1949, Joseph Joanovici comparait devant un tribunal. On lui reproche son enrichissement pendant l’occupation. Pourtant Joseph a d’autres raisons d’avoir peur…
Scénario de Fabien Nury,et dessin de Sylvain Vallée, Public conseillé : Adulte, adolescent, homme ou femme
Style : Polar
Paru chez Glenat, le 14 Novembre 2012
L’histoire
Le rideau tombe pour Joanovici. Juillet 1949. Apres l’ascension irrésistible de ce ferrailleur devenu millionnaire dans la France occupée, l’heure des comptes a sonné. Son ennemis de toujours, le juge Legentil le traine devant les tribunaux. Mais c’est mal connaitre le système de Mr Joseph. A force de pirouettes et de moyens officieux (pot de vin ou passage à tabac, c’est selon), le vent tourne toujours en sa faveur. Du fond de sa cellule, Joanovici influence son petit monde, et se dirige vers un acquittement. Enfin, jusqu’à ce qu’un juré parle de l’affaire Scaffa. Le scandale de cette sordide affaire de meurtre éclabousse Joseph et le précipite sous les verrous, sous l’oeil ravi de Legentil.
Une fois l’orage passé, Joseph négocie avec l’état français une révision de sa peine contre une somme gigantesque. Assigné à résidence dans une lointaine province, Joseph se remet dans les affaires en faisant jouer son réseau à plein régime. Sous couvert d’un ferrailleur local, et avec l’aide précieuse de Lucie, il s’enrichit de nouveau pour payer ses dettes. Bientôt son passé trouble le rattrape…
Ce que j’en pense
Fabien Nury et Sylvain Vallée finissent donc leur grande saga consacrée à Joseph Joanovici. Comme le titre de la série le laissait supposer *(quel instinct !), ce duo d’auteur a construit une des plus belles séries de cette décennie. Sans jamais tomber dans la facilité, Nury et Vallée ont réussi un beau coup de poker. En choisissant des thèmes difficiles (trahison, désespoir, vengeance…) ils ont trouvé un succès mérité, autant acclamé par la presse (meilleure série, Angoulême 2012), que suivi le public. Et ce n’est pas un hasard ! Dans il était une fois en France, Nury traite de tragédies familiales. Ces questions humaines portent en elles plus de force émotionnelles que n’importe quelles séquences spectaculaires. Son histoire nous angoisse, nous fait pleurer, nous fait rire, nous émeut…et nous captive.
Joseph avant tout
“Il était une fois en France” n’est pas l’histoire de l’occupation (qui occupe 3 des 6 tomes). Centrée sur Joseph Joanovici, c’est une histoire vraie, que Nury a choisi de raconter. S’interdisant les pures inventions, il s’autorise des raccourcis pour simplifier une réalité trop riche et trop complexe. Avec un haut niveau d’exactitude, mais pas une histoire exacte, Nury construit sa “fiction historique” tout en demi-teinte. Sans manichéisme, il nous raconte une histoire d’homme, sans jamais orienter le récit à sa charge ou à sa décharge. C’est au lecteur de se faire son avis sur cet homme complexe, capable des plus beaux gestes comme des pires atrocités.
Un destin tout simplement exceptionnel
Prévu à l’origine en 6 tomes (car c’est une histoire vraie dont la fin est connue), Nury et Vallée finissent de nous raconter une petite histoire du crime en France. A travers Joseph, formidable vecteur de l’occupation allemande, Ils traitent tout un pan de notre imaginaire collectif. La guerre, l’occupation, la résistance, la collaboration, Joanovici a connu et traversé tout cela. C’est un personnage réel, un protagoniste formidable, au cœur de notre histoire.
L’album commence en 1949 et couvre 15 ans de la vie de Joseph (jusqu’à sa mort). C’est un coup d’accélérateur inédit pour la série, et un challenge. Pour crédibiliser cette durée, Nury et Vallée font vieillir leur personnages, sur le plan affectif, psychologique, et physique. S’attachant à la réalité, ils font “exister” et ressentir leurs personnages.
Un titre d’album étonnant
La terre promise, c’est Israel, bien entendu. Joseph s’y sauve, pensant fuir son passé et ses problèmes. Mais ce paradis, il en est privé. Cette “histoire ratée” n’occupe que 3 pages dans l’album, et pourtant elle est symptomatique du personnage. Jamais à sa place, toujours en train de fuir, Joseph est un “juif hérant” moderne. Vecteur géographique, son trajet est incroyable, fascinant.
Un travail d’orfèvre collaboratif et rare
Nury et vallée ont en commun un sens aigu du découpage, fondé sur la complicité et le professionnalisme. Le scénario intégral et découpé que livre Nury, donne à Vallée une vision globale de l’histoire, avec sa “musique”. Son droit de regard sur la mise en scène leur permettent de confronter leurs points de vue et de finaliser le découpage ensemble. Le résultat est magnifique : La lecture est limpide, fluide. Les dialogues et silences tombent dans un parfait timing. Avec sa maitrise de l’espace et de la narration visuelle (cinéma), Vallée joue de tout les artifices de caméra (plongée ou contre plongée) pour “écraser” ou “perdre” ses personnages dans les cases. Son dessin réaliste, quoique exagéré est “expressionniste”. Il peint les émotions, et les traduit sur les visages.
Pour résumer
Venez découvrir la fin de Joanovici. Avec ce dernier tome, Fabien Nury et Sylvain Vallée nous régalent de son histoire incroyable, mais vraie. Si parfaitement racontée et dessinée, “La Terre promise” se lit, se regarde et se ressent.
* le titre est en référence aux grands films de Sergio Leone : “Il était une fois dans l’Ouest” et “Il était une fois en Amérique. 2 films fleuves et flamboyants. Pour les auteurs, c’est “avec le recul, le meilleur titre que la série méritait”.