Version enrichie de mon édito pour Médiavox hier
La publication du rapport sur la compétitivité de l’industrie française, publié par Louis Gallois et déjà évoqué par mes camarades blogchéviks, m’amène à revenir sur les rapports entre politique et économie. L’économie est l’activité humaine qui consiste en la production, la distribution, l’échange et la consommation de biens et de marchandises. Dans une acceptation plus récente, ce serait cette « science » qui étudie les rapports d’échange entre les êtres humains.
En fait, l’économie, dans la société moderne, est pervertie, comme le souligne Jacques Généreux. Elle a désormais pour objet d’organiser la rareté d’une ou plusieurs marchandises pour en tirer un profit personnel. Une partie va échanger tel bien contre tel autre, le but étant que cet échange soit le plus profitable, in fine, à la dite partie. C’est cela l’économie. Je vais m’en référer au « bon sens populaire » qui montre bien que la rareté est à sa base : « fonctionner à l’économie » signifie faire avec peu. « Faire des économies », c’est se priver momentanément dans l’espoir que cela serve plus tard.
Mais pourquoi organiser la rareté ? La maîtrise d’un bien ou d’un service rare est source de profit : plus c’est rare, plus c’est profitable. Mais, surtout, la maîtrise d’une marchandise rare est source de pouvoir. Or, le pouvoir reste encore la base de la relation entre les êtres humains. Son organisation fait l’objet d’une autre « science » : la politique. Je proclame donc que l’économie n’existe pas en tant que telle. L’économie, c’est la politique continuée par d’autres moyens, singulièrement dans le système politique connu sous le nom de capitalisme. Oui, je détourne le propos du stratège allemand Clausevitz qui écrivait, en son temps : «La guerre, c’est la politique continuée par d’autres moyens ».
Le fameux rapport Gallois en constitue une belle illustration. En transférant 20 milliards supplémentaires d’euros du travail vers le capital, il admet autant qu’il entérine la domination politique de l’oligarchie sur les travailleurs. Oui, il s’agit bien d’un transfert du travail vers le capital qui s’opère sous couvert de baisses d’impôts et de cotisations sociales part employeur. Qu’est-ce donc que cette part de cotisation versée par l’entreprise ? Sa participation au financement de la Sécurité sociale, de l’assurance chômage, des pensions de retraite, des allocations familiales.
Bref, ce que l’on appelle en bon français le salaire différé, celui qui explique qu’en France un salarié perçoit moins que son homologue allemand dans l’instant mais plus quand il est en recherche d’emploi ou à la retraite. Ce transfert est complété par le fait que ce que ne paieront pas les patrons le sera par tout le monde au travers de la hausse de la TVA. Et quand je dis « par tout le monde », j’inclue les plus pauvres, les plus fragiles, les plus en besoin d’entre-nous.
De gauche à droite : Eric Coquerel, Philippe Juraver, Laurent Abrahams et Belaïde Beddredine (conseiller général PCF de Montreuil
Le compromis social bâti à la sortie de la guerre et durant la période de croissance connue sous le nom de « 30 glorieuses » est totalement remis en cause. C’est donc la sanction d’un rapport de forces politiques à un moment donné. Le capital reprend ce qu’il estime être sien en partant du constat que le travail, dans un pays qui compte plus de 3 millions de chômeurs, n’est plus un service rare. Il peut donc, à loisir, déséquilibrer à son propre profit la balance dans la redistribution des richesses. J’en ai encore eu l’illustration jeudi 8 novembre au matin, à Bobigny, où j’ai retrouvé les salariés de PSA Aulnay venus soutenir leurs délégués en négociation avec l’Etat et la direction du groupe.
Le rapport Gallois et les mesures annoncées par le gouvernement scellent la victoire politique de l’oligarchie. Ce que la droite n’avait su faire, le parti socialiste au pouvoir le réalise. Reste que cette victoire suscite d’ores et déjà des réactions et contre-réactions violentes sinon en France tout au moins dans les pays voisins.
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Bonus vidéo : Alec Empire « New World Order »