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Avis aux détracteurs du libéralisme

Publié le 08 novembre 2012 par Copeau @Contrepoints

Chers détracteurs, pour éviter le ridicule de proférer n'importe quoi sur le libéralisme, apprenez à nous connaître…

Un billet d'humeur de Baptiste Créteur.
Alors que la réalité s'éloigne de plus en plus des idées libérales, elles ont une influence et une audience croissantes. Pour leurs détracteurs, les défenseurs de la liberté n'ont pas tort ou raison ; ils n'ont tout simplement jamais réfléchi réellement aux fondements de leurs idéaux, forcément simplistes et extrémistes. Ils sont des adolescents, évidemment haineux et utilisant le libéralisme comme prétexte pour mettre en pièces l’État et tous ceux qui comptent sur lui par la même occasion. Chers détracteurs, pour éviter le ridicule, apprenez à nous connaître…

Avis aux détracteurs du libéralisme

Illustration : Daniel Tourre, Pulp Libéralisme, Éditions Tullys.

Le vocabulaire libéral permet de mieux se rendre compte du mal qui les ronge : ils appellent ceux qui vivent aux dépens des autres des parasites, ceux que l’État assiste des assistés, ceux qui veulent mettre en commun les richesses des collectivistes. Pire : ils valorisent les créateurs de richesse, ceux qui produisent, innovent, ceux qui ont du talent, et pensent que les empêcher de jouir des fruits de leur travail au profit de ceux qui ne créent pas, c'est sanctionner les vertueux. Ils ne veulent pas corriger les injustices de la nature, celles qui font que certains sont meilleurs que d'autres ; au lieu de cela, ils pensent qu'on devrait laisser les meilleurs créer et qu'ils sont le moteur de l'économie et la source du progrès.

Heureusement, Nicole Morgan, professeur de philosophie, est là pour nous rappeler dans un article du Nouvel Observateur que "Ayn Rand est arrivée à point nommé pour donner une permission prétendument morale à tous les entrepreneurs de la mondialisation. Ils la vénèrent. Elle leur apporte une caution "intellectuelle" : les entrepreneurs sont seuls créateurs de croissance illimitée, agents du bien commun auquel tendrait l'humanité. Bush, tout imbu des idées ambiantes de Rand, n'avait cependant pas osé pousser si loin l'appel à la chasse aux "parasites". Il prônait "le conservatisme compassionnel", qui lui permettait de se débarrasser du problème en redonnant aux Églises le pouvoir de gérer la charité. La crise économique a fait monter d'un cran les ressentiments contre les pauvres, tueurs de croissance, et on est arrivé à ce manque total d'empathie qu'est la haine. Une haine froide, qui n'appelle pas à l'extermination violente mais s'organise autour de cette pseudo-science qu'est l'économie ultralibérale, laquelle, après avoir été ointe par l’École de Chicago, veut remplacer le champ politique. C'est le triomphe de l'extrémisme et du simplisme idéologiques."

Ayn Rand apporte une caution "intellectuelle" et "prétendument morale" aux méchants libéraux, elle ne peut évidemment pas être une philosophe. Un philosophe sait bien, lui, que le manque total d'empathie n'est pas la haine ; mais, par un glissement sémantique fort adroit, il peut transformer ceux qui pensent qu'il ne faut pas sacrifier les uns aux dépens des autres en extrémistes, simplistes idéologiques, qui s'organisent autour d'une pseudo-science ultralibérale - autre glissement sémantique, on parle plutôt ici de turbo-proto-méga-giga-libéralisme – et sont à deux doigts de procéder à l'extermination violente des pauvres. Ils ne sont retenus que par l'axiome de non-agression, fondement du libéralisme, qui veut qu'on ne puisse jamais légitimement initier le recours à la force physique – simplisme idéologique une nouvelle fois, puisqu'il est légitime de les contraindre à se sacrifier pour les autres.

Un philosophe peut également sortir les propos des hommes politiques de leur contexte : "À côté d'autres, [Romney] fait, certes, figure de modéré. Il a été poussé vers des positions extrêmes par les "néocons". Mais il reste un absolutiste de l'idéologie du marché. Dois-je rappeler son cri du cœur si randien : il n'est pas question de s'occuper des 47% d'assistés américains surtout s'ils sont électeurs démocrates. Il a exprimé tout haut le fondement d'une idéologie profondément antinationale qui refuse de s'occuper de tous les citoyens américains. Seule compte la croissance en soi. S'il est élu, la vague de dérégulation et de privatisations deviendra une déferlante."

Ainsi, Romney expliquant pendant sa campagne en comité restreint qu'il était vain de tenter de convaincre les 47% d'Américains qui perdraient, en cas de victoire, le bénéfice du travail des autres et voteraient donc démocrate, devient Romney ne voulant pas s'occuper des pauvres surtout s'ils sont démocrates. À vrai dire, le glissement pourrait avoir du sens. Pour éviter que les propos ne soient déformés, soyons clairs : les libéraux refusent de vivre aux dépens d'autrui et que quiconque vive à leurs dépens. Ils sont contre la redistribution, contre la mise en commun des ressources, refusent que le besoin des uns soit une créance sur la vie des autres. Ils ne refusent pas la solidarité, mais souhaitent qu'elle soit consentie.

Peut-être faut-il insister sur un point important d'incompréhension. Les libéraux sont individualistes, ils pensent que l'individu est souverain ; ils pensent que chaque individu doit être libre et maître de sa propre vie, sans empêcher les autres de jouir des droits qu'ils reconnaissent à chaque être humain : liberté, propriété privée, sûreté. Ils ne pensent pas que les individus doivent nécessairement vivre seuls dans les bois sans interagir avec quiconque ; au contraire, ils pensent que l'échange enrichit et profite à tous, pourvu qu'ils en acceptent les règles : échanger valeur contre valeur sur la base du consentement mutuel. Les libéraux pensent que le libéralisme est le système le plus juste, et c'est pourquoi ils veulent que chacun puisse en jouir. Ils ne veulent rien imposer aux individus ; ils ne veulent pas seulement jouir de leur liberté, mais que tous en jouissent.

Mais quand on est Nicole Morgan – je cite, "La haine la sous-tend, le chiffre l’aseptise, l’incompétence la qualifie.", on considère plutôt que "Comme toute idéologie, elle repose sur des postulats simplistes qu’elle transforme en vérités irréfutables sous la bannière d’une pseudo-science : ici l’économie. Comme les idéologies dures, elle véhicule des émotions fortes qui puisent dans l’inconscient collectif, haine et peur en tête, punitions à l’appui, intégrismes en sus".

Ayn Rand, cette auteur démoniaque qui va jusqu'à faire de l'égoïsme une éthique, a dit :

"Je ne suis pas en premier lieu une partisane du capitalisme, mais de l'égoïsme ; et je ne suis pas en premier lieu une partisane de l'égoïsme, mais de la raison. Si on accepte la suprématie de la raison et qu'on l'applique de manière cohérente, tout le reste en découle. Cela – la suprématie de la raison – était, est et sera l'objet principal de mon travail, et l'essence de l'objectivisme." (Ayn Rand, "The Objectivist"). L'appel à des "émotions fortes qui puisent dans l'inconscient collectif" aurait pu être plus explicite…

Le libéralisme repose sur des postulats, comme toute philosophie, comme toute morale, comme toute éthique ; et comme tous postulats, la suite du raisonnement procède d'eux. On peut les réfuter. Cela suppose simplement d'avoir le courage d'affirmer qu'initier la violence peut être moral, que la propriété privée est sans fondements, qu'on peut légitimement sacrifier les uns au service des autres, qu'il est plus juste de choisir pour les individus que les laisser décider pour eux-mêmes, que créer quelque chose ou le posséder donnent moins de droits dessus qu'en avoir besoin. Cela suppose d'accepter que l'homme ne doit pas être libre de se fixer ses propres buts mais être contraint de poursuivre ceux qu'on chercherait à lui imposer, de force s'il le faut. Cela suppose d'accepter que nous soyons tous maîtres ou esclaves, peut-être les deux à la fois, plutôt que libres. C'est ce que semble souhaiter Nicole Morgan. Mais vous ?


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