"Joyeux birthday, UE !
En 2007, l'Union européenne fête ses 50 ans. Avec un logo « qui a tout faux », l'Union européenne aura 50 ans en 2007, l'âge du traité de Rome. Elle vient de choisir son logo, qui servira à toutes les manifestations anniversaires : entre 1 701 projets reçus, un jury international de onze experts en art et design a décerné au vainqueur, Szymon Skrzypczak, le prix de 6 000 euros. Commentant la cérémonie, Mme Margot Wallström, vice-présidente de l'UE, a déclaré : « Le logo vainqueur représente la diversité et la vigueur de l'Europe, tout en soulignant le désir d'unité et de solidarité qui caractérise notre continent. »
Voici ce logo, qui doit « évoquer les réalisations de l'UE - comme la paix et la prospérité - ainsi que son avenir, c'est-à-dire le genre d'Union européenne que [les étudiants en art qui concouraient] souhaitent pour les générations futures ». Et voici ce que j'y vois : un mot, « together », dont le sens symboliserait l'idée d'Europe, unité dans la multiplicité. A ceci près que ce mot appartient à une langue et une seule, l'anglais. Ou plutôt au globish, cet anglais sans auteur et sans oeuvre qui fonctionne comme lingua franca. Et le multilinguisme que l'Europe met en avant comme faisant partie de sa définition et de sa valeur même ?
Les autres langues ne sont là que comme des signes diacritiques, un Umlaut par ci, un accent aigu par là, elles interviennent comme des fautes d'orthographe, des parasites de la langue unique. Le multiculturel est réduit à une série d'erreurs et d'écarts, fioritures fautives par rapport à la norme globale. Les couleurs et les formes veulent évoquer le multiple - une lettre taguée, un centre bleu-blanc-rouge, une marque de biscuits. Elles évoquent d'abord le logo de Google, en un peu moins ingénu, mais en beaucoup plus visiblement impliqué dans la marchandisation mondiale.
L'Europe est l'enseigne d'une boutique, avec « since 1957 » pour enfoncer le clou; on y adhère comme à une marque déposée, registrated, avec son petit r dans le rond respectueux du droit des marques - tellement tendance... Comme si sa définition était déjà toute faite, immuable, et que la firme doive simplement grossir en franchisant.
Un logo qui a tout faux, absolument contre-productif, contradictoire avec la définition que l'Europe veut donner d'elle-même, par exemple quand elle nomme Jan Figel « commissaire européen en charge de la culture et du multilinguisme ». Est-il temps d'en changer ? Il est temps en tout cas d'ouvrir les yeux et d'être moins bête."
Barbara Cassin.