Si il y a bien un artiste indispensable de notre époque c’est bien Flying Lotus. Until The Quiet Comes, son quatrième album nous arrive comme une claque en pleine face et je ne prendrais aucune pincettes pour exprimer mon ressenti sur cette oeuvre.
Until The Quiet Comes, l’album de la postérité
Ses trois premiers albums dépeignaient une musique ambitieuse, remplie d’allégorie, fouillée et qui le hissait dans le top des producteurs de génie dont on ne comprenait que difficilement la qualité artistique. On profitait, au pire on critiquait mais on n’allait jamais jusqu’à dire que c’était imbuvable ou bien trop recherché pour être génial.
Son dernier album Cosmogramma parlait de l’univers entier, fourmillait de détails et rendait l’immensité du cosmos audible. Dans une interview accordée au magazine Tsugi, Flying Lotus avoue qu’avec Until The Quiet Comes il a voulu « déconstruire, dégraisser, proposer une histoire plus lisible, et plus apaisée aussi ».
Après avoir produit l’album de Thundercat (présent sur 9 morceaux de l’album) et tenté de se remettre en question musicalement et humainement, il s’est lancé dans l’écriture de ce quatrième album. 60 morceaux ont vu le jour au cours de la production, seuls 18 ont été retenus.
Un patrimoine génétique lourd de sens
Avec comme grande tante Alice Coltrane et comme cousin Ravi Coltrane, il est certain qu’un certain poids s’abat sur vos épaules lorsque vous sortez un album. Le poids du patrimoine musical. Son Essential Mix débutait avec Galaxy In Turiya d’Alice Coltrane, preuve que ce patrimoine est ancré en lui. En grandissant avec cette inspiration, il s’est laissé tenter par des études de cinéma qui l’ont aidé à visualiser sa musique, la construire comme une histoire. Comme il le dit si bien : « Aujourd’hui je fais des scénarios sonores, mec. ». Le court-métrage d’introduction à l’album reflète bien son histoire.
Flying Lotus au dessus de tous
Voir Until The Quiet Comes comme un film c’est comprendre le message de FlyLo. La narration d’un Putty Boy Strut nous immerge dans un univers enfantin tandis que See Thru To U en featuring avec Erykah Badu nous fait voyager dans une romance inachevée. Chaque morceau porte une empreinte narrative qui fait que le soucis du détail, la production léchée ou le choix des instruments navigue entre onirisme et aérospatial.
Los Angeles, sa ville natale est pour beaucoup dans son talent. Le beatmaking particulier des natifs de la cité des anges se reflète dans Until The Quiet Comes, comme dans toutes les productions de Flying Lotus d’ailleurs. Conscient que sa musique, aussi intelligente qu’elle soit, n’était pas appréciée à sa juste valeur à cause de la densité ultracréative de son bordel sonore, il est parvenu avec Until The Quiet Comes à sortir un album qui corrige tout ces défauts en ne faisant aucune concession sur son talent.
Beaucoup plus calme, la maturité se fait ressentir après trois albums excellents qui ne l’ont jamais trahi, il dissèque le Hip Hop et le Jazz comme personne sur cet album. Qu’on ne parle pas de Dubstep ou de Drum and Bass ici, le beatmaking ultra inventif de Flying Lotus laisse place à tellement d’influences, de genres, qu’il est difficile de catégoriser cet album.
1983, Los Angeles et Cosmogramma, ses trois premiers albums, sont désormais considérés comme faisant partis de l’ère post-Flying Lotus tant Until The Quiet Comes sort du lot. Une lumière d’évidence se dégage, un sentiment de quiétude et de génie incontestable inonde cet album. Je ne le cache pas, j’ai craqué et je le bouffe chaque jour comme un bol d’air frais pour mes oreilles.
Les featurings ne manquent pas à l’appel et quand Thom Yorke est de la partie on peut se douter que la piste Electric Candyman tournera autour du chanteur de Radiohead. Il n’en est rien. Flying Lotus ne le place pas au dessus des instruments, il incorpore sa voix avec justesse, sans jouer la carte du featuring haut de gamme. Comme une preuve de son instinct aiguisé il se fie à ses tripes et construit ses productions comme un puzzle où chaque note à son importance.
Ne pas négliger l’électronique
En live, l’expérience Flying Lotus est bien différente. Même si avec Layer 3 il tend à harmoniser son dernier album avec ses shows, sur scène il aime intégrer la musique des autres dans son set.
Je me suis toujours posé la question de l’intérêt de recracher sur scène un album tel quel, alors que c’est justement l’occasion d’amener autre chose… L’album, les gens peuvent l’écouter chez eux, surtout le dernier d’ailleurs. En live, je veux qu’ils s’éclatent…
Sur scène FlyLo joue du Noisia, du Radiohead, du Tyler, The Creator, fini par le remix de Crizzly de Hard In Da Paint le tout en intégrant ses 4 albums et ses dizaines et dizaines de remixes. Une expérience énergique bien différente du chef-d’oeuvre Until The Quiet Comes. Mais comme il le dit, « l’expérience doit être différente ». Rares sont ceux qui peuvent l’admettre et le prouver.
Dans un excellent documentaire, Pitchfork a suivi Flying Lotus lors de sa tournée. De quoi vous donner quelques précisions supplémentaires sur le personnage et son live.
Until The Quiet Comes, l’album parfait?
Si l’on se réfère a ses précédentes productions la réponse pour moi est oui. Si l’on se base sur un ensemble plus généraliste, sur le catalogue impressionnant du label Warp, ma réponse reste la même. J’ai été stupéfait de voir l’évolution de Flying Lotus entre Cosmogramma, vieux d’à peine deux ans et Until The Quiet Comes. Cet album s’écoute comme on déguste un bon vin, esquis pour vos oreilles, il ne sera que plus bon avec l’âge. Reste à savoir ce que donnera le futur de l’américain. Continuera t-il dans cet univers aussi parfait où cherchera t-il à se renouveler?
À seulement 29 ans, Flying Lotus fait désormais parti du Panthéon des légendes musicales dont le nom restera à jamais gravé dans nos mémoires. Il était déjà une référence, il est maintenant au dessus de ça. Cet album est l’incarnation parfaite du mélange des genres et de l’intelligence sonore. Until The Quiet Comes reflète, de par son nom, ce que l’on redoute le plus : ne pas être capable de pouvoir entendre quelque chose d’aussi raffiné que ce quatrième opus. Un sans faute!