USA 2012 : Obama réélu, les choses sérieuses… continuent

Publié le 07 novembre 2012 par Sylvainrakotoarison

Victoire aux voix serrée de Barack Obama pour son second mandat présidentiel aux États-Unis. Au contraire de 2000, son concurrent Mitt Romney a reconnu dans la nuit sa défaite.
Barack Obama a été réélu Président des États-Unis ce mardi 6 novembre 2012. S’il est sûr d’avoir au moins 303 grands électeurs et son adversaire 206, ce qui, en grands électeurs, donne une marge appréciable, dans beaucoup de "swing states", la victoire fut très courte (à l’exemple de la Virginie où seulement 1% des voix ont séparé les deux candidats).
Tout le monde a sa chance, aux US !
Dans son discours de remerciement, Barack Obama a voulu relever le défi d’une Amérique réunifiée : « Ce n’est pas important que vous soyez blancs ou noirs, hispaniques, asiatiques ou natifs des États-Unis, que vous soyez riches ou pauvres, jeunes ou vieux, malades ou en bonne santé, homosexuels ou hétérosexuels, vous pouvez tous agir aux États-Unis ! Je pense que nous pouvons saisir ensemble notre avenir. Nous ne sommes pas aussi divisés qu’on veuille bien nous le dire. Et rappelons-nous que nous vivons dans la plus grande nation du monde. Merci Amérique ! Dieu vous bénisse ! ».
Eh oui, le pays n’est pas si divisé que cela même s’il est un peu arrogant de sa part de mettre le superlatif de "plus grande nation du monde". Une heure plus tôt, à Boston, Mitt Romney avait jeté l’éponge et avait salué la victoire de son rival. Il aurait pu adopter une attitude moins conciliante, embaucher une batterie d’avocats pour vérifier un par un les votes en Floride, en Virginie, dans l’Ohio, les trois États clefs qui ont permis une victoire confortable de Barack Obama ce mardi malgré un scrutin très serré.
C’est la continuité triplement pour les institutions politiques américaines : réélection du Président démocrate (et de son Vice-Président, Joe Biden), toujours une majorité républicaine à la Chambre des représentants (complètement renouvelée) et un Sénat démocrate (renouvelé par tiers). Comme le faisait remarquer Jean-Pierre Raffarin, c'est aussi la première fois qu'il y a eu réélection parmi les grands pays après la crise de 2008.
Il faudra donc continuer cette cohabitation qui dure depuis deux ans entre les deux grands partis. Négociations pour se mettre d’accord sur le budget 2013, sur le niveau de la dette publique, des échéances pour fin décembre 2012 qui seront cruciales pour l’économie américaine et le Congrès a un réel pouvoir, pas une simple caisse d’enregistrement de décisions prises par l’Exécutif comme en France.
La particularité d’un scrutin "anti-fédéral"
Barack Obama a obtenu au moins 303 grands électeurs et Mitt Romney 206. Pour l’instant, tous les résultats détaillés ne sont pas encore connus, mais il est possible que Barack Obama ait reçu moins de suffrages que Mitt Romney. C’est le côté baroque du scrutin. Al Gore avait déjà essuyé ce genre d’injustice électorale.
Et pourtant, ce mode de scrutin (expliqué précédemment) n’est pas si stupide que cela. C’est sûr que si l’on comparait les États-Unis à la France, ce serait aberrant. Imaginer par exemple que le Lozère ou la Creuse fassent basculer une élection pourtant gagnée aux voix. Car il s’agit bien de cela : les États ont un nombre de grands électeurs proportionnel à la population, mais en pratique, les petits États y sont favorisés par un nombre minimal (tout comme la règle des deux sénateurs par État). Le système a pour but de moduler le pouvoir central en laissant les États même petits dans la possibilité de faire barrage à une volonté fédérale.
Non, pour bien comprendre le mode de scrutin américain, il faut se rappeler que les États-Unis sont effectivement un pays fédéral, que beaucoup de décisions sont prises au niveau des États et pas au niveau des États-Unis, comme tout ce qui concerne la société, l’éducation, l’économie, l’environnement etc. (peine de mort, mariage de couples homosexuels, interdiction du foie gras etc. ; les électeurs californiens viennent d’ailleurs de rejeter par référendum l’abolition de la peine de mort).
Et alors, la comparaison des États-Unis non pas avec un pays uni et centralisé comme la France mais avec l’Union Européenne paraît ainsi bien plus pertinente. Imagine-t-on dans un avenir proche l’élection d’un Président de l’Union Européenne au suffrage universel direct ? C’est ce que voudraient beaucoup d’Européens (en France aussi), mais avec un système français, il est probable que le Président européen qui serait élu ne serait jamais qu’allemand, français, britannique ou italien en raison de la proportion des populations. Introduire alors un principe de majorité qualifiée (car il s’agit de cela) avec un quota minimal à atteindre (en d’autres termes, instituer des grands électeurs) permettrait par exemple à des petits États (en population) comme le Luxembourg ou Malte de prendre une part plus déterminante dans ce choix collectif.
Je ne dis pas que c’est le meilleur système ni que je le soutiendrais (car cela fait aussi un peu trop usine à gaz) mais c’est un système qui permettrait au moins d’arrondir la mécanique très tranchante d’un simple scrutin majoritaire. C’est du reste ce que certains avaient également imaginé en voulant faire ratifier les traités européens (le TCE notamment en 2005) par un référendum européen global, commun et simultané, avec des contraintes sur le nombre de pays qui devraient l’approuver et un seuil des populations qui l’approuveraient (au-dessus de la majorité simple).
Cohabitation à l’américaine
L’autre réflexion que l’on peut se faire à l’issue de ces élections américaines, c’est la capacité du peuple américain à reconduire à la fois un Président démocrate et une Chambre républicaine. C’est très courant dans l’histoire politique des États-Unis et l’inverse où un seul parti a seul le dessus sur la Maison blanche et le Congrès est assez rare. En France, on l’imagine mal.
Mais il ne faut pas oublier que les scrutins présidentiels et législatifs se trouvent le même jour, donc, l’électeur qui vote pour son député (représentant) ne connaît pas le nom du futur Président. Alors qu’en France, puisque, avec la mise en place du quinquennat (aux effets que j'ai critiqués) ou la pratique des dissolutions, les élections législatives suivent souvent de quatre ou cinq semaines l’élection présidentielle (ainsi en 1981, 1988, 2002, 2007 et 2012). Les candidats aux législatives, pour surfer sur la vague présidentielle (l’élection présidentielle mobilisant les électeurs), que ce soit dans la majorité ou dans l’opposition, se déterminent alors souvent en fonction de l’Exécutif. Et les électeurs aussi. D’où un concordance assez prévisible (quoique pas obligatoire).
Sans doute peut-on expliquer aussi cette différence dans une part de la mentalité des électeurs : aux États-Unis, les gens sont plus individualistes et leur choix va se porter plus en fonction de la personnalité des candidats qu’en fonction de leur programme politique, d’autant que les enjeux sont moindres qu’en France où le camp adverse propose toujours le grand soir (« réenchanter le rêve français »).
2018, un renouvellement inéluctable
Les 538 grands électeurs choisis par le 215 millions d’électeurs américains se réuniront le 17 décembre 2012 pour réélire formellement le Président des États-Unis. Barack Obama sera investi dans son second mandat le 21 janvier 2013 pour une nouvelle période de quatre ans.
Du côté républicain, c’est un vide de personnalités présidentiables que laisse l’échec de Mitt Romney. Mais les lois de la physique sont impitoyables : le vide attire toujours du plein ! Pour 2018, gageons que le renouvellement de la classe politique américaine se fera, pas seulement pour les républicains, mais aussi pour les démocrates, car je vois mal Joe Biden ou Hillary Clinton devenir candidats des démocrates pour les prochaines présidentielles ; ils auront alors respectivement 76 ans et 71 ans.

 
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