Magazine Cinéma
Avec le retard que j’ai pris, à l’heure où vous lirez ces lignes, c’en sera terminé de l’édition 2012 du Festival du Film Coréen à Paris. Quand on a le nez dedans de 14h à minuit, chaque jour ou presque, ça passe à une vitesse folle. Lundi, c’était le dernier marathon de films à aligner. Trois films. Le premier, j’aurais pu ne pas le voir si finalement j’étais allé voir « War of the arrows » samedi au lieu de « Talking Architect », que j’aurais alors calé ce lundi après-midi en lieu et place du premier film du jour (vous voyez un peu le genre de jonglage à faire dans l’emploi du temps pour essayer de sortir la meilleure programmation possible au cours du festival ? Vous n’avez rien compris ? C’est pas grave). Mais ce premier long-métrage de la journée n’en étais pas un, c’était en réalité un double programme de moyen-métrages, « Dr Jump » et « Yosemite & I ».
L’association de ces deux courts films n’est pas évidente, d’autant qu’ils laissent une impression assez contrastée. Le premier suit un drôle de coach sportif qui cherche quelqu’un à entraîner au saut à la perche, et il semble si désespéré que n’importe qui fera l’affaire, même cette fille de 25 ans incapable de sauter plus haut que 20 centimètres en prenant de l’élan. Le second, « Yosemite & I », s’apparente à un documentaire mais n’en est pas tout à fait un, et suit la réalisatrice Kim Ji-Hyun (dont « Mountain in the Front » avait été présenté au Festival en 2009) dans la relation qu’elle entretient avec son vieil ordinateur des années 90. Les films ont cela en commun que leur style rappelle le documentaire sans franchir complètement la ligne, mais l’aspect doux et dingue de « Dr Jump » séduit plus aisément que le laid « Yosemite & I ».
Plus attendu était « Silenced », projeté juste après (à peine le temps de sortir qu’il faut y retourner), et qui fut très bien reçu samedi après-midi lors de sa première projection. Il y avait du monde pour les deux séances de ce long-métrage qui fut un grand succès au box-office coréen à l’automne 2011 avec 4,6 millions d’entrées. Bien sûr à première vue, le film de Hwang Dong-Hyuk n’a pas grand-chose à offrir cinématographiquement. L’histoire est assez prévisible et offre très peu de surprise, la mise en scène est on ne peut plus classique, on comprend vite que l’on n’a pas affaire au film de l’année.
Pourtant à mesure que le récit progresse, le réalisateur parvient à insuffler une force indéniable à ce drame contant l’arrivée d’un nouveau professeur dans un institut pour enfants sourds et muets, professeur qui va y découvrir de graves abus commis à l’encontre de certains des jeunes pensionnaires. C’est lorsque le film se transforme en suspense procédurier, et qu’il s’attaque à l’inertie de la société coréenne et de son système judiciaire, que le film s’emballe. L’injustice est un convecteur d’émotion, et celle qui a fini par envahir la salle était palpable. Les yeux de nombreux spectateurs étaient rouges lorsque la lumière s’est rallumée, bien que, s’il m’arrive de pleurer au cinéma, les miens soient restés secs. A l’écran, il fut agréable de retrouver Jung Yumi (en ce moment à l’affiche de « In Another Country » d’Hong Sang Soo), qui fut l’objet de toutes les attentions masculines l’an passé, lorsqu’elle était l’invitée du Festival.
A peine le film terminé, je dus me faufiler entre les gens mouchant leur émotion pour me frayer un chemin jusqu’à la caisse et prendre au plus vite ma place pour « Nameless Gangster » qui commençait dans moins de cinq minutes. Hors de question de rater le film de Yoon Jong-Bin qui fit lui aussi grand bruit au box-office coréen il y a quelques mois (4,6 millions de spectateurs, exactement le même score que Silenced), ce qui me poussa à faire le malotru, disant tout juste « Salut ça va ? » aux amis que je croisais, avant de foncer vers le film. Je croisai ID de Made in Asie, auquel j’essayai de taxer quelque chose à grignoter, n’ayant même pas le temps d’aller m’acheter un sandwich. N’étais-ce donc pas un paquet de chips qui dépassait de la poche arrière de son jean ? Non, m’assura-t-il, rien à m’offrir, pas même un vieux granola. Tant pis, je mangerais à la sortie du film, à 23h30.
L’un de mes plus vieux souvenirs du Festival du Film Coréen à Paris remonte à la découverte de « The Unforgiven » lors de l’édition 2007, la même année où j’y avais vu « Family Ties ». Qui eut cru à l’époque que le réalisateur de « The unforgiven », Yoo Jong-Bin, se retrouverait en 2012 aux commandes d’un des plus gros films de l’année, avec l’acteur principal de son premier film, Ha Jung-Woo, devenu depuis l’une des grandes stars du cinéma coréen, dans l’un des deux rôles principaux… Le même Ha Jung Woo vu quelques jours plus tôt au festival dans « Love fiction » (et quelqu’un m’a murmuré à l’oreille que l’acteur était à deux doigts d’être l’un des invités du FFCP cette année, mais que ses demandes de diva avaient refroidi le festival…).
Mais si l’excellent Ha Jung-Woo est un peu sous-exploité dans « Nameless Gangster », Choi Min-Sik n’a pas à se plaindre, tirant toute la couverture à lui grâce à son interprétation over-the-top jubilatoire qui apporte tout l’humour à cette histoire de gangsters dans le Busan des années 80, ou l’ascension dans le milieu d’un petit fonctionnaire des douanes qui se découvre un lien de parenté avec un jeune parrain local qui lui doit le respect par hiérarchie familiale. Si le film a du mal à être plus qu’un bon divertissement, réussi mais probablement peu marquant, il doit en tout cas beaucoup à l’acteur de « J’ai rencontré le Diable » (un ami proche, qui vient souvent pour un barbecue à la maison, comme le prouve la photo ci-contre).
Depuis le début du festival, j’avais passé les projections trop loin de la place de mon cœur, mais pour ce dernier jour marathon, seul, je suis retourné vers les premiers rangs que j’affectionne. Manque de pot devant « Nameless Gangster », je me suis retrouvé assis à côté d’un spectateur visiblement enrhumé qui passa tout le film à renifler bruyamment, et profitant même des séquences plus bruyantes pour me gratifier de véritables concerts de reniflements fort peu élégants. Pas grave, j’eus très vite la tête ailleurs, entre le film et ce petit pincement à réaliser que le lendemain serait déjà l’heure de la clôture…