Les mesures préconisées par Louis Gallois comme les annonces faites par Jean-Marc Ayrault relèvent au fond d’une même logique : le dirigisme.
Par Acrithène.
Revenons sur ce qui s’est passé en douce avant-hier, jour d’élections aux États-Unis mais aussi des mesures économiques attendues en France suivant la publication du rapport Gallois.
Le rapport de l’ancien patron de la SNCF est un résumé d’idées banales, entendues sur les plateaux télé, et qu’on qualifiera de centre-droit uniquement parce qu’elles ne marchent pas sur la tête. Et si ces idées sont moins délirantes que le programme présidentiel sur lequel M. Hollande a été élu, elles relèvent au fond d’une même logique, le dirigisme. Pas étonnant pour le rapport d’un énarque qui a passé sa vie à la tête d’entreprises (ajoutons EADS) arrosées de subventions et de commandes publiques.
Après avoir provoqué la concentration des entreprises, et au regard des effets pervers de cette stratégie, la mode politique est aux petites et moyennes entreprises. Donc l’État va désormais s’occuper de leur développement. Pourtant, avant de se demander si l’État devrait favoriser plutôt les grandes ou plutôt les petites entreprises, on devrait se questionner sur la pertinence même de l’existence d’une stratégie de l’État à ce propos. Pourquoi ne pas juste démanteler tout l’appareil étatique qui provoque artificiellement la concentration des entreprises, et laisser ensuite chaque secteur d’activité évoluer dans la direction que lui guide le sens des affaires ?
Un grand nombre de questions stratégiques ne devraient tout simplement pas être l’objet du centralisme politique. Faut-il des entreprises plutôt petites ou plutôt grandes ? Faut-il davantage de recherche & développement ? Faut-il davantage de formation en alternance ? Faut-il des représentants des salariés dans les Conseils d’Administration ? Etc.
À chacune de ses questions, une personne humble et qui comprend que l’économie est une chose extrêmement complexe, aura peut-être un avis, mais devrait se cantonner à remarquer que :
- Il n’y a de réponse universelle à aucune de ces questions. Elles dépendent de chaque type d’activités, des circonstances, du caractère des personnes impliquées, des opportunités se présentant…
- Que les personnes disposant des informations diffuses les plus pertinentes pour répondre, au cas par cas, à ces problématiques ne sont pas dans les bureaux des ministères, mais sont au contraire les individus qui y sont confrontés au jour le jour, qu’ils soient entrepreneurs, salariés, consommateurs… ;
- Que si ces mesures sont intelligentes, alors ces individus sont, en général (je ne nie pas les cas particuliers), spontanément incités à les mettre en place. Bien sûr, ils peuvent se tromper, comme les ministres d’ailleurs. Mais contrairement à ces derniers, de leur intelligence et de leur compréhension dépend leur réussite ou leur échec, et donc le temps et le marché sélectionnent naturellement les bonnes décisions et les bons décideurs.
Il ne s’agit pas de dire que l’État ne peut avoir que de mauvaises idées. Simplement de remarquer que ses bonnes idées ont a priori toutes les raisons d’émerger spontanément si on lève les obstacles qui pèsent sur les initiatives privées, et que donc la contribution intellectuelle nette de la planification se limite principalement aux mauvaises idées. Contrairement à un ministre ou un technocrate, un individu privé ne peut imposer ses mauvaises idées durablement sans douloureusement torturer son porte-monnaie personnel (ou celui de son employeur)…
En bref, je ne souhaite pas ici discuter de la pertinence de telle ou telle idée du rapport Gallois. Pas plus que vous ou que le Ministre du redressement productif, je n’ai la capacité cognitive d’appréhender l’économie dans sa complexité pour conclure en quelques lignes si les entreprises sont trop grosses ou font trop peu de R&D. Ma philosophie est que la société s’en occuperait bien mieux que les ministres – ou même que les économistes – si ces derniers la libéraient.
Vous me direz que les annonces fiscales semblent aller dans ce sens. Pas vraiment. Le gouvernement nous a échangé une hausse d’impôt permanente, la TVA, contre un crédit d’impôt temporaire et différé (… ce qui rend la chose même étrange dans un schéma keynésien).
La TVA n’est pas le pire des impôts, mais arrêtons de croire qu’il ne touche que la consommation. Consommation et production sont les deux faces d’une même pièce et n’existent pas l’une sans l’autre. Si vous travaillez, c’est pour consommer. Si vous épargnez, c’est pour consommer plus tard. Quand on taxe la consommation, on taxe la finalité du travail, et donc le travail lui-même. La principale différence avec la taxation directe du travail tient au fait, qu’en France, des gens consomment le fruit du travail des autres… Pour autant, la hausse de la TVA constitue un obstacle de plus à l’initiative privée. Et le rapport Gallois, un dirigisme technocratique de plus, que Mme Le Pen et France Télévisions qualifieront de libéral.
Notons aussi que toutes ces mesures sont d’une dimension ridicule au regard des problèmes de l’économie. D’après les calculs de l’OCDE, une situation financière publique saine à l’horizon 2050 nécessiterait une correction budgétaire annuelle, immédiate et pérenne d’environ 100 milliards d’euros. Ce qu’on annonce comme un grand tournant économique est une guignolerie qui va rapporter 2,5 milliards par an (0,4 pts de TVA) et coûter 20 milliards sur trois ans sous forme de crédits d’impôt.
Enfin le gouvernement annonce 10 milliards d’économie sur les dépenses. Son business plan est d’une rigueur et d’une précision déroutante. Je vous laisse le plaisir de la lecture :
Ces économies seront recherchées en n’excluant par principe aucun pan de la dépense publique : dépenses de l’État, de ses agences, des collectivités territoriales et de la protection sociale. Elles reposeront sur une démarche systématique d’évaluation de leur efficacité et de leur coût, en retenant une approche par politique publique, impliquant systématiquement tous les acteurs qui y contribuent. L’association de tous les acteurs est la clé de la réussite de cette de cette démarche. Il ne s’agit pas de rechercher des économies de court terme ou de réduire uniformément les budgets des services publics sans les réorganiser ni réformer leurs missions : il s’agit de repenser les modes d’intervention publique, ce qui engendrera des économies durables et structurelles.
- elle suivra un calendrier précis avec des jalons réguliers, chaque trimestre, sous l’égide du Premier ministre, qui s’assurera de la qualité des évaluations et prendra les décisions nécessaires à l’atteinte de ces objectifs, dans toutes leurs dimensions ; s’agissant des objectifs budgétaires, un suivi précis des économies prévues puis réalisées sera mis en place ; chaque ministre concerné en sera responsable ;
- elle s’accompagnera d’une discipline nouvelle dans le pilotage de l’action publique : toute nouvelle dépense devra être financée par des économies en dépense ; le financement par une recette nouvelle ne sera plus possible, car l’effort fiscal ne doit pas servir à favoriser des dépenses supplémentaires; toute réforme conduite à l’initiative du Gouvernement devra comprendre un volet d’optimisation de la dépense publique.
J’adore en particulier la phrase « toute réforme conduite à l’initiative du Gouvernement devra comprendre un volet d’optimisation de la dépense publique », c’est vraiment révolutionnaire et ultralibéral comme idée.
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