“Vous êtes arrivé aux limites d’internet” (site jordanien, août 2012)
« Petit » pays coincé dans un environnement compliqué (la Syrie au nord, l’Irak à l’est et Israël à l’ouest), la Jordanie, faute d’autres ressources, en particulier énergétiques, a fait le pari des technologies de l’information, et cela depuis l’arrivée au pouvoir en février 1999 d’Abdallah II. Globalement, cela a plutôt bien réussi : pays d’origine de Maktoob.com, la grande réussite du business internet dans la région (fondée en 1999, la société a été rachetée dix ans plus tard par Yahoo! 175 millions de dollars), la Jordanie est également le pays de Fadi Ghandour, le « parrain » de l’ « économie de la connaissance » dans la région (voir cet article avec pas mal d’infos sur le site Bloomberg). Fier de « son » Silicone Wadi, Abdallah II a ainsi repris dans un email une statistique de l’Union internationale des télécommunications (ITU) affirmant que le royaume jordanien, dont la population ne représente que 2 % du monde arabe, produisait à lui seul les trois quarts du contenu arabisé sur internet ! On peut émettre de sérieuses réserves sur la précision de telles statistiques… Il n’en reste pas moins que les mesures politiques, administratives et économiques (enseignement, libéralisation des télécommunications, zones franches…) prises depuis une bonne décennie ont commencé à porter leur fruit puisque le secteur des technologies de l’information, qui emploie quelque 16 000 personnes (en majorité des jeunes hautement qualifiés), compte pour près de 14 % du PIB national (autant que l’industrie du tourisme).
Détournement de la campagne officielle pour les inscriptions sur les listes électorales
Le premier ministre jordanien déguisé (sur le net) en prédicateur islamique
Les acteurs du domaine ont manifesté leur opposition en organisant une « nuit noire de l’internet jordanien », avec plus de 500 sites locaux affichant un écran noir pour dénoncer l’adoption de la nouvelle législation (voir illustration tout en bas et également celle du début de ce billet). Une opération spectaculaire qui a obtenu le soutien – via un message Tweeter ! – de figures publiques inattendues, telle la reine Noor, l’épouse du roi Hussein. Comme bien d’autres, celle-ci doit vraisemblablement s’inquiéter des conséquences d’une loi aussi répressive sur la santé des industries locales de la connaissance, secteur jusque-là très prometteur. A l’instar de bien des potentats régionaux, Abdallah II de Jordanie va devoir affronter le dilemme posé par la croissance d’internet et des réseaux sociaux. Il va lui falloir choisir entre s’enfermer derrière les murailles de sable de son minuscule royaume ou s’ouvrir aux flux impétueux des navigations électroniques… A dire vrai, on voit mal comment il pourrait, aujourd’hui, retenir la première option. Il va donc devoir se résoudre à adapter le système politique aux transformations d’une société informée par le Net.
Ecran d’un site jordanien lors de la “nuit noire de l’internet”