L’Allemagne doit avoir décidé d’avoir la peau des Grecs. Solution finale : comment se débarrasser des salauds de pauvres ? Les multinationales en général et celle du secteur pharmaceutique en particulier n’ont jamais brillé par leur philanthropie, bien au contraire ! C’est dire que je ne fus nullement surprise mais fort indignée en découvrant ce titre sur la Une du Monde Merck punit les hôpitaux grecs pour cause d’impayés (3 nov. 2012).
Se souvenir entre autres épisodes sordides la lutte que les multinationales de la pharmacie menèrent contre la fabrication de médicaments génériques pour le traitement du Sida voulue par le Brésil et l’Inde afin de rendre la tri-thérapie financièrement accessible aux populations des pays les plus pauvres. Dont l’Afrique. Selon un documentaire vu il y a déjà fort longtemps lors d’une soirée Théma, Il y eut même une tentative d’assassinat ! C’est dire leur peu de scrupules.
Un autre reportage vu à la suite indiquait que la fabrication du seul médicament efficace dans une redoutable affection touchant essentiellement des malades africains - nécrose musculaire - était stoppée car il ne concernait qu’un nombre trop faible de patients pour être suffisamment rentable, et qu’il eût fallu pouvoir en étendre les indications aux soins cométiques des patientes occidentales…
Je serais sans nul doute très sévère mais il y a belle heurette que les multinationales pharmaceutiques ne cherchent plus réellement des molécules destinée à guérir des affections mais des médicaments dits « blockbuster » générant le maximum de profits en peu de temps : au moins 1 milliard de dollars par an, sinon rien.
D’où la nécessité d’étendre les indications à moult affections, de faire prolonger la prise des médicaments bien au-delà du raisonnable (on l’a vu notamment au sujet d’un anti-inflammatoire - qui provoqua des morts - lors même que selon une rhumatologue que je connais, quelques jours sont suffisants dans la grande majorité des cas). Comment s’étonner de surcroît que pour nombre de médicaments responsables d’effets secondaires parfois gravissimes, les essais thérapeutiques préalables aux autorisations de mise sur le marché aient été souvent biaisés - sinon bidonnés - et leurs effets secondaires passés sous silence ou minorés ?
Or, c’est une vérité d’évidence connue de longue date par quiconque s’intéresse peu ou prou à la pharmacologie que n’importe quel médicament produit des effets secondaires sur l’organisme, sauf à être un pur placebo sans autre intérêt que produire du cash pour le laboratoire qui le fabrique. Il ne s’agit donc pas d’interdire tous les médicaments susceptibles d’avoir des effets secondaires mais de peser les avantages et inconvénients - pour chaque patient car il n’en est aucun qui réagisse de la même façon : l’on devrait traiter le malade plutôt qu’une maladie - afin de déterminer si le bénéfice thérapeutique est supérieur aux risques.
Or donc, Merck refuse désormais de livrer son médicament contre le cancer Erbitux aux hôpitaux publics grecs en raison de factures impayées, comme l’a déclaré Matthias Zachert, son directeur financier : « Cela n'affecte que la Grèce, où nous avons été confrontés à de nombreux problèmes. Cela ne concerne que ce produit ».
Quid de l’avenir des patients grecs qui jusqu’ici bénéficiaient de ce traitement ? La réponse d’un porte parole du groupe témoigne à l’envi de leur parfait cynisme : « Les Grecs pourront toujours se procurer l'Erbitux dans les pharmacies »… Avec quel argent ? Lorsque jour après jour l’on apprend que la misère s’y généralise dans la grande majorité de la population : chômage et diminutions drastiques des salaires et pensions de retraite.
Anne Rosencher a parfaitement raison de titrer Le déshonneur du laboratoire Merck (Marianne 6 nov. 2012) mettant en exergue les sourires affiches sur le site consacré à son anticancéreux Erbitux :
« Sourires émus des patients (?) reconnaissants d’avoir été guéris (…) sourires thaumaturges de chercheurs satisfaits d’avoir mis au point une molécule utile (…) bref, un déploiement de zygomatiques destinés à exhaler "le capitalisme à visage humain" ( ! ?) où la somme des intérêts particuliers converge à faire triompher l’intérêt général »…
Mais comme elle le précise à juste titre : « La santé des patients, bien sûr. Mais aussi, les bénéfices – c’est bien normal – du groupe Merck, qui a réalisé en 2011 une marge brute de 7,5 milliards d’euros ».
Les patients grecs qui en sont désormais privés seront certai-nement ravis d’apprendre que l’anticancéreux Erbitux est le deuxième le plus vendu des médicaments sur ordonnance par Merck et qu’il a généré un chiffre d’affaires de 855 millions d’euros en 2011 (en hausse de 4,3 % par rapport à 2010) et « contribué à hauteur de 15 % aux ventes de Merck Serono - la filiale (basée en Suisse) qui le produit, laquelle a dégagé une trésorerie de 1,2 milliards d’euros, en hausse de 14 %… Bien évidemment insuffisant pour éponger quelques retards de paiement ».
Elle fustige en des termes que je ne saurais renier « Les thuriféraires du capitalisme darwinien selon lesquels le marché s’ajuste pour le mieux en fonction de l’offre, de la demande et des clients qui paient leurs factures. Que dans son fonctionnement, le marché n’est pas immoral : qu’il est amoral »… Comme elle, je ne vois guère de différence entre ces deux préfixes.
Une telle décision est bien évidemment honteuse sur le plan moral, d’autant que je vous donne en mille le slogan de Merck Sorano trouvé sur Wikipedia : « S’engager pour la science, s’engager pour la vie »… et surtout engranger beaucoup de pépètes, hein ?