Faire croire à une collusion entre droite et extrême droite, pourtant beaucoup moins avérée que celle qui lie la gauche à l’extrême-gauche.
Par Marc Crapez.
Destiné à culpabiliser la droite, le terrorisme intellectuel a plus d’un tour dans son sac. Son leitmotiv affirme une collusion entre la droite et l'extrême droite. La droite serait une extrême droite qui s’ignore, une extrême droite en puissance, un danger potentiel car, livrée à elle-même, elle oscillerait à son insu du côté de l’extrême droite.
Les journalistes brossent des portraits démonologiques de Patrick Buisson. Mauvais génie de Sarkozy, il symbolise une école buissonnière de la droite, condamnée à trahir Marianne par de la contrebande d’idées maudites. L’extrême droite serait la seconde nature ou la vraie nature de la droite. Comme par magie noire.
De là, toute une série de notions connotées suggérant l’idée d’une proximité entre la droite et l’extrême droite (« droitisation », « droite dure », « droite extrême », « extrémisme de droite »), assorties d’expressions anxiogènes (glissement, dérive, virage, chasse sur les terres, braconne sur les thèmes, court après les thèses, fait le jeu, rompt les digues).
Ayrault défend son passé de sympathisant trotskiste
Nombre d’hommes politiques de gauche ayant fait leurs classes à l’extrême gauche, cette accusation de collusion permet à la fois de troubler l’adversaire et de se dédouaner soi-même. Si l’extrême droite est à deux doigts de phagociter la droite, alors l’extrême-gauche devient moins gênante, moins encombrante, moins voyante, presque utile à la cause. C’est logique.
Lorsque le Premier ministre Jean-Marc Ayrault déclare que la droite perd ses « défenses immunitaires » devant l’extrême droite, il n’est pas seulement un politicien qui utilise une métaphore virologique, forgée par des idéologues extrémistes. C’est aussi un ex-militant de 68 qui défend son passé de sympathisant trotskiste. Ce meneur de manifs lycéennes fut recruté au PS par Jean Poperen, celui qui forgea la formule sectaire « Rocard d’Estaing ».
Il est faux de dire que le parti socialiste est l’otage de l’extrême gauche. Mais pour un Manuel Valls, venu à gauche par le versant de la social-démocratie, attiré par le réformisme, le républicanisme et Rocard, combien d’autres sont venus au parti socialiste par des causes exclusives ou radicales. Au gouvernement, les sectaires (Montebourg, Peillon, Taubira, Vallaud-Belkacem) sont plus bruyants que les compétents (Bricq, Fabius, Sapin).
La thématique de la collusion justifie les alliances de la gauche en même temps qu’elle dé-légitime la droite. Non seulement on insinue que la frontière entre droite et extrême droite est poreuse, mais on la déplace artificiellement vers le centre. Cela réduit l’espace et l’oxygène de la droite. Cela repousse sans cesse les limites du périmètre de ce qu’il est licite de dire. Cela décrète d’extrême droite le constat de certains problèmes ou le diagnostic de certaines difficultés traditionnellement posés par les courants gaullistes, libéraux et conservateurs. En somme, la droite est amputée de trois de ses quatre composantes, seule la sensibilité centriste étant tolérée.
D’aucuns se présentent comme héroïquement hostiles à des alliances de la droite avec le Front national, alors que personne ne les préconise. Comme le souligne Brice Couturier : « Les médias de gauche peuvent bien faire semblant de croire à l’existence, au sein de l’UMP, d’une forte tentation d’alliance avec le Front national ; en réalité, elle n’existe nulle part ».
Le débat ne porte donc pas sur la question d’alliances avec le FN. Il est interne à la droite qui, par définition, ne souhaite pas s’allier avec l’extrême-droite. Il oppose les chiraquo-centristes à ceux qui, de Philippe Séguin à Nicolas Sarkozy, ont assumé une partie de l’héritage gaulliste, conservateur et libéral de la droite. Les premiers veulent, toutes affaires cessantes, se voir décerner des brevets de belles âmes antifascistes. Les seconds, au contraire, froissent la susceptibilité de la gauche.
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