Amanda (Fucking) Palmer, La Maroquinerie sans voix
Il y a du retard. Mais vous savez peut-être, je suis pas un rapide. La semaine dernière, le vendredi 2 novembre exactement, j’ai quand même vécu quelque chose d’exceptionnel (façon de parler, ma forme ectoplasmique m’empêche certainement, sur le plan théorique du moins, de « vivre » pleinement). Je suis allé voir l’unique, la divine, la magnifique, la superbe Amanda Fucking Palmer accompagnée de son non moins unique, divin, magnifique et superbe Grand Theft Orchestra (je dois maintenant avouer mon faible pour Michael McQuilken, le batteur), pour une soirée explosive dans le cadre lilliputien de La Maroquinerie, concert complet depuis pas mal de temps déjà (ce que mon très cher hôte, Nathanaël, regrette amèrement, même s’il pourra se consoler le 4 Mars prochain à La Cigale, à condition bien sûr que, cette fois, il s’y prenne à temps). Celle qui se surnomme « AFP » venait défendre sur scène son dernier album : Theatre Is Evil. Signe particulier de ce concert hors-norme ? Amanda (Fucking) Palmer avait perdu sa voix.
photo Laure-anne pour Popingays
Perdu sa voix. C’est ce que l’on apprend quand elle débarque sur scène avec de grandes pancartes peintes sur lesquelles est inscrit un petit discours (que vous pourrez apercevoir dans la vidéo en fin d’article) en Français, presque sans faute, et parsemé de « putain » retentissant de drôlerie. Elle vient présenter la première première partie, son bassiste Jherek Bischoff, dont le set cinglant est comme une claque dans la gueule (seulement armé de différents instruments à corde et de quatre musiciens rencontrés trois heures plus tôt à Paris, ce virtuose et compositeur exceptionnel a littéralement fait trembler les murs de la salle), puis annoncer la deuxième première partie : son guitariste Chad Raines accompagné de son groupe The Simple Pleasure, pour un set tout aussi bref et tout aussi cinglant.
Un petit entracte. On se demande tous un peu comment Amanda Palmer va surmonter son extinction de voix. Mais on est assez vite rassurés. Les lumières s’éteignent, les musiciens s’installent, et A Grand Theft Intermission se fait entendre, rugissante introduction instrumentale avant que Smile (Pictures Or It Didn’t Happen) retentisse, chanté par Chad Raines et le public. Et on souffle. Il est clair que l’on n’aura pas droit à un concert poussif du genre Whitney Houston fin de vie. Amanda (Fucking) Palmer, sur scène, lance des pancartes sur lesquelles sont écrites les paroles de la chanson. Une sorte de super karaoké déjanté. Vient ensuite le tour de The Killing Type (je dois l’avouer, probablement mon titre préféré sur l’album), chanté à l’aide d’un vocodeur surpuissant et toujours en super karaoké avec cette fois les paroles en Anglais d’un côté et en Français de l’autre.
Evidemment, ce n’est pas la seule pirouette que la géniale Amanda aura trouvé pour palier à une sévère bronchite. Poussant sur la voix, parfois, elle réinterprétera toutes les chansons afin de les faire coller à sa « nouvelle » voix, et ça marche ! D’un Missed Me fiévreux (où le groupe changera d’instrument quatre ou cinq fois, Amanda se retrouvant tour à tour à son piano, à la basse, à la batterie) à un Astronaut envoûtant, sa faible voix trouvera sa place dans un spectacle pas vraiment comme les autres.
photo Benoit Rony
Amanda (Fucking) Palmer, c’est aussi une relation toute particulière avec son public. Aussi la raison pour laquelle, tout près d’annuler son concert, elle décide d’en faire un spectacle unique et vivant, malgré la fièvre, sa voix, et qu’elle soit bourrée de médocs. Sur Twitter, elle a donc demandé de l’aide. Pour faire les pancartes du super-karaoké ? Les volontaires ont afflué. Pour chanter sur scène une ou deux chansons ? Tout le monde trouvait ça super génial, mais évidemment, aucun volontaire. Alors au moment de demander si quelqu’un voulait chanter avec elle sur scène (enfin, disons, accompagné par elle au piano, puis au ukulélé), des bras timides se sont levé. Une jeune fille au maquillage improbable monte sur scène pour chanter Sing des Dresden Dolls (le premier groupe d’Amanda). Et surprise : elle chante super bien. Suivie ensuite d’une étudiante Américaine pour In My Mind accompagné du ukulélé culte d’Amanda.
La fin arrive peu à peu. Et c’est avec un explosif Leeds United (sur l’album Who Killed Amanda Palmer ?) que la chanteuse et son groupe décident d’achever un public sidéré. Explosion d’émotion, de joie, de jouissance pure, explosion de son et de musique, ce dernier titre a fait exploser La Maroquinerie par son énergie surpuissante et une Amanda Palmer sautant dans le public tout sourire. Un moment de pure joie qui nous rappelle ce que la musique doit être: la vie.
Pour un ultime titre en rappel, nous aurons droit à Amanda Palmer chantant du fond de la salle Want It Back dans un mégaphone avec son groupe et le public (taper des pieds, des mains, taper sur son voisin, oui, oui, c’est de la musique, aussi).
Alors évidemment, quand je raconte que j’ai été super content de voir un concert où la chanteuse n’a plus de voix, on se moque un peu. Mais merde, quelle claque ! Un direct du droit. Dans une salle évidemment trop petite pour elle (mais tellement intimiste que pas une seconde on ne regrette de la voir dans ce cadre unique), elle est la seule chanteuse à pouvoir faire un concert exceptionnel de 2 heures sans voix. Et de nous laisser, à notre tour, sans voix, étourdi par cette magie que la Divine, Unique, Magnifique, Superbe Amanda (Fucking) Palmer laisse derrière elle à chacun de ses pas.
Sincères Condoléances
Le site d’Amanda Fucking Palmer est là
Le groupe de Chad Raines et son groupe est ici.
La site du groupe de Michael McQuilken est là.
CONCERT à La Cigale le 4 Mars à 19h30, 29€, réservations en ligne déjà ouvertes.
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Bonus vidéo : Amanda Fucking Palmer and the Grand Theft Orchestra karaoke sing-along in Paris