HLM et qu’ensuite ayant été pendant 6 ans infirmière dans une usine, je sais parfaitement que nombre de mes ami(e)s d'école et les ouvrier(e)s que je côtoyais leur eussent donné des leçons de politesse.
Les temps ont radicalement changé et les dirigeants politiques autant que des entreprises donnant le « la » en matière d’impolitesse. « Le poisson pourrissant par la tête » comment voudriez-vous que les jeunes - et les moins jeunes - fussent mieux élevés que ces olibrius ?
Que l’on me permît toutefois de remarquer que l’impolitesse n’est nullement aussi généralisée que l’on tente parfois de nous le faire accroire. Je constate, parmi des proches ou des personnes que je croise au centre-ville de Montmorency quand je fais mes courses de nombreux parents qui inculquent les règles de politesse à leurs enfants.
Je profite également de l’occasion pour remercier toutes les personnes - aussi bien déjà d’un certain âge que jeunes - qui me proposent leur place dans l’autobus quand je reviens lourdement chargée après avoir fait mes courses à Auchan de Soisy-sous-Montmorency et tout particulièrement hier après-midi, mais ce n’est nullement la première fois. Par curiosité, une fois rentrée à la maison j’ai pesé mon sac à dos : 18 kg ! Merci donc à toutes les personnes - plus ou moins âgées mais aussi des jeunes ; « blak-blanc-beur » comme l’ont dit en 1998 de la mythique Equipe de France de football - qui m’ont aidée à monter ou descendre du bus le sac déjà bien lourd que je portais à la main. Je suis déjà suffisamment encombrée par ma canne.
Or donc, Gérard Longuet aurait réagi à la publication d’une dépêche AFP indiquant que « l’Algérie demandait une reconnais-sance franche des crimes perpétrés par le colonialisme français ». Lesquels ont commencé en 1830 lors de la conquête de l’Algérie ce qui lui permet d’affirmer que « Refaire l'histoire, cent quatre vingt deux ans plus tard, ne permet pas d'aller de l'avant. Je souhaite une relation apaisée entre la France et l'Algérie, mais cela paraît impossible si à chaque fois que l'on se rencontre, on refait le procès de la colonisation ».
Tiens donc ! Ne s’agissait-il pas précisément « de réécrire l’Histoire » quand il y a quelques années des députés de l’UMP ont tenté de faire adopter une proposition de loi visant à célébrer rien moins que les « bienfaits de la colonisation » ? Je ne nierais pas que les autorités françaises ont eu à l’égard des populations colonisées une politique autrement constructive que la grande majorité des autres pays colonisateurs, notamment sur le plan de l’éducation scolaire et des infrastructures de santé. C’est du moins mon point de vue. Mais je m’intéresse suffisamment à l’Histoire pour m’insurger contre toute tentative des politiciens de décréter telle ou telle chose en matière d’histoire : c’est le domaine des historiens. D’abord sur le plan des faits, ensuite celui des analyses et critiques qu’ils en tirent. Celles-ci sont suffisamment divergentes pour ne pas éprouver la tentation de légiférer sur ces sujets.
N’en déplaise aux partisans de l’Algérie française et thuriféraires de l’OAS, la guerre d’Algérie fut une sinistre connerie qui de mon avis aurait pu être évitée. Je me suis souventes fois demandé ce qu’il en aurait été si Pierre Mendès-France - qui avait su mettre un terme à la guerre d’Indochine -avait été encore président du Conseil.
Elle a incontestablement marqué mon enfance. Mon père qui y était profondément hostile - il acheta L’Express puis également L’Obser-vateur (pas encore "Nouvel") dès leur parution et je me souviens encore qu’ils étaient imprimés sur du papier journal - en résumait parfaitement les causes par une anecdote : en 1939 ou 1940, alors qu’il s’était engagé de nouveau, un vieux soldat algérien lui dit : « les Français savent venir nous chercher pour faire la guerre mais ensuite, ils refusent de nous donner les mêmes droits ». Considérés comme des citoyens de seconde zone.
Se souvenir que l’ignoble « massacre de Sétif » en 1945 n’eut d’autre cause que la répression d’une manifestation des soldats algériens qui après avoir combattu sous les couleurs de la France libre demandaient le paiement des arriérés de solde à leur retour en Algérie. L’on dira exactement la même chose, s’agissant des tirailleurs sénégalais et de tous les soldats africains dont beaucoup laissèrent leur vie dans les tranchées de 1914-18 et pendant la seconde guerre mondiale.
Comment se fait-il que j’ai conservé un souvenir aussi vivace - que celui de la répression sanglante de la manifestation de 1962 au métro Charonne - des massacres perpétrés à Paris le 17 octobre 1961 (seule la date exacte m’échappait) contre une manifestation pacifique des Algériens alors que Jean-Luc Einaudi eut tellement de difficultés à en rassembler les preuves, c’est tout juste si on ne lui disait pas qu’il affabulait ? Idem au demeurant pour la torture, en n’ayant garde d’oublier le viol des femmes. Sans doute grâce aux publications qui rentraient à la maison et aux discussions entendues à table étais-je mieux informée nonobstant mon jeune âge et parce que je me suis intéressée très jeune à toutes les questions politiques.
Complétées par la suite par des lectures. Je pense notamment aux ouvrages d’Yves Courrière sur le sujet qui m’ont paru objectifs. Car depuis la « Toussaint rouge » du 1er novembre 1954, des atrocités furent commises dans les deux camps. Aux attentats du FLN répondirent ceux de l’OAS, y compris en France après le putsch des généraux - le « quarteron » dixit de Gaulle : Challe, Jouhaud, Salan et Zeller - le 21 avril 1961. La France fut mise sur le pied de guerre car ils menaçaient de l’envahir. Sans les soldats du contingent plutôt rétifs - il leur suffisait déjà d’être mobilisés pendant deux longues années pour cette « sale guerre » qui ne disait même pas son nom : l’on parlait « d’événements » - l’entreprise ne pouvait heureusement qu’être vouée à l’échec.
Toujours est-il que néanmoins le pouvoir rappela les réservistes, dont les pères de quelques unes de mes copines d’école, d’autant qu’à Orléans - 120 km de Paris - il y a la Base aérienne de Bricy qui dut être au moins aussi surveillée que celle de Villacoublay. Vous y ajoutez deux casernes (notamment le « quartier Sonis » dont l’entrée donnait sur le Bd de Châteaudun) et un vaste champ de manœuvre, à la limite d’Ingré. Pour être passée souventes fois en vélo bien plus tard aux abords de ce vaste périmètre, c’était sinistre. L’impression d’être en prison dans des rues uniquement bordées de hauts murs. De cette période me reste également le souvenir d’une grève générale bien suivie, du moins à l’école car l’on nous laissa jouer dans la cour pendant au moins une heure (mais sans nous expliquer pourquoi, heureusement j’étais suffisamment bien informée de la situation).
La réponse au référendum de 1962 sur l’indépendance de l’Algérie ne faisait aucun doute. La grande majorité des Français en avaient plus que marre de cette guerre qui depuis 7 ans lui prenait ses enfants pour au moins deux ans sinon définitivement ou handicapés à vie. Ma mère, qui par son travail rencontrait beaucoup de gens, n’entendait que cela : le fils d’un tel était mort, un autre amputé d’une jambe (voire les deux) parce qu’il avait sauté sur une mine. Deux ans de leur vie de jeune adulte alors qu’ils auraient pu travailler. N’oublions pas que beaucoup de cette génération commencèrent à travailler dès 14 ans. A leur sortie d’apprentissage les patrons refusaient de les embaucher avant qu’ils « n’aient fait l’armée ». Que dire également de tous ceux qui revinrent psychologiquement démolis par ce qu’ils avaient vu ou fait en Algérie ?
L’Algérie aurait-elle pu rester française ? Je ne saurais le dire mais il m’est évident que si les Algériens avaient bénéficié du même statut que les « pieds noirs » les choses auraient été différentes. C’est l’opposition farouche des riches colons exploitant au maximum les ouvriers agricoles algériens qui empêcha irrémédiablement toute solution pacifique, qu’elle consistât dans le maintien de l’Algérie comme département français ou un statut différent. J’ai connu des pieds noirs de condition modeste vivant en bonne intelligence avec leurs voisins algériens dans la Kasbah d’Alger et y seraient bien volontiers restés.
Mais les choses s’étaient envenimées à un tel point qu’ils n’eurent d’autre choix que de trouver dans la débandade la plus totale des bateaux ralliant Marseille : les « rapatriés d’Algérie » qui rencon-trèrent moult difficultés (logement, travail, etc.) à leur retour en métropole. En n’ayant garde d’oublier les Harkis dont beaucoup furent aussi lâchement abandonnés à leur triste sort (exécutions) - et les autres parqués dans des camps en France ! - que par la suite en 1975 les soldats vietnamiens qui avaient combattu aux côtés des Américains.
60 ans après les «Accords d’Evian» la guerre d’Algérie déclenche toujours les mêmes passions épidermiques voire hystériques. Gérard Longuet nous la bâille bien belle en prétendant « souhaiter une relation apaisée entre la France et l’Algérie ». Son geste suffit à témoigner du contraire.
Il n’est donc guère étonnant qu’il se soit attiré ainsi les faveurs de Marine Le Pen : son bras d’honneur lui ayant fait plaisir (Le Monde 5 nov. 2012). On s’en douterait venant de la fille de Jean-Marie Le Pen qui s’illustra en Algérie de sinistre façon.
La reconnaissance par François Hollande de la répression du 17 octobre 1961 qui a déclenché les critiques de la droite (Le Monde 17 oct. 2012) lui fournit l’occasion de laisser éclater une fois de plus son racisme à l’égard des Algériens vivant en France car la multiplication des actes de repentance publique - dont les crimes commis envers les juifs par le gouvernement de Vichy puisque François Hollande avait auparavant reconnu la responsabilité de la police de Vichy dans la Rafle du Vel d’Hiv ? - auraient « une influence sur la manière dont un certain nombre de nouvelles générations de Français d’origine algérienne ont une hostilité maintenant à l’égard de la France, quasiment une haine, et même le sentiment que la France leur doit quelque chose qu’ils viennent d’ailleurs chercher, pour certains, de gré ou de force »…
Idem pour Gilbert Collard qui ne peut plus nier aujourd’hui qu’il a épousé totalement la cause fasciste selon ce que rapporte Geoffroy Clavel sur le Huffington Post Bras d'honneur: Gérard Longuet assume, Gilbert Collard applaudit (1er nov. 2012).
La « sale bête » ! Il n’y va pas avec le dos de la cuiller, non point dans un pot de confiote mais son tas de fumier agrémenté d’un parterre d’étrons : « J'espère que ce bras d'honneur a été tellement amplifié par les médias que ceux qui nous demandent de nous repentir l'ont reçu en pleine figure »… Le pôv c… ! J’aimerais bien lui flanquer une baffe en plein sur sa sale tronche pour lui enlever son éternel sourire de niais satisfait par les saloperies qu’il ne peut s’empêcher d’éructer en permanence.
Drôlement fortiche, le mec : « il applaudirait des deux bras » - jusqu’à présent il me semblait que l’on utilisait plutôt les mains dans cet exercice - tout en « ajoutant son bras d’honneur à celui de M. Longuet ». Utiliser ses deux bras pour applaudir et faire en même temps que pour un bras d'honneur ? Affirmant « en avoir marre de se repentir »…
Quitte à m’attirer une fois de plus une volée de bois vert, je dirais que je n’aime ni les commémorations ni les repentances - serions-nous comptables de ce qui fut commis dans le passé par les dirigeants politiques aussi bien que religieux ? - non plus que toutes les lois dites « mémorielles » et autres « devoirs de mémoire ».
Certainement pas pour les mêmes raisons que Longuet, Marine Le Pen ou Gilbert Collard & consorts. Encore une fois, le législateur n’a pas à se mêler décrire l’Histoire en la gravant dans le marbre d’un texte de loi. Mais encore faudrait-il que l’Education nationale jouât correctement son rôle et je ne peux m’empêcher de constater que plus l’enseignement de l’Histoire est marginalisé, voire carrément sacrifié ! Par ex. en rendant l‘enseignement de l‘Histoire facultatif en Terminale - plus se développe cette commémorite aiguë qui dispense d’apprendre, de réfléchir et de développer l’esprit critique et les connaissances.
Comme je ne veux pas alourdir cet article qui mérite de plus amples développements, je poursuivrais ma réflexions dans l'article suivant Gérard Longuet et son bras d’honneur : le fascisme et l’UM/Poli-tesse chevillée à l’âme (2eme partie)