A propos d’Une famille respectable (Yek Khanévadéh-e Mohtaram) de Massoud Bakhshi
Une famille respectable est un polar tendu au style que l’on pourrait qualifier de « réaliste » (lenteur de la mise en scène et d’une action filmée pratiquement en temps réel), héritage sans doute de la longue expérience de documentariste de son réalisateur. Entrecoupé d’images d’archives de la Guerre Iran-Irak (1980-1988), le premier long métrage de l’Iranien Massoud Bakhshi raconte le retour au pays et dans sa ville d’origine d’Arash, un professeur d’Histoire à l’Université qui a dû fuir l’Iran et la guerre à 15 ans pour se réfugier en France. 22 ans plus tard, invité par son demi-frère à donner des cours pendant quelques mois à l’Université de Chiraz, c’est-à-dire bien loin de Téhéran, Arash apprend bientôt que son père, avec qui il état fâché, vient de mourir. En charge de gérer une succession et un héritage qui suscitent bien des jalousies familiales, Arash ne voit pas venir le complot ourdi par son neveu, jeune homme au visage veule et à l’air angélique mais qui s’avèrera être un aussi redoutable que froid manipulateur, dépourvu de scrupules et de tout sens moral. Malgré les avertissements feutrés de sa belle-sœur, Arash ne voit pas la toile familiale se refermer sur lui pour toucher son héritage à sa place. Et bientôt, la malédiction s’abat sur lui…
Une famille respectable décrit le retour sur la terre de ses origines d’un homme proche de la quarantaine et qui ne reconnait plus son pays, l’Iran. Les codes ont changé. La vision qu’il en gardée est devenue obsolète. Etranger au sein de sa propre famille, jalouse et qui ne rêve que de convoiter son héritage, Arash est traumatisé par la mort de son frère aîné, tué par les Irakiens alors qu’il n’était qu’enfant. Les souvenirs hantés d’Arash donnent lieu à des flash-backs et des cauchemars qui participent à la confusion et à l’oppression que ressent peu à peu le personnage, de plus en plus perdu dans une société et une culture dont il ne comprend plus les codes. Il se souvient en revanche très bien qu’il détestait la brutalité et la bêtise de son demi-frère comme celles de son propre père. C’est donc en terrain miné qu’il revient, pour retrouver sa mère – enseignante à la retraite – et dire une dernière fois « Au revoir » à son père, sans se méfier une seconde de son neveu, hypocrite avec qui il nouera étrangement et paradoxalement des liens chaleureux et une relation de confiance.
Une famille respectable est un polar passionnant. Un conte initiatique cruel dont Arash est la victime toute désignée, lui contre qui tout sa famille semble s’être liguée (hormis les femmes), lui qui suscite et subit toutes les jalousies et les rancœurs du monde.
Ce thriller, construit comme une toile d’araignée, et selon un canevas si bien fermé qu’il ne laisse aucune chance ni échappatoire à son héros (si ce n’est par la pensée et le rêve) de s’en sortir, est une réussite inattendue. Glaçant , Une famille respectable impressionne par sa maitrise formelle, par la tension et l’épure de sa mise en scène (la scène inaugurale d’enlèvement, caméra subjective à l’épaule, est un modèle du genre), par son montage brillant et rythmé qui imbrique scènes au présent (dans le contexte des manifestations étudiantes, de la surveillance des professeurs d’université et du culte des martyrs de la patrie en Iran), souvenirs d’enfance d’Ashar et images d’archives de la guerre, enfin par l’habile construction tout en flash-backs de son scénario. A ne pas manquer, donc, on l’aura compris…
http://www.youtube.com/watch?v=t26t7RtYNtA
Film iranien de Massoud Bakhshi avec Mehrdad Sedighian, Babak Hamidian, Mehran Ahmadi (01 h 30).
Scénario de Massoud Bakhshi :
Mise en scène :
Acteurs :
Dialogues :
Compositions :