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Michel Waldberg, poète et romancier de l’irrévérence

Par Poesiemuziketc @poesiemuziketc

Michel Waldberg
Michel Waldberg | D.R.

Depuis plusieurs années malade, le poète Michel Waldberg est mort le 4 novembre 2012. Fils du critique d’art américain – proche des surréalistes et du groupe Acéphale – Patrick Waldberg (1913-1985) et de la sculptrice suisse Isabelle Farner Waldberg (1911-1990), il fut marqué par cette ascendance, tant dans sa vie intellectuelle que dans sa personnalité.


« Refus d’obtempérer »

  était la formule qu’il employa pour définir son ami Joaquim Vital, le fondateur des Editions de la Différence, auxquelles il demeura fidèle, en y publiant presque tous ses livres, mais aussi en y exerçant une activité de conseiller littéraire. La définition valait pour lui-même. Il ne pouvait que se reconnaître dans cette entreprise éditoriale indépendante qui allie la passion de la poésie à la mise en valeur d’œuvres artistiques et à certaines recherches spirituelles.

VIRULENCE SARCASTIQUE

Profondément poète, Michel Waldberg était difficile à classer. Proche de la pensée de Gurdjieff, auquel il consacra un essai dans sa jeunesse, repris plus tardivement (en 2001), il faisait profession d’irrévérence. Cet homme doux et ironique ne craignait pas l’insolence à l’égard de ceux qui, dans les milieux du pouvoir intellectuel, abusaient de leurs positions.

Il l’exprima clairement dans un pamphlet, La Parole putanisée (2002), où il attaquait avec autant de virulence sarcastique certaines mièvreries déliquescentes célébrées par la critique et plébiscitées par le public que les stéréotypes des Homais modernes ou l’arrogance incompétente des mandarins de tous bords. Il estimait alors n’avoir rien à perdre, pour pouvoir s’adresser librement à une Nomenklatura qu’il honnissait.

Son ton polémique n’avait pourtant rien de gratuitement impulsif. Erudit, grand lecteur, il faisait appel à ses maîtres, qu’ils s’appellent Léon Bloy, André Breton, Charles Duits, Baudelaire, Villiers de l’Isle-Adam ou Mallarmé. On retrouve, du reste, cette même drôlerie blessée dans ses poèmes. Lorsqu’il publia ses œuvres poétiques complètes, en 2008, Michel Waldberg ne se contenta pas de reprendre les volumes publiés depuis Vivant ou mort, le premier, paru en en 1979, mais y joignit des poésies écrites à l’âge de 10 ans, moins par vanité que par respect pour l’enfant qui demeurait en lui et qui parlait encore à travers ses vers.

« UN ZESTE DE ZEN »

C’était, au fond, une forme d’humilité. Son goût des jeux de mots, sa tendance aux facéties, ses désacralisations systématiques n’étaient pourtant pas contradictoires avec une forme de vénération pour une mission spirituelle de la littérature et de l’art. Il publia plusieurs études sur des artistes contemporains (Joan Mitchell, Sam Francis, Riopelle, Corneille et sa propre mère, Isabelle Waldberg, entre autres), chez lesquels il tentait de comprendre un rapport secret avec un autre monde auquel seul l’art donne accès.

Il consacra de nombreuses années à étudier la pensée bouddhiste, indienne, mais aussi chinoise et japonaise (Un zeste de zen, 1984). Çà et là, dans ses publications romanesques et poétiques, ces références surgissent, en contraste avec son humour décapant et de soudains élans de tendresse. C’était là toute sa singularité, qui pouvait, par moments, le rapprocher de Max Jacob, même si, familialement, sa culture était plutôt surréaliste. La figure de son père, Patrick Waldberg, auquel il ressemblait physiquement de manière très troublante, restait dominante dans le monde intérieur de Michel dont le récit, La Boîte verte (1995), est probablement l’un des plus beaux livres.

Il s’y attarde sur des archives familiales, sans complaisance. Il traquait en lui-même cette part de misanthropie désabusée et un peu hautaine qu’il tenait de son père, mais à laquelle il ne pouvait pas entièrement se résoudre. Car ce n’était pas l’amertume qui l’inspirait, mais plutôt une forme de nihilisme qui se reflète d’ailleurs dans le titre sous lequel il englobait ses romans : « Le peu de réalité ».

GÉNÉREUX ET INDIGNÉ

Habités par des visions parfois fantasques, à la manière de Hoffmann, ses romans poursuivaient sa quête poétique, mais exprimaient aussi son regard tour à tour généreux et indigné (notamment dans Mort d’un chien, 2000, ou La Caissière, 2001) et une conscience aiguë de ses propres faiblesses et d’un besoin insatiable d’amour (dans La Forêt sans arbre, 1984 ou La Veste de fer, 1999). C’était le revers pudique d’un cynisme apparent. L’Afrique où il avait vécu, l’Asie où il cherchait des conseils de sagesse, l’Amérique dont il avait traduit plusieurs auteurs (Mark Twain, Malcolm Lowry, Truman Capote, Philip Roth) et dont il adorait le jazz, lui offraient des modèles d’une vie qu’il savait ne vivre que dans ses livres.

René de Ceccatty (« Le Monde »)

Biographie

5 mars 1940
Naissance à Saint-Mandé.

1956-1962
Photographe.

1976
S’associe aux Editions de la Différence que créent son père (Patrick Waldberg), Joaquim Vital et Marcel Paquet.

1979
Vivant ou mort, premier recueil de poèmes.

2001
Prix Roger Caillois pour l’ensemble de son œuvre.

2008
Poésie, 1950-2008 (œuvres poétiques complètes).

4 novembre 2012
Mort à Paris.


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