Magazine Cinéma
Frank (Joel Murray, frère de Bill) est au bout du rouleau. Divorcé, viré, flanqué d’une gamine insupportable et de voisins bêtes à pleurer, il pète un plomb. Arme au poing, il décide d’aller flinguer tout ce qui est, selon lui, responsable de la dégénérescence américaine : les shows de télé réalité, les gens qui parlent fort au cinéma, les haineux, les enfants pourris gâtés, les pro guerre, les anti gays. Epaulé par la gamine type du ciné indépendant (Tara Lynne Barr)- qui ne se privera pourtant pas d’une diatribe acerbe contre Diablo Cody ( !)- le cinquantenaire se lance alors dans une sanglante traversée de l’Amérique, faisant de God Bless America une sorte de Bonnie and Clyde post moderne, parenthèse hargneuse et méchante qui ose la mise en images d’un fantasme universel, soit dézinguer les égéries de la stupidité humaine. Le film s’impose donc en plaisir coupable pur jus qui va loin dans la provoc’ et le politiquement incorrect, comme en témoigne la scène d’ouverture où le misanthrope n’hésite pas à faire exploser la cervelle du bébé geignard de ses voisins d’à coté. Le ton est donné d’emblée : second degré, jusqu’au boutisme, mépris généralisé pour une Amérique devenue contrée de toutes les dérives.
Le duo meurtrier/justicier du film est, par extension, l’un des produits directs de cette Amérique pointée du doigt, même si les deux redresseurs de tort ne seraient pas forcément d’accord pour assumer ce constat. En glorifiant bêtise, conformisme, matérialisme, le système les a exclus, condamnés à observer de loin, et sans pouvoir réagir, la lente déliquescence sociale. Leur violence désespérée, masquée par un humour noir réjouissant, pourrait en fait faire froid dans le dos, puisqu’elle prouve par son existence même vers quoi le rejet et l’apologie du superficiel peut conduire. Pire qu’une guerre des idées, God bless America filme une guerre dépourvue d’idées : une bataille rangée entre les divers produits de la (sous)-culture mainstream, ses adeptes versus ses opposants. Au final, pas de vainqueurs : juste du sang en cascade, un cercle vicieux de bêtise, et la mort comme seule issue possible à un monde gangréné par le paraître et gouverné par des sots. Goldthwait choisit d’en rire, nous entraînant habilement dans son délire satirique et audacieux. Nous, on le suit, sourire aux lèvres.