Photographie 1 : Détail d'une page du Petit journal pour rire n°33 de 1856 avec une série de caricatures : « Une espèce de monde » « par
Marcelin ».
Photographie 2 : Partition de la fin du XIXe siècle ou du debut du XXe.
Photographie 3 : Détail d'une estampe du XIXe siècle.
Le grelotteux, le poisseux, la poisseuse, le pommadin, le boudiné, la fleur de pois, le gratiné, la fine
fleur, le gilet à cœur, la plastronneur, le vibrion, le tchink, le tchock, le petit verni, le gluant, le huileux, la huileuse, la juteuse, le juteux, le fin de siècle, le fin de globe, le
gratiné, la fine fleur, la snobinette sont des petits maîtres, ou des faux petits-maîtres, du XIXe siècle. Ils semblent tous apparaître dans la seconde moitié du XIXe
siècle.
Albert Millaud (1844-1892) nomme rapidement LE GRELOTTEUX dans ses Physiologies parisiennes
(1886) : voir la définition du faucheur. Dans son Le Langage parisien au XIXe siècle : Facteurs sociaux, contingents linguistiques, faits sémantiques, influences
littéraires (Paris, de Boccard, 1920) L. Sainéan (1859-1934) l'inclut dans la généalogie des petits-maîtres de la seconde moitié du XIXe siècle : « Gommeux, remplaçant
du cocodès, appelé aussi poisseux, pommadin, petit crevé, boudiné, grelotteux, derniers représentants plus ou moins ridicules de ce qu'on a appelé " les héros du chic et de la distinction
vestimentale " : " Tout le Royal gommeux et l'Impérial grelotteux avait été conviés à cette crémaillère des plus vlan. Les horizontales de la grande marque étaient représentées par... ", Gil
Blas, 29 janvier 1885. » Dans Modernités de Jean Lorrain (1885) on lit : « Sa traîne triomphale Est d'un satin si blême et sa chair idéale Si frêle, qu'au milieu des
énormes bouquets, Outrageusement blancs des Grelotteux coquets, … » ; et dans Dictionnaire de la langue verte (1883) d'Alfred Delvau :
« On rencontre des grelotteux (c'est, je
crois, le dernier terme en usage) avec l'habit [...] Aujourd'hui le clubman est remplacé par le grelotteux ... » Dans ces citations on y croise aussi le poisseux, le pommadin, le
boudiné.
LE POISSEUX et LA POISSEUSE sont définis dans le Dictionnaire de la langue verte d'Alfred
Delvau et Gustave Fustier de 1883 : « Gandin ; fashionable. Le successeur du petit-crevé. " Ils se réunissent six ou sept viveurs ou poisseux au café. " (Siècle, 1882) Poisseuse, compagne du
poisseux. " Dans un boudoir de la rue des Martyrs, une jeune poisseuse, étendue sur une chaise longue, lit ... " (Henri IV, 1882). »
LE nom de POMMADIN vient de 'pommade'. Il désigne un garçon-coiffeur et un petit-maître joli et à la
chevelure soignée. Il s'agit d'un jeune homme dont l’élégance exagérée rend grotesque. De même on appelle ainsi certains garçons coiffeurs. Il est possible que l’origine de ce mot soit ancienne.
Au Moyen-âge on désigne par pomander, pomme de senteur, pommander, pomandre, pomme d'ambre, pomme à musc ... un petit réceptacle que l’on porte sur soi, dans lequel on place des odeurs (musc,
pâtes odoriférantes ou autres parfums secs). Il est le plus souvent de forme ronde, avec un anneau de suspension fixé au dôme faîtier qui se dévisse et permet l'ouverture du corps divisé en
compartiments (voir l'article Les Objets de parfums que l'on porte sur soi au XVIII e
siècle). Il semblerait que ce soit M. Fortuné Calmels qui utilise le terme de pommadin pour la première fois en littérature (Delvau, Alfred, Dictionnaire de la langue
verte, deuxième édition, Paris, E. Dentu, 1867).
LE nom de BOUDINÉ vient sans doute du fait qu'au XIXe siècle, les habits sont particulièrement serrés
pour les hommes. Les gommeux aiment à exagérer cela (voir l'article intitulé La gommeuse et le gommeux,
ceux du caf'conc, le dégommé, la gommeuse excentrique et la gommeuse épileptique). Peut-être faut-il rapprocher ce nom du 'petit gras' ou de l''aminci'.
LA FLEUR DE POIS est le titre d'un roman d’Honoré de Balzac paru en 1835 aux éditions Charles-Béchet
dans les Scènes de la vie privée et publié de nouveau aux éditions Béchet sous le titre Le Contrat de mariage. C'est l'histoire d'un lion, un dandy en vogue, héritier bordelais
qui quitte sa ville d'origine pour Paris, avant d'y revenir après s'être fait remarquer dans tous les lieux à la mode de la capitale. De retour à Bordeaux, il est accueilli par la haute société
de cette ville. Une marquise d'un certain âge le surnomme la fleur de pois c'est à dire : le gratin (ou LE GRATINE), LA FINE FLEUR. Au XIXe siècle, il n'est pas rare qu'une désignation de
personnage nouveau de théâtre ou de roman se retrouve employé dans la vie réelle : c'est le cas du 'calicot', de la 'dame aux camélias' ou au XXe siècle de
'Marie-Chantal'.
LE GILET A COEUR est un gilet que les petits maîtres de la seconde moitié du XIXe siècle
portent parfois. On utilise cette expression pour les désigner. Il ne se ferme qu'avec un seul bouton et s'ouvre largement sur
la poitrine, formant une sorte de cœur. On trouve de tels exemples dans certaines des illustrations des articles sur le gommeux : 1 (deux dernières images) et 2 (première
et quatrième). On peut rapprocher ce petit-maître du 'plastronneur'.
LE VIBRION est un petit maître sans grande consistance. Ce nom désigne aussi une personne
agitée.
Dans le livre L'argot au XXe siècle (1901 et 1905 avec un supplément) écrit par Léon de
Bercy et le fameux chansonnier et écrivain Aristide Bruant (1851-1925) dont les portraits à l'écharpe rouge de Toulouse-Lautrec sont assez célèbres (voir ici et ici), quelques autres noms de petits
maîtres sont ajoutés dans un passage les répertoriant succinctement comme LE LUISANT à rapprocher du TCHINK (venant sans doute de l'anglais 'chink' signifiant clinquant), LE TCHOCK (chock = calé,
informé en anglais), LE PETIT VERNI (expression qui existe encore), LE GLUANT, LE HUILEUX, LA HUILEUSE, LA JUTEUSE, LE JUTEUX, LE FIN DE SIÈCLE, LE FIN DE GLOBE et LA SNOBINETTE. Voici plus
exactement quel est ce passage : « Les termes pour désigner les Élégants changent avec la mode. Nous les mentionnons ici à titre de curiosité, en les plaçant dans leur ordre
chronologique : Petit Maître, Muguet, Roué, Merveilleux, Muscadin, Incroyable, Mirliflor, Agréable, Lion, Lionceau, Luisant, Daim, Pommadin, Fionneur, Fleur des pois, Gant-jaune, Gandin,
Cocodès, Col-cassé, Plastronneur, Crevé, Petit crevé, Poisseux, Gâteux, Gluant, Huileux, Psitt, Gommeux, Aminci, Boudiné, Petit Gras, Petit verni, Vibrion, Grelotteux, Pur, Copurchic, Ah, Ha,
Bécarre, Genreux, Gilet à cœur, Vlan, Tchink, Tchock, Fin de siècle, Fin de globe, Gratiné, Pschutteux, Snob, Juteux, Smart, Smarteux. La femme-élégante, du monde de la galanterie, est appelée
successivement : Petite maîtresse, Merveilleuse, Muscadine, Lionne, Biche, Cocotte, Cocodette, Crevette, Poisseuse, Huileuse, Gommeuse, Genreuse, Pschutteuse, Juteuse, Smarteuse, Snobinette.
Cette dernière expression désigne également les précieuses de nos jours. »
© Article et photographies LM