La commission sur la moralisation de la vie politique rend son rapport aujourd’hui. Un travail inutile et en trompe-l’œil.
Par Marc Crapez.
François Hollande a placé son quinquennat sous le signe d’une exemplarité en rupture avec une forme de corruption antérieure. En mai, il déclarait au Journal du dimanche : « Je n’aurai pas autour de moi à l’Élysée des personnes jugées et condamnées... Vous pourrez me rappeler cette déclaration si je venais à y manquer ».
Dommage que son Premier ministre ait été condamné à six mois avec sursis pour favoritisme et que sa ministre de la Justice ait été condamnée par les Prud’hommes pour licenciement abusif. Rien de bien méchant, mais cela contraste avec la prétention d’être irréprochable.
Regrettable aussi que, du temps où Hollande était Premier secrétaire du PS, il n’ait rien remarqué du côté des fédérations Rhône-Alpes et Nord-Pas-de-Calais. En juillet dernier, son annonce d’une commission Jospin sur la « déontologie de la vie publique » coïncida avec la réintégration discrète, au sein du groupe socialiste à l’Assemblée, de la députée Sylvie Andrieux renvoyée en correctionnelle pour détournement de fonds.
Cette annonce coïncida, en outre, avec l’échec de la proposition d’un député centriste de fiscaliser dans le revenu imposable des députés la part non consommée de leur indemnité de frais de mandat. Fournir des notes de frais ? Atteinte à la vie privée ! Une fois de plus, les élites s’octroient des privilèges en brandissant la menace d’un pseudo-risque de violation des libertés fondamentales et en faisant tomber dans ce panneau nombre de libertaires de gauche et de libéraux de droite.
Les commentateurs ont salué à l’unisson le nom de Lionel Jospin comme garantie de probité. Faut-il, pour autant, oublier qu’il utilisa Matignon comme porte-avion politique, embarquant pléthore de collaborateurs et conseillers avec un record de primes de cabinet et fonds spéciaux ? Oublier qu’il fêta l’anniversaire de sa maman au pavillon de la Lanterne avec les deniers publics ? Oublier, en somme, « la facilité avec laquelle Lionel Jospin, en dépit d’apparences austères, s’est habitué aux ors et au confort de la République » (Vincent Nouzille, L’Express, 02/11/2000) ?
La commission sur la moralisation de la vie politique rend son rapport aujourd’hui. Un travail inutile puisque la gabegie de l’État fut déjà passée en revue par la commission Balladur. De plus, la commissionnite aigüe est, précisément, l’un des maux dont souffre la France. Cette manie, que le monde entier ne nous envie pas, sert à dilapider des deniers publics et, selon la formule de Clemenceau, à « enterrer » les problèmes.
Cette commission a communiqué en se présentant comme composée de bénévoles. Un journaliste préconisa même, à ce sujet, de censurer les « dérives du web ». Mais, outre les frais de transports et autres agapes, il faut compter les frais de détachement de membres qui, pendant ce temps, seront rétribués par leur corps d’origine sans le servir, compter aussi les fonctionnaires qui, en amont, travaillent à la paperasserie de ces détachements puis ceux qui, en aval, rédigeront des notes de synthèse destinées à une foule de petits roitelets qui auront à connaître des résultats de ladite commission. Bref, c’est une scorie supplémentaire à digérer par l’immense chaudière administrative où la fonction crée l’organe.
Enfin, les audaces de cette commission seront mises sous le boisseau et aucun des membres ne tapera du pied dans la fourmilière car leur prébende leur vient d’une notoriété de consensus plus que de l’avantage comparatif d’une compétence soupesée. On est très très loin du vœu du G20 d’avril 2009 souhaitant des dirigeants d’organismes publics « nommés par un processus de sélection ouvert, transparent et basé sur le mérite ».
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