Titre original : Argo
Note:
Origine : États-Unis
Réalisateur : Ben Affleck
Distribution : Ben Affleck, Bryan Cranston, John Goodman, Alan Arkin, Chris Messina, Kyle Chandler, Clea DuVall, Zeljko Ivanek, Tate Donovan, Titus Welliver, Victor Garber, Adrienne Barbeau, Rory Cochrane, Taylor Schilling, Bob Gunton, Michael Parks…
Genre : Thriller/Drame/Histoire Vraie
Date de sortie : 7 novembre 2012
Le Pitch :
Le 4 novembre 1979, en pleine révolution iranienne, des militants envahissent l’ambassade américaine de Téhéran. Dans le chaos, six américains parviennent à s’enfuir sans être repérés et vont se réfugier chez l’ambassadeur canadien, qui accepte de les cacher.
Aux États-Unis, à la CIA, personne ne se fait d’illusion sur le sort de ces six américains qui, s’ils sont découverts, seront exécutés sans autre forme de procès. Tony Mendez, un spécialiste de l’exfiltration décide alors de tenter le tout pour le tout afin de les rapatrier le plus rapidement possible. Dans l’urgence, il monte un plan aussi improbable que risqué : faire passer les six américains pour une équipe production cinématographique en repérage en Iran…
La Critique :
Le film débute par le logo Warner. Pas celui que l’on connait tous, mais l’ancien. Le ton est donné. Tout le reste sera au diapason et Argo de se distinguer, entre autres qualités, par un soucis du détail hallucinant. Voulu comme tel par son réalisateur, Ben Affleck, à savoir en connexion directe avec les grands thrillers politiques des années 70 signés -au hasard- Sidney Lumet ou encore Alan J. Pakula, Argo est un film vintage hallucinant de précision dans son traitement d’un épisode douloureux, survenu à l’aube des années 80 (1979). Lumet qui est d’ailleurs cité directement via une référence à son Network, auquel Argo se rattache le plus naturellement du monde.
Pour son troisième long-métrage, Ben Affleck fait montre d’une rigueur admirable, mais pas que. Craignant peut-être de tomber dans la leçon d’histoire soporifique pour tout non initié, le cinéaste a tenu à saupoudrer sur son récit une large dose d’humour. Le mélange est parfaitement dosé et débouche sur un film passionnant, grave et pourtant drôle. Surtout quand il s’intéresse aux coulisses d’Hollywwod, via les deux personnages campés avec truculence et avec une bonne humeur communicative par les géniaux Alan Arkin et John Goodman.
Ben Affleck tenait ici un sujet en or massif. Conscient de l’énorme potentiel de cette histoire incroyable mais vraie, qui suit un spécialiste de l’exfiltration de la CIA décidé à monter un faux film pour sauver six américains en péril à Téhéran, Affleck (et George Clooney à la production) arrive non seulement à restituer l’ambiance des grands chef-d’œuvres du genre, mais aussi à emballer avec force, bravoure et clarté, un récit complexe dans ses enjeux géopolitiques.
L’une des prouesses de l’acteur/réalisateur étant de ne jamais prendre parti dans ce conflit, dont les échos se répercutent plus que jamais aujourd’hui. Dans un numéro d’équilibriste stupéfiant de maîtrise Affleck se focalise sur le sauvetage de ces six évadés de la prise d’otage de l’ambassade américaine en Iran. Il expose, au cours d’une astucieuse intro, le contexte brûlant, mais ne rentre pas dans des considérations politiques. Argo n’en ressort que plus efficace et malin. Sans y sacrifier sa crédibilité, il tisse une intrigue riche en suspens. Un suspens qui devient intenable lors du dernier tiers du métrage, alors même que le dénouement est connu à l’avance.
Autrefois rallié pour ses performances et pour ses choix de carrière pas toujours super inspirés, Ben Affleck montre avec Argo de quel bois il se chauffe. En trois films (Gone Baby Gone, The Town et Argo donc), Affleck, le réalisateur, fait plus que jamais partie des cinéastes importants de son époque. Et comme si cela ne suffisait pas, Affleck redore aussi son blason d’acteur, mis à mal autrefois par des caisses de comédies romantiques et autres navets trop gênants. Dans Argo, comme dans The Town, Affleck, l’acteur, est au premier plan. Tout à fait à l’aise dans ses baskets, il n’en fait jamais trop, ne tombe jamais dans la caricature, joue la sobriété et l’émotion sincère. Son personnage se fond dans le tableau et apparaît d’une authenticité poignante. Tout comme les comédiens de l’incroyable galerie de gueules qui l’entourent.
Bryan Cranston, toujours parfait, Alan Arkin, jubilatoire en producteur sur la descente, mais toujours furieux, ou encore John Goodman, qui prête ses traits au légendaire maquilleur John Chambers, connu principalement pour avoir confectionné les masques de la saga de La Planète de Singes (il fut oscarisé pour son travail), tous sont concernés et remarquables.
On peut également voir dans Argo un hommage au septième-art. Aussi étrange que cela puisse paraître pour une œuvre qui traite d’un sauvetage en plein crise. Spécialement dans la partie qui se déroule à Los Angeles, et qui voit John Goodman, Alan Arkin et Ben Affleck monter le faux film, Argo, qui servira de couverture aux américains coincés chez l’ambassadeur canadien. Comme mentionné plus haut, c’est là que l’humour prend le dessus. Sans faire ombrage aux thématiques sombres de l’intrigue, Ben Affleck donne quelques coups de coude à l’industrie du film. Il lui déclare sa flamme aussi. Car comment ne pas souligner le rôle du cinéma dans ce cas bien particulier. C’est le cinéma qui va offrir la seule porte de sortie envisageable aux otages. Un navet de science-fiction de surcroît. Sans faire couler le sang.
Non vraiment, l’histoire d’Argo est incroyable. Sans cabotiner devant ou derrière l’objectif, Affleck
fait preuve d’ampleur, de précision, de passion et de sobriété.
Son film est admirable. De la première à la dernière minute.
@ Gilles Rolland
Crédits photos : Warner Bros