Le théâtre de cet auteur américain fut importé par l'inoubliable Laurent Terzieff dans les années 60. "Le Tigre", "Les Dactylos", "Le Regard", ou le célébrissime "Love" (repris par Chesnais, Karmann et Cottençon il y a une dizaine d'années) vous disent probablement quelque-chose. Ses pièces, souvent d'élégantes et redoutables comédies noires teintées d'absurde, grinçantes, profondément et cruellement humaines sont de petits bijoux dont il est parfois difficile de restituer sur un plateau toute la cocasserie et la subtilité, l'alchimie entre les deux se révélant complexe. "Le Ministre Japonais du Commerce Extérieur", oeuvre inédite en France présentée au Théâtre 13, n'échappe pas à cette règle et Stéphane Valensi, traducteur metteur en scène dont les intentions sont justes et pertinentes, ne parvient que partiellement à en dévoiler les nuances .
Deux mots de l'argument. Librement inspirée du "Révizor" de Gogol, que Murray Schisgal adule, la pièce nous convie chez le maire d'une bourgade du New Jersey où, en compagnie de ses adjoints, de son épouse et de sa fille, il attend la visite du ministre japonais du commerce extérieur. Tous se réjouissent des retombées certaines de cette rencontre sur leur petite personne et rêvent d'affaires fructueuses... Mais ceux que l'on a chargés d'accueillir la délégation asiatique vont la confondre avec deux acteurs de "Miss Saïgon" (grimés et costumés), croisés par hasard, qui loin de les détromper profiteront et abuseront du malentendu vingt quatre heures durant avant de s'enfuir, laissant leurs hôtes dans une désillusion inexpliquée.
L'histoire est excellente. La galerie de personnages imaginée par Schisgal fabuleuse. A la fois hauts en couleurs, pleins de failles et pathétiques (maire avide et suffisant, épouse exhubérante, juge alcoolique, flic réac, comédien profiteur et manipulateur...). Les situations savoureuses, les dialogues brillants. Malheureusement, dans la proposition qui nous est faite, deux problèmes majeurs nous empêchent d'apprécier totalement ce script .
Le premier est qu'à ne surtout pas vouloir tomber dans le vaudeville (et il a raison), Stéphane Valensi bascule dans l'excès inverse et fige la représentation dans une assez pénible léthargie qui envahit acteurs et spectateurs. L'ensemble manque cruellement de rythme et les deux heures que dure la pièce pèsent leur poids, nuisant à son indéniable force comique... Nous le regrettons d'autant plus que le climat général est plutôt bien trouvé. La dernière scène nous emporte d'ailleurs totalement.
Plus ennuyeux encore, si en tête de distribution Marc Berman (le maire) est quasiment irréprochable, certains de ses collègues laissent leur personnage à l'état d'ébauche (réussie, certes, mais les fils ne sont pas tirés) quand d'autres font preuve d'une justesse somme toute relative... Vraiment dommage.
Un travail inégal donc, mais pas sans qualité, qu'il vous sera possible de découvrir, ne serait-ce que pour l'auteur, jusqu'au 16 décembre.
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Photos : Arnaud Regnier-Loilier