Réanimation – Cécile Guilbert

Par Theoma

«Je me souviens d'avoir confondu mon grand calme avec mon courage et mon courage avec ma force.»

Ils s'aiment. Ils sont bien. Un matin, une infection rare surgit dans leur histoire. Blaise va à l'hôpital. Blaise doit se faire opérer. Blaise est dans le coma. Elle l'attend.

Cette attente, Cécile Guilbert, nous la raconte avec pudeur et justesse. Elle décortique, dissèque, et parfois analyse les sentiments, les évènements ainsi que les émotions qui se succèdent. L'inquiétante étrangeté du monde hospitalier, l'aseptisation glaçante, l'important qui devient soudainement futile, le vide provoqué par le manque, le dénuement face à l'absence, les pensées asphyxiantes, la tragédie menaçante.

Les mots nous plongent dans une ambiance brumeuse, un labyrinthe anxiogène. Le style est élaboré, l'écriture subtile, parfois romanesque. La narration est mélancolique, élégante, toujours modeste. L'apprivoisement de l'absence et ses paradoxes. Le plaisir culpabilisant de se retrouver à nouveau seule dans son appartement, l'hôpital qui efface toutes les imperfections de l'autre.

Sans pathos et intelligent.

Grasset, 272 pages, 2012

Extrait

« L'hôpital ne fouette pas seulement les sangs, il réanime aussi l'amour. S'il a décrit à merveille ses prémices et sa cristallisation, Stendhal a oublié de dire que l'idéalisation de l'être aimé fonctionne aussi à fond sitôt qu'il est malade ou en danger. Ses qualités augmentent, ses défauts s'estompent, menus travers et tout ce qui agaçait disparaissent. Blaise était naguère colérique et jaloux, sensible mais parfois dépourvu de tact, mal élevé voire grossier ? Non seulement doux comme un agneau et sage comme une image, le voici désormais paré de toutes les vertus cardinales et théologales, un vrai Jésus, un ange, une merveille, un crack ! »